La fusion nucléaire à grande échelle qui pourrait entièrement transformer notre civilisation est encore très loin, mais le Japon vient de faire un pas significatif dans cette direction.
Le JT-60SA, le plus grand réacteur à fusion expérimental opérationnel de la planète, a récemment produit son tout premier plasma. Un succès qui contribuera au développement d’ITER, l’immense projet international basé en France.
Le plasma, cœur battant de la fusion nucléaire
Comme ITER, JT-60SA est un tokamak. C’est une enclave cernée d’énormes bobines supraconductrices qui produisent un puissant champ magnétique. Il joue le rôle de prison invisible qui emprisonne un plasma — un état de la matière où les électrons des atomes sont arrachés à leur noyau et se promènent librement, dans un désordre complet.
C’est une manière élégante de s’assurer que ce plasma ne touche les parois du réacteur sous aucun prétexte. Et pour cause : c’est dans ce milieu que les réactions de fusion nucléaire doivent avoir lieu. Or, pour y parvenir, il faut que ce dernier atteigne une température de plusieurs centaines de millions de degrés.
Avant même de songer à récupérer l’énergie produite, le premier grand défi de la fusion nucléaire commerciale, c’est donc de réussir à atteindre cette température pour générer un plasma stable, puis de la maintenir aussi longtemps que possible.
Plusieurs tokamaks expérimentaux y sont déjà parvenus, mais dans des conditions très différentes. Certains cherchent surtout à faire grimper le thermomètre aussi haut que possible ; d’autres travaillent à des températures plus basses, mais maintenues sur une plus longue durée.
Faire les deux à la fois, en revanche, exige des efforts d’ingénierie immenses. Aujourd’hui, il n’y a qu’une poignée de tokamaks boxent dans cette catégorie. On peut citer le KSTAR coréen, qui a été poussé à 100 millions de degrés Celsius pendant 30 secondes l’année dernière.
Le JT-60SA japonais fait également partie de ce cercle fermé. Cet engin de 15,5 mètres de haut peut héberger environ 135 mètres cubes de plasma, soit environ un sixième du volume du tokamak d’ITER. En attendant que ce dernier produise son premier plasma, le JT-60SA reste donc le plus grand réacteur à fusion expérimental actif du monde.
Un beau succès après des années de galère
Comme souvent dans ce domaine de pointe où les ingénieurs naviguent à vue, le réacteur japonais a tardé à se mettre en route. Selon Science, le premier plasma était attendu en 2016. Mais le début des opérations a été retardé par de nombreux problèmes techniques. Le dernier d’entre eux est survenu lors d’un test en 2021. L’une des bobines supraconductrices a subi un court-circuit qui a provoqué une fuite d’hélium. Cette dernière aurait pu faire des dégâts très importants, et donc ramener les ingénieurs à la case départ.
Heureusement, le courant était assez faible lors de l’incident selon Hiroshi Shirai, responsable du projet aux Instituts Nationaux de Science et de Technologie Quantique du Japon. « Les dégâts de la bobine auraient pu être sévères », explique-t-il dans Science. « Nous avons eu de la chance ». Par sécurité, les ingénieurs dont donc complètement repensé l’isolation électrique du système. Une révision qui a pris plus de deux ans.
Le 26 octobre dernier, tous ces efforts ont enfin payé. Le JT-60SA s’est enfin offert un record impressionnant ; les opérateurs ont réussi à pousser le plasma à 200 millions de degrés Celsius pendant environ 100 secondes. C’est la première fois qu’un réacteur expérimental parvient à maintenir une température aussi élevée pendant aussi longtemps.
Il s’agit donc d’un sacré exploit technique, et d’une démonstration encourageante pour la suite des travaux. « Cela prouve que la machine est capable de remplir sa fonction basique », explique Sam Davis, un des responsables du consortium Fusion for Energy.
Mais dans l’absolu, ce succès n’est que la première étape d’un très long processus de développement. Car pour pouvoir vraiment étudier les mécanismes de la fusion nucléaire, il faudra réussir à maintenir ce plasma sur une durée encore bien supérieure. Et selon Hiroshi Shirai, il faudra encore patienter un peu pour arriver à ce stade. Dans la prestigieuse revue Science, il suggère qu’il faudra encore deux ans pour produire un plasma « de longue durée » sur lequel les chercheurs pourront mener des expériences concluantes.
Faut-il s’inquiéter pour ITER ?
Le fait que le JT-60SA ait produit son premier plasma bien avant ITER ne rend pas ce dernier obsolète. C’est même tout le contraire. Comme de nombreux tokamaks actuels, ce n’est pas un concurrent ; c’est un éclaireur, une plateforme d’expérimentation au service du réacteur de Cadarache. Il permettra de faire progresser les techniques qui seront exploités au sein d’ITER.
Dans ce contexte, même les problèmes techniques sont donc des expériences bonnes à prendre. Ils permettent à ITER de mieux cerner les obstacles que le réacteur devra surmonter. Par exemple, selon Shirai, l’incident du court-circuit a poussé les ingénieurs d’ITER à revoir le protocole de test de leurs propres bobines.
Mais maintenant qu’il a produit son premier plasma, les contributions du JT-60SA vont devenir de plus en plus concrètes. Par exemple, les ingénieurs pourront étudier différentes configurations du plasma pour trouver les plus optimales.
Autant d’informations qui seront précieuses pour le développement d’ITER à l’approche de son premier plasma. À l’heure où ces lignes sont écrites, cette échéance est prévue en 2025. Mais mieux vaut ne pas être trop pressé, car cette date pourrait facilement être repoussée. En attendant, il conviendra de guetter les progrès de tous ces autre tokamaks expérimentaux, cruciaux pour le développement de cette installation potentiellement révolutionnaire.
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Il y a 50 ans quand j’étais étudiant, on disait que la fusion nucléaire c’était pour … dans 50 ans (science et vie, la recherche…) … Allez … rdv dans 50 ans. Ah ben non je serais mort… lol
Bah techniquement les premières fusions expérimentales ont lieu. Que ce soit dans la technologie inertielle ou par confinement.
Donc ça avance mais c’est une des technologies les plus complexes à développer alors il faut défricher. Mais le jeu en vaut la chandelle (à plasma 😁).
Bonjour,
Arrêter de raconter des âneries sur la fusion, actuellement tous les réacteurs de fusion ne sont pas des réacteurs de production mais seulement des réacteurs expérimentaux.
C’est le ça également pour ITER dont le Code de construction réglementaire et est le RCC-MX. Le démarrage du premier plasma non actif est sans cesse repoussé, le premier devait avoir lieu en 2016, actuellement il est repoussé vers 2030 ou plus, donc la fusion vu sa complexité et sa difficulté n’est pas une solution immédiate! Actuellement il faut reprendre les 40 km de circuit de refroidissement du bouclier thermique du Tokamak car le suivi réglementaire et les contrôles des pièces du bouclier thermique n’ont pas respecté le code de construction. D’autres éléments se produiront et decaleront le démarrage de ce réacteur expérimental.
La suite après ITER normalement c’est DEMO un réacteur de pré industrialisation qui sera plus grand encore, si cela se produit dans plusieurs dizaines d’années. Et enfin peut que l’on fera ou pas l’industrialisation très coûteuse de ce type de réacteurs ce n’est pas maintenant.
Les autres solutions sont les réacteurs de petites tailles basés sur la fission qui auront comme combustible des déchets nucléaires pour réduire leur durée de vie, et ça c’est maintenant avec des développements sur tous les continents du monde.