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NASA : le James Webb a (encore) observé un trou noir record

Le James Webb n’en finit plus de repousser les limites de l’Univers observable. Bien aidé par le télescope Chandra, il a pu identifier le trou noir supermassif le plus ancien jamais observé.

Le record du trou noir le plus ancien à avoir été détecté vient de tomber une nouvelle fois. Des astrophysiciens américains ont mis le doigt sur un trou noir exceptionnel qui réside dans la galaxie UHZ1 ; d’après l’équipe de recherche à l’origine de cette observation, il date d’environ 470 millions d’années après le Big Bang. Il dépasse donc le précédent tenant du titre, identifié par le James Webb Space Telescope en juillet dernier, d’une centaine de millions d’années.

À notre échelle, il s’agit évidemment d’une durée excessivement longue. Mais c’est une broutille par rapport à l’âge de notre monde, qui est estimée à environ 13,6 milliards d’années. Son signal a donc dû voyager sur plus de 13 milliards d’années-lumière avant de nous parvenir.

Un duo de choc et un zeste de relativité

Forcément, capturer de telles données n’est pas chose aisée. Pour y parvenir, les chercheurs de l’équipe menée par Akos Bogdan, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, ont eu besoin de matériel de pointe. Ils ont fait appel à deux des télescopes les plus performants de l’ère moderne : Chandra, qui observe dans le domaine des rayons X, et l’incontournable James Webb, spécialisé dans l’infrarouge.

Après deux semaines d’observations continues avec Chandra, les données ont révélé la présence de rayons X extrêmement intenses émis par un objet au sein d’UHZ1. Une bonne nouvelle, sachant que les rayonnements de ce type sont une signature typique des trous noirs supermassifs.

Ils ont alors pu utiliser le phénomène de lentille gravitationnelle pour braquer le Webb sur l’origine du signal afin d’obtenir des données complémentaires. Cette technique consiste à exploiter la courbure de l’espace-temps produite par une galaxie massive afin de zoomer sur un autre objet situé derrière elle.

Le phénomène de lentille gravitationnelle
Le phénomène de lentille gravitationnelle schématisé par l’ESA. La grille représente la courbure de l’espace temps. © NASA, ESA & L. Calçada

Un trou noir aussi massif que la galaxie qui l’entoure

À cause de son âge canonique, ce béhémoth cosmique est à un stade de maturité qui n’a jamais été observé chez un trou noir jusqu’à présent. Par conséquent, il se distingue aussi par sa masse invraisemblable. Grâce à sa luminosité et à l’énergie des rayons X qu’il émet, les auteurs de l’étude ont pu déterminer que sa masse est comparable à celle de la galaxie qui l’entoure, soit l’équivalent de 10 à 100 millions de masses solaires ! « Pour la première fois, nous avons pu observer ce stade très bref où un trou noir supermassif pèse autant que la galaxie qui l’entoure », se réjouit Priyamvada Natarajan, l’un des auteurs de l’étude.

C’est nettement plus que les trous noirs supermassifs observables dans notre voisinage cosmique ; en règle générale, ils contiennent environ 0,5 % de la masse de leur galaxie. À titre de comparaison, Sagittarius A*, le trou noir supermassif qui structure toute la Voie lactée, ne pèse “que” 4,3 millions de masses solaires.

Pour l’équipe de recherche, cette masse phénoménale est une excellente nouvelle. Ce trou noir est un cas particulier que les chercheurs peuvent sonder afin de répondre à une vieille question : ces véritables colosses étaient-ils déjà particulièrement massifs à la naissance, ou ont-ils simplement grandi plus vite que ne le prévoient les modèles cosmologiques ?

Un poids lourd né d’un nuage de gaz

Les auteurs pensent avoir trouvé la réponse ; ils considèrent que ce trou noir est beaucoup trop lourd pour être né de l’écroulement d’une étoile peu après le Big Bang. À la place, ils considèrent que cette observation valide la théorie de Priyamvada Natarajan. En 2017, il avait suggéré que des trous noirs surdimensionnés pourraient se former par l’écroulement gravitationnel d’immenses nuages de gaz, ce qui leur donnerait une longueur d’avance sur leurs congénères. Ces travaux renforcent considérablement cette hypothèse.

« Il y a des limites physiques au niveau de la vitesse de croissance maximale des trous noirs une fois qu’ils se sont formés », explique Andy Goulding, astrophysicien à l’Université de Princeton. « Mais ceux qui sont nés avec plus de masse partent avec de l’avance. C’est comme planter un petit arbre ; vous obtiendrez un arbre mature plus rapidement qu’en commençant avec une graine ».

« Nous pensons que c’est la première détection d’un trou noir démesuré, et la meilleure preuve à ce jour que certains trous noirs se forment à partir de nuages de gaz massifs », résume Natarajan, l’instigateur de cette théorie.

Mais cette situation a sans doute évolué. Puisque c’est un objet particulièrement lointain, les signaux capturés par le Webb et Chandra datent de plusieurs milliards d’années, le temps qu’ils aient pu voyager jusqu’à notre planète. Or, dans cet intervalle de temps, les forces gravitationnelles prodigieuses générées par ce trou noir ont forcément permis à la galaxie de brasser de gros volumes de gaz et de poussière, et par extension de grandir rapidement.

Aujourd’hui, elle est donc beaucoup plus massive qu’elle ne l’était à l’époque où ces signaux sont partis, même si les lois de la physique nous empêchent de mesurer sa masse actuelle. Ce qui est presque sûr, c’est qu’elle a vraisemblablement dépassé la masse du trou noir entre temps. Mais cela n’enlève rien au caractère exceptionnel de cette observation. Il ne reste plus qu’à identifier d’autres trous noirs surdimensionnés de ce genre pour valider définitivement la théorie de Natarajan, et pour améliorer notre compréhension de la dynamique de l’Univers précoce.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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