Humane lance son AI Pin, un avant-goût d’un futur sans smartphone ?

Ça y est : après des mois de teasing et de démos, Humane vient enfin de lancer officiellement son AI Pin, un gadget dopé au machine learning conçu pour interagir avec les modèles de langage tels que le GPT d’OpenAI.

Physiquement, l’engin prend la forme d’un petit boîtier en qui s’attache à la boutonnière. On constate cependant que le produit fini est à peu près deux fois plus gros que le prototype présenté par le fondateur Imran Chaudhri dans une conférence TED il y a quelques mois.

Le concept de base reste le même : c’est un petit assistant qui nous suit partout, comme notre smartphone, mais sans écran.

Toute la philosophie de l’engin repose d’ailleurs sur ce dernier détail. L’idée derrière cet appareil curieux, c’est de permettre aux humains de s’émanciper de leur smartphone en leur proposant une manière plus organique, plus spontanée d’interagir avec les technologies que nous utilisons tous.

Pour cela, l’AI Pin s’appuie sur une combinaison de contrôle vocal, d’une caméra, et même d’un petit projecteur embarqué.

Quand il est sollicité, c’est son système d’exploitation baptisé Cosmos qui prend le relais. Une fois la requête enregistrée, il se charge de se connecter aux différents services et appareils du quotidien. Terminés, l’écran d’accueil, la gestion des comptes et le téléchargement d’applications ; en théorie, tout est censé se dérouler de façon fluide et spontanée.

Pour répondre aux différentes requêtes, l’appareil communique directement avec un modèle de langage (LLM), d’où son nom. La nature exacte de ce modèle n’est pas précisée. Mais la collaboration étroite de la marque avec OpenAI, l’entreprise derrière ChatGPT, suggère fortement qu’il s’agit de GPT-4 ou d’une variante sur mesure.

Vraie alternative ou fausse bonne idée ?

La vraie question, c’est de savoir ce que permet de faire cet AI Pin. Car remplacer entièrement les smartphones est un projet très ambitieux, surtout à notre époque où ces appareils sont devenus quasiment incontournables — pour le meilleur comme pour le pire.

À l’heure actuelle, cet AI Pin semble capable de faire à peu près tout ce qui avait été révélé lors de la conférence TED. Il peut passer un appel, lire des mails, ou faire de la traduction en direct. Grâce à sa caméra, il est capable de donner des informations sur un produit qu’on lui présente, un peu comme une version vocale de Google Lens. Mais sa principale fonctionnalité, c’est de jouer le rôle de moteur de recherche alimenté par un modèle IA.

Est-ce suffisant pour remplacer un smartphone ? Probablement pas. Certes, selon Wired, l’entreprise compte ajouter des fonctionnalités comme la navigation, ou la possibilité pour les développeurs de créer leurs propres outils. Il deviendra aussi meilleur à chaque progrès des modèles de langage. Mais l’AI Pin reste très loin de la versatilité d’un smartphone moderne, et ce ne sont pas des fonctions supplémentaires qui vont y changer quoi que ce soit ; ses limites sont directement liées au choix de design central, à savoir sacrifier l’écran.

Certes, le fait de vouloir aider les humains à s’émanciper des smartphones est une intention louable. Mais en pratique, l’absence de vrai écran risque de poser un sacré paquet de problèmes pratiques. Car il n’y a pas que les humains qui dépendent des smartphones : tout notre écosystème technologique, aussi bien du côté des services web que des logiciels standard, est conçu pour fonctionner avec des surfaces d’affichage, et non pas à travers une interface vocale. Faire le pont entre les deux sans limiter l’utilisateur s’annonce donc très difficile, surtout lorsque l’on sait à quel point les formats vidéo occupent une place centrale aujourd’hui.

En l’état, il s’agit donc d’un appareil certes innovant, mais encore loin de pouvoir s’intégrer sans friction au quotidien des usagers. De plus, ce gadget se paie au prix fort. En plus du tarif initial de 699 $, les clients devront s’acquitter d’un forfait à 24 $ par mois.

Si l’engin était effectivement capable de remplacer un smartphone, ce prix ne serait probablement pas exagéré. La plupart des smartphones haut de gamme modernes flirtent aujourd’hui avec les 1000 euros, voire beaucoup plus dans certains cas. Et un forfait téléphonique avec un abonnement à ChatGPT Plus dépasse largement les 24 $ par mois.

Mais pour justifier cette dépense, il faudrait que l’AI Pin puisse entièrement remplacer un téléphone portable. Et en l’état, l’AI Pin est encore assez loin d’être une alternative viable. Pour le moment, le tarif semble difficilement justifiable, et l’appareil ressemble surtout à un gadget pour technophiles curieux et fortunés.

Vers un grand changement de paradigme ?

Au-delà de l’aspect technique et ergonomique, l’adoption d’un tel produit implique donc un changement radical de philosophie. Le grand public est-il déjà prêt à sacrifier les écrans pour parler avec son matériel à haute voix de cette façon ? Rien n’est moins sûr.

On peut aussi imaginer qu’un tel engin pourrait aussi poser problème en termes de confidentialité. Un exemple simple : on imagine aisément que le fait de diffuser un message sensible au milieu d’un espace public pourrait poser de gros problèmes.

Certes, il est possible de connecter des écouteurs à l’AI Pin. Mais cela semble aller à l’encontre de la philosophie de l’objet, puisqu’il faut de toute façon lui parler à haute voix. On se retrouve donc avec une incohérence fondamentale entre les fonctionnalités du produit et ses objectifs, ce qui n’est pas forcément de bon augure.

Et cela ne concerne pas que l’utilisateur, mais aussi les gens autour de lui. Le fait de se promener avec une caméra et un micro attachés à la chemise n’inspire pas forcément confiance. Certes, la caméra n’est pas activée en permanence. Mais quoi qu’il en soit, il faudra probablement un vrai changement des mœurs à grande échelle pour qu’un tel appareil se démocratise.

Toutefois, il faut aussi garder à l’esprit que cette première mouture n’est qu’une preuve de concept. Pour Humane, il s’agit de la première pierre d’un grand projet qui pourrait bien représenter un vrai changement de paradigme d’ici quelques années ; tout dépendra de l’intérêt du public et des progrès des LLM.

Et vous, seriez-vous prêts à abandonner votre smartphone pour un appareil connecté de ce type ?

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