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IA : DeepMind présente un système de prévision météo révolutionnaire

Après les jeux de plateau, la fusion nucléaire ou encore l’étude des protéines, les troupes de Demis Hassabis s’attaquent désormais aux prévisions météorologiques.

Depuis quelques mois, et encore plus depuis quelques jours avec le feuilleton Sam Altman, le monde n’a d’yeux que pour OpenAI et son modèle de langage GPT. Mais ce n’est pas la seule entreprise qui affiche de beaux progrès dans le domaine du machine learning. Il serait très indélicat d’oublier DeepMind, une entreprise satellite de Google qui fait aussi partie des références dans ce domaine.

En quelques années, ces véritables sorciers de l’IA ont créé plusieurs outils, certes moins divertissants que ChatGPT, mais au moins aussi révolutionnaires. Il y a par exemple AlphaZero et AlphaGo, qui ont respectivement bouleversé les fondements des échecs et du jeu de go, ou un système d’optimisation des réacteurs à fusion nucléaire. On peut aussi citer AlphaFold, une base de données sur le repli des protéines qui transforme déjà la biologie médicale.

Récemment, DeepMind a remis le couvert avec un autre outil qui pourrait avoir un impact très concret : voici GraphCast, un modèle de prévision météo aux performances époustouflantes.

Une précision diabolique et une rapidité ébouriffante

Pour commencer, DeepMind affirme que cet algorithme est capable de prévoir la météo globale 10 jours en avance avec une précision inégalée. Cette revendication est basée sur une comparaison avec le High Resolution Forecast (HRES) du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, l’étalon-or des systèmes prédictifs modernes.

Les résultats, publiés dans la prestigieuse revue Science, sont impressionnants. Les auteurs expliquent que GraphCast a affiché des performances supérieures à celles du HRES sur plus de 99 % des variables météorologiques, dans 90 % des 1300 régions testées.

Il est aussi capable de prévoir certains événements catastrophiques avec une grande précision. DeepMind donne notamment l’exemple de l’ouragan Lee, qui a frappé la province canadienne de Nova Scotia en septembre. GraphCastl a pu anticiper le point d’impact exact neuf jours à l’avance. Les systèmes traditionnels, de leur côté, n’y sont parvenus que six jours avant son arrivée, et avec une précision géographique moins importante.

Mais ce n’est même pas le plus impressionnant. GraphCast se distingue encore davantage sur un autre critère : la vitesse. Là où le HRES a eu besoin de plusieurs heures pour formuler ses prévisions sur dix jours, l’algorithme de DeepMind a fourni un résultat en… moins d’une minute !

Graphcast
© DeepMind

Les données à la place de la force brute

Pour arriver à ces résultats remarquables, les ingénieurs ont opté pour une approche élégante et radicalement différente. Aujourd’hui, les meilleurs systèmes de prévision comme le HRES fonctionnent tous de la même façon. Ils utilisent des équations thermodynamiques et de mécanique des fluides pour calculer l’évolution de nombreux paramètres comme la température, l’humidité et la pression atmosphérique.

Le problème, c’est que ces équations sont extrêmement complexes. Les définir et les traduire sous forme d’algorithmes demande énormément de temps et une grande expertise. En outre, pour les appliquer à une telle échelle avec une résolution suffisante, il faut une puissance de calcul phénoménale que seuls des supercalculateurs de pointe sont capables de proposer.

Les ingénieurs de DeepMind ont pris le parti de rompre avec ce paradigme. Au lieu de calculer les variations atmosphériques par force brute à partir d’équations, ils ont choisi de se baser sur des données issues du monde réel. GraphCast a été entraîné à partir d’un gigantesque ensemble de données météorologiques collectées sur plusieurs décennies. Il a ainsi pu apprendre les relations de cause à effet qui gouvernent l’évolution de la météo. À partir de là, le système utilise ces règles pour déterminer rapidement la météo future sans passer par ces équations excessivement complexes.

Une vraie avancée, mais pas une panacée

Au vu de ces performances impressionnantes, on pourrait partir du principe que GraphCast va bientôt rendre les autres systèmes prédictifs obsolètes. Mais c’est loin d’être le cas, car le modèle présente une limite particulièrement ennuyeuse.

Comme tous les systèmes à base de machine learning, on sait quelles données on fournit à l’entrée, on obtient un résultat à la sortie, mais tout ce qui se passe entre les deux est beaucoup trop abstrait pour le cerveau humain. La magie opère dans une sorte de boîte noire ; il est impossible de déterminer exactement comment l’algorithme arrive à ses résultats.

Or, si les modèles prédictifs traditionnels ont atteint leur niveau de précision actuel, ce n’est pas seulement parce que les supercalculateurs deviennent de plus en plus puissants. C’est aussi parce que les chercheurs ont pu affiner leurs équations au fil des décennies en comparant les prévisions à la météo réelle. Avec ce système basé sur le machine learning, ce processus itératif est beaucoup plus délicat à mettre en place. Même si la réalité est plus nuancée, en substance, on peut seulement fournir de nouvelles données à l’algorithme et croiser les doigts pour qu’il les interprète de façon satisfaisante.

C’était le cas jusqu’à présent. Mais si le modèle se met à halluciner (c’est-à-dire proposer des résultats déconnectés de la réalité), il sera presque impossible de s’en rendre compte avant d’être mis devant le fait accompli. Le cas échéant, il sera aussi difficile de déterminer l’origine exacte du problème. À ce niveau, l’approche basée sur la puissance de calcul brute reste donc bien plus solide.

Pour cette raison, les chercheurs insistent sur le fait que leur modèle n’a pas vocation à remplacer HRES et consorts. Du moins, pas dans un futur proche. Par contre, ils soutiennent que les deux approches sont parfaitement complémentaires. GraphCast présente tout de même un vrai intérêt pratique; il ne faut simplement pas se reposer entièrement sur lui pour le moment. Mais à terme, il pourrait bien être le précurseur d’un grand changement de paradigme en météorologie.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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