Pour la première fois, des chercheurs ont appliqué le concept de piège évolutif à l’ensemble des populations humaines. Ces travaux, assez abstraits et exploratoires, ont toutefois permis d’arriver à plusieurs conclusions très intéressantes ; les chercheurs ont identifié 14 culs-de-sac évolutifs qui pourraient un jour mettre l’humanité dans une situation très délicate.
Ce concept de piège évolutif est apparu dans les années 1990, quand la communauté des chercheurs en biologie de l’évolution a commencé à percevoir de nombreux changements chez certains organismes. De nombreuses espèces leur semblaient de moins en moins bien adaptées à leur environnement à cause d’innovations bénéfiques pour l’humanité.
Par exemple, l’évolution a poussé de nombreuses espèces d’insectes à développer une attraction particulière pour la lumière ; on parle de phototaxie. Si cette phototaxie a été sélectionnée au fil de l’évolution, c’est forcément parce qu’elle présente un certain intérêt évolutif. Ce dernier n’est pas encore parfaitement clair pour les chercheurs. En revanche, ce comportement n’est plus strictement bénéfique à notre époque. Par exemple, il peut aussi les inciter à s’approcher un peu trop près d’une lampe anti-insecte ; aujourd’hui, la phototaxie est donc devenue un piège évolutif.
Une lecture évolutive des progrès humains
Jusqu’à présent, les travaux sur cette thématique portaient surtout sur des espèces isolées. Mais récemment, une équipe de chercheurs affiliés à l’Académie Royale des Sciences suédoise a opté pour une autre approche ; ils ont voulu explorer les différents pièges évolutifs qui pourraient remettre le futur de l’humanité en question.
« Les humains sont incroyablement créatifs en tant qu’espèce. Nous sommes capables d’innover et de nous adapter à de nombreuses circonstances en coopérant à une échelle très importante. Mais ces capacités ont aussi des conséquences inattendues. On peut dire que l’espèce humaine s’en est “trop” bien sortie, et à certains égards, qu’elle est trop intelligente pour son propre bien », explique Peter Søgaard Jørgensen, chercheur à l’Université de Stockholm et auteur principal de l’étude.
« Le concept de piège évolutif est bien connu dans le monde animal. Mais de la même façon que les insectes sont attirés par la lumière, un réflexe évolutif qui peut conduire à la mort dans le monde moderne, il y a un risque que les humains soient piégés par de nouveaux phénomènes », précise-t-il.
14 pièges évolutifs majeurs
Dans sa dernière publication, son équipe a identifié 14 pièges évolutifs potentiels qui menacent directement notre espèce. Ils les ont classés dans trois catégories. La première concerne les pièges technologiques. Par exemple, il existe un risque que l’humanité se retrouve dépassée par les conséquences inattendues de ses propres inventions.
C’est une thématique qui est aujourd’hui connue de tous. On peut citer l’industrialisation, qui a indiscutablement fait progresser nos sociétés… mais aussi posé les bases du réchauffement climatique, avec toutes les conséquences que l’on connaît. Aujourd’hui, de plus en plus d’observateurs mentionnent aussi les risques liés au développement rapide de l’intelligence artificielle.
La deuxième catégorie rassemble des pièges dits « structuraux ». Les chercheurs citent notamment la dynamique de consommation-production et l’urbanisation massive. Enfin, la troisième catégorie concerne les pièges « globaux », comme les conflits ou l’augmentation des besoins en ressources.
Les chercheurs citent par exemple la simplification progressive de l’agriculture, qui commence à devenir inquiétante après des décennies de monoculture. L’humanité dépend largement de certains végétaux à haut rendement tels que le blé, le riz ou le soja. Leur culture intensive a fait exploser le nombre de calories produites, permettant à notre espèce de proliférer massivement. Mais cela signifie aussi que notre système alimentaire est de plus en plus vulnérable aux changements climatiques ou aux maladies, ce qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices à l’avenir.
Des pièges souvent interconnectés
Tous ces phénomènes ont déjà été documentés individuellement ; en revanche, c’est la première fois qu’une étude propose une interprétation de la situation à l’échelle globale à travers les mécanismes de l’évolution. Et cette approche a fait émerger quelques informations intéressantes.
Pour commencer, les chercheurs expliquent que 12 de ces 14 pièges sont dans un état « avancé ». Dans le contexte de l’étude, cela signifie que l’humanité s’est déjà embourbée si profondément dans certains de ces traquenards évolutifs qu’il sera bientôt très difficile de s’en extraire. La dynamique à l’origine du réchauffement climatique en est un excellent exemple.
Ensuite, ces travaux montrent de manière assez claire que ces pièges ont tendance à se renforcer les uns les autres. Si l’humanité tombe définitivement dans l’un d’entre eux, elle sera donc encore plus exposée aux autres. Les auteurs citent par exemple le gain d’autonomie de la technologie, à travers des disciplines comme la robotique et l’intelligence artificielle. Il s’agit déjà d’un piège évolutif potentiel, mais il est d’autant plus menaçant qu’il accélère le déclin de ce que les chercheurs appellent le « capital social ».
L’autre problème, c’est que la multiplication de ces facteurs de risque interconnectés rend ces pièges d’autant plus difficiles à appréhender pour l’humanité dans son ensemble. « Dans les systèmes modernes, les problèmes sociaux et environnementaux grandissent dans des niches qui semblent abstraites, distantes pour les sociétés qui pourraient les empêcher. Les forces évolutives qui ont amené l’humanité là où elle en est aujourd’hui ne fonctionnent plus aussi bien au niveau global », résume Lan Wang-Erlandsson, co-auteur de l’étude.
Pas (encore) une fatalité
Les chercheurs insistent toutefois sur le fait que l’humanité est encore loin d’être condamnée à l’échec. En revanche, pour assurer notre avenir collectif, il va impérativement falloir reprendre la main sur tous ces processus. Et cela passera forcément par un mélange d’éducation et de responsabilité sociale.
« Nous devons transformer nos sociétés activement. Il est temps que les humains prennent conscience de cette nouvelle réalité pour avancer collectivement. Nous avons la capacité de le faire, et nous voyons déjà des signes de tels mouvements. Mais pour sortir de ce statu quo, il faut cultiver notre capacité collective à installer des conditions dans lesquelles nous pourrons nous épanouir en tant qu’espèce », conclut Peter Søgaard Jørgensen.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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C’est bien tenté de la part de cette équipe : dénoncer le capitalisme sans le nommer comme s’il s’agissait de 14 concepts distincts, dans l’espoir que tout nos chers congénères pro-capitalisme liront quand même leur papier.
Ça fait plaisir de voir qu’il y a des gens qui arrivent à discerner les idéologies dans les pseudos études. Personnellement, j’ai compris et j’ai arrêté de lire quand j’ai lu ; « l’industrialisation, […] mais à aussi posé les bases du réchauffement climatique ».
(La personne qui peut prouver ça n’est pas née !!)
Et on vient de trouver un 15ème cul-de-sac évolutif : la fabrique exponentielle d’esprits tordus.
Bien joué ! Pour mieux façonner l’homme rien de mieux qu’attiser les peurs
Au demeurant il n’est pas nécessaire d’être scientifique pour ennoncer
de tels thèmes .
Pour ma part, je résumerais ça à ce que j’appelle “le monde de l’asymptote”, ou le piège si vous préférez.
Rappel : (Le terme d’asymptote est utilisé en mathématiques pour préciser des propriétés éventuelles d’une branche infinie de courbe à accroissement tendant vers l’infinitésimal.Wikipedia.)
Les productions de l’humanité ressemblent un asymptote vertical qui tend vers l’infini. Toujours plus vite, plus grand, plus complexe, plus raffiné, plus productif, etc …
Et ça ne me rend vraiment pas optimiste.
Étude pas très utile puisqu’elle annonce des évidences. Par contre assimiler l’évolution biologique des espèces animales à l’évolution socio-politique de l’humanité c’est un peu piège à clic…