Avec environ 18 millions de victimes par an, les maladies cardiovasculaires sont les premières causes de mort prématurée à l’échelle de la planète, loin devant le cancer et les maladies respiratoires. La plupart de ces décès résultent de crises cardiaques ou d’ accidents vasculaires cérébraux.
Trouver des moyens de les empêcher est donc une priorité absolue en termes de santé publique. Et c’est ce que des chercheurs britanniques essaient de faire grâce à un nouvel outil basé sur le machine learning.
L’IA, un allié formidable pour le diagnostic
Cela fait déjà quelques années que le potentiel de l’intelligence artificielle devient de plus en plus évident. En plus de son potentiel évident en recherche, par exemple dans le développement de nouveaux médicaments, elle commence aussi à s’imposer dans le domaine clinique. Cela concerne notamment la science du diagnostic. Par exemple, les médecins peuvent aujourd’hui s’appuyer sur des algorithmes capables d’analyser des radios ou des images IRM pour y détecter des anomalies, comme des tumeurs (voir notre article).
C’est une technologie prometteuse, car ces images sont souvent très difficiles à interpréter pour les humains. Même les plus grands spécialistes peuvent passer à côté de certains éléments. Ces systèmes à base d’intelligence artificielle peuvent ainsi améliorer la précision et la rapidité du diagnostic, et par extension, le reste de la prise en charge.
Les derniers travaux d’une équipe de chercheurs de la prestigieuse université d’Oxford utilisent également ce concept, à une différence près. Au lieu de chercher des tumeurs, ils souhaitent traquer les signes avant-coureurs des attaques cardiaques.
Un algorithme avec la main sur le cœur
Pour déterminer le risque de crise cardiaque, les médecins ont souvent recours à un examen appelé tomodensitométrie (scanner en langage courant). Cette technique d’imagerie permet notamment de repérer différents changements qui témoignent d’un risque accru. On peut citer le rétrécissement des artères coronaires, qui est souvent un signal d’alarme très éloquent.
Le problème, c’est que plus de trois quarts des patients qui souffrent de crises cardiaques ne présentent pas de rétrécissement évident. Tout l’enjeu, c’est donc de réussir à exploiter d’autres paramètres pour améliorer la précision du diagnostic. Mais c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. En effet, ces soucis de santé proviennent souvent d’une multitude de facteurs difficiles à mettre en évidence. Pour y parvenir, les chercheurs d’Oxford ont misé sur l’IA.
Ils ont développé un outil basé sur le machine learning qui analyse des images de tomodensitométrie pour repérer des changements subtils. Lors de ces travaux, ils se sont surtout intéressés à des modifications des tissus gras qui entourent des artères victimes d’une inflammation.
Cet algorithme a été entraîné avec des milliers d’images prises chez des patients qui ont souffert d’une attaque cardiaque à une date ultérieure. À partir de ces ressources, le programme a appris à identifier précisément ces facteurs de risque. Les premiers tests se sont avérés concluants ; après la première phase d’entraînement, l’algorithme a montré qu’il était possible d’anticiper une crise cardiaque une dizaine d’années avant qu’elle ne survienne.
Un essai clinique plein de promesses
Les chercheurs ont donc choisi de procéder à un essai clinique en testant le système sur 744 personnes. Pour chacun d’entre eux, ils ont soumis plusieurs images de scanner à l’algorithme. Ces résultats ont ensuite été adressés aux médecins traitants des patients à titre informatif, afin qu’ils puissent en tenir compte dans leur prise en charge.
Et le résultat a été assez spectaculaire. À la lumière de ces nouvelles données, les médecins ont décidé de modifier le traitement dans 45 % des cas ! Cela montre que les informations fournies par l’algorithme ont été précieuses pour les soignants, et par extension pour leurs patients.
Et la cerise sur le gâteau, c’est que les chercheurs considèrent que le système peut encore être amélioré. Il suffirait de continuer à l’alimenter avec de nouvelles images pour améliorer sa précision. A terme, il pourrait même être décliné pour pister d’autres maladies cardiovasculaires graves. On peut notamment citer comme les accidents vasculaires cérébraux.
Un outil qui pourrait déjà faire la différence
Mais ils pensent aussi qu’il pourrait déjà représenter une plus-value majeure en termes de santé publique. Pour cela, il faudrait l’utiliser à grande échelle au sein du National Health Service, la plaque tournante du système de santé britannique.
Pour les auteurs, il pourrait considérablement améliorer le diagnostic des patients qui commencent à ressentir des douleurs thoraciques. Cet outil pourrait aussi faire des merveilles en termes de prévention, en identifiant un risque avant l’apparition de ces symptômes. Le cas échéant, cela permettrait aux personnes concernées d’adapter leur mode de vie pour diminuer le risque.
Ils estiment que cette stratégie pourrait réduire le nombre de crises cardiaques de 20 %, et faire baisser le nombre de personnes qui en meurent de 8 %. Il s’agirait d’un immense succès en termes de santé publique.
« Trop de gens meurent chaque année de ces crises cardiaques », regrette Sir Nilesh Samani, directeur de la Fondation britannique pour le Cœur. « Il est vital d’exploiter le potentiel de l’IA pour guider le traitement des patients. Nous espérons que cette technologie sera déployée sur l’ensemble du NHS, et qu’elle permettra d’empêcher des milliers de morts évitables chaque année. »
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