Née en 2010 de l’ambition des deux entrepreneurs Adam Neumann et Miguel McKelvey, WeWork a surfé sur la vague des nouveaux modes de travail pour se propulser au devant de la scène internationale. La firme new-yorkaise, partant d’une idée simple — offrir des espaces de travail partagés à des tarifs accessibles —, a vite conquis un marché en pleine ébullition après la crise financière de 2008. Sa capacité à répondre aux besoins de flexibilité des startups et des freelances, en proposant des locations au mois sans engagement sur le long terme, lui a permis d’attirer une clientèle en quête de solutions économiques et modulables.
La réalité rattrape WeWork
Le tableau idyllique qu’offrait WeWork a commencé à se fissurer avec la révélation de pratiques de gestion douteuses. Adam Neumann, co-fondateur et CEO, a fait les gros titres pour ses extravagances et ses prises de décisions controversées, notamment l’achat du mot « We » qu’il a revendu à sa propre entreprise pour une somme exorbitante. Ces révélations ont sérieusement entamé la confiance des investisseurs et ont précipité la dévaluation de l’entreprise, qui est passée d’une estimation à 47 milliards de dollars à une fraction de cette somme.
En 2019, confrontée à des difficultés financières croissantes et après l’échec de son introduction en bourse, WeWork a bénéficié d’un sérieux coup de pouce financier par SoftBank. Le conglomérat japonais, déjà investisseur majeur, a renforcé sa position dans la société en injectant plusieurs milliards de dollars, passant ainsi de 29 % à environ 80 % de participation au capital de WeWork. Cette intervention a non seulement évité la faillite imminente de WeWork mais a aussi entraîné des changements majeurs dans la gouvernance de l’entreprise, notamment avec le départ d’Adam Neumann des instances dirigeantes.
L’arrivée de la pandémie de Covid-19 a porté un coup sévère à WeWork, dont les espaces de coworking se sont vidés face à la montée en puissance du télétravail. Malgré une introduction en bourse retardée et une valeur bien moindre que celle initialement espérée, WeWork n’a pas réussi à inverser la tendance. Les pertes financières se sont accumulées, entraînant une chute vertigineuse de la valeur boursière de l’entreprise. Aujourd’hui, alors que le modèle du travail hybride est plus actuel que jamais, WeWork semble incapable de tirer profit de ce nouveau modèle que l’entreprise avait pourtant anticipé.
WeWork a lancé cette semaine une procédure de faillite par laquelle l’entreprise se met sous la protection du « chapitre 11 ». Celle-ci permet au groupe de renégocier sa dette et de réorganiser son activité. WeWork peut ainsi espérer réduire son endettement. Cela veut dire concrètement que des actifs vont être cédés ou arrêtés, à l’instar de nombreux baux détenus partout dans le monde. Cela n’empêche pas de nombreux bureaux WeWork de continuer à fonctionner, mais l’entreprise est extrêmement affaiblie et pourrait mettre la clé sous la porte si la restructuration échoue.
Cette faillite symbolise non seulement les aléas d’un marché volatil mais aussi les conséquences d’une gestion hasardeuse. La société, autrefois en position de dominer le secteur du coworking, pourrait désormais servir d’exemple aux startups du monde entier : même les étoiles du capitalisme les plus brillantes peuvent rapidement s’éteindre sans une stratégie solide et une gouvernance éthique. La culture de bureau a été irréversiblement transformée ces dernières années, et WeWork n’a pas su s’adapter à cette nouvelle réalité.
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