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Ielles, celleux… le Sénat veut interdire l’écriture inclusive, mais pourquoi ?

Le Sénat veut interdire “ielle”, “celleux” et tous les mots utilisant le point médian de l’écriture inclusive.

Examinée cette semaine dans l’hémicycle, c’est une loi un peu particulière qui vient d’entrer dans les débats sénatoriaux. Cette fois, il n’est pas question de finance ni d’égalité sociales, mais d’écriture inclusive. Hier mercredi 25 octobre, les sénateurs et les sénatrices français ont adopté une proposition de loi visant à “protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive“. Le texte entrera en examen lundi prochain, et il cristallise déjà bon nombre de tensions.

Interdire “ielle” jusque dans la sphère privée, vraiment ?

Porté par la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny, le texte prévoit de bannir l’écriture inclusive “dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français“. Concrètement, cette dernière serait officiellement prohibée des contrats de travail, des modes d’emploi, ou encore des actes juridiques officiels, sous peine d’être considérés comme irrecevables aux yeux de la loi. Dans la sphère privée aussi, Pascale Gruny entend agir en s’opposant aux “risques” encourus par l’utilisation d’une écriture moins sexiste.

En plus de l’écriture inclusive, qui consiste à placer un point ou un point médian sur un mot pour signifier la présence des deux sexes, de la neutralité ou du pluriel (par exemple : des employé·es, des rédacteur·rices), le Sénat veut aussi interdire les néologismes grammaticaux apparus ces dernières années, comme “ielle” (contraction de “il” et “elle”) ou encore “celleux” (contraction de “celles” et “ceux”).

Pour les élus porteurs du texte de loi, l’écriture inclusive serait “une pratique qui est justement contraire à l’inclusion“, susceptible d’exclure les personnes en situation de handicap ou d’illettrisme de par sa complexité. Pour effacer les inégalités linguistiques en France, il serait en effet nécessaire de “simplifier la langue” plutôt que d’y ajouter de nouvelles contraintes, indique le rapporteur LR Cédric Vial. Malgré un accueil mitigé chez les députés, la loi très populaire à droite, a de bonnes chances d’être adoptée. Il faudra toutefois qu’elle passe par la validation de l’Assemblée nationale pour être officiellement promulguée, ce qui serait une première en France.

Le Sénat ne décide pas la langue

Depuis 2017, une circulaire officialisait déjà l’existence de l’écriture inclusive en tant que “pratique rédactionnelle et typographique visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine“. Bien qu’encore minoritaire dans la langue écrite française, la pratique a peu a peu gagné du terrain, au point qu’en 2021, une autre circulaire du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait proscrit son application à l’école. 

Le problème, c’est que malgré toute la bonne volonté du Sénat et des élus conservateurs qui s’échinent à interdire l’utilisation de l’écriture inclusive, considérée comme un “péril mortel” par l’Académie française, la langue est une discipline vivante, qui se transforme au fil des siècles et des évolutions sociales. L’adoption d’une loi et l’interdiction du “ielle” n’y changeront sans doute pas grand-chose : si l’écriture inclusive est adoptée par le grand public dans la sphère privée, elle s’imposera comme une nouvelle manière de communiquer à l’écrit et à l’oral, à la manière de n’importe quelle autre évolution linguistique, allant de l’abandon du s long (ſ) jusqu’à la plus récente réforme orthographique de 1990.

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16 commentaires
  1. Une excellente décision. Cette saloperie rend la lecture difficile sans rien apporter. Encore un truc d’extrémiste…

  2. Excellent projet. A part une minorité d’idéologues pétris de leurs propres convictions, dont visiblement le rédacteur de l’article, qui essayent de pousser une réforme de l’orthographe complètement artificielle, tout le monde s’en tape, que ce soit dans la sphère privée ou dans la sphère professionnelle.

  3. Au contraire @Janjan, c’est parce que ces gens de droite (pourquoi réactionnaire? qu’est-ce que ça veut dire?) ont à cœur de gérer des situations plus urgentes qu’ils légifèrent cette loi pour qu’on en finisse avec ces imbécilités et qu’on puisse passer à autre chose 🙂

  4. Et celles et ceux qui prônent l’écriture inclusive ne se rendent pas compte qu’il y a plus urgent (et plus efficace) pour prôner l’égalité/l’inclusion.

    Qui plus est il existe déjà (partiellement) des outils dans la langue Française pour ça, que les gens les utilisent avant d’inventer de nouveaux trucs.

    L’interdire n’empêchera certainement pas son utilisation mais donnerait au moins un cadre juridique à la chose.

  5. Alors autant je suis contre l’obligation de l’utilisation de l’écriture inclusive, autant… Voter une loi pour interdire certains mots ? Sérieux ?
    La langue française n’est pas la propriété de la France et encore moins de quelques politiques qui se sentent menacés dans leurs petites habitudes. Une langue vivante, ça évolue avec les personnes qui l’utilisent.
    Tenter d’interdire des mots comme Ielle (contraction de il ou elle) est plutôt étrange. Pourquoi ? Et surtout, de quel droit ils règlementeraient le parlé de tous les jours ?
    Et surtout, moi qui actuellement ne les utilise pas, ça me pousserait justement à utiliser ces tournures vu que je ne vois pas comment ils pourraient m’en empêcher.
    Mais bon, ils vont surement en profiter pour passer d’autres choses impopulaires en sous-marin pendant que tout le monde s’écorche sur ce sujet…

  6. Comme l’ont rappelé certains de vos commentateurs, la France a BEAUCOUP de problèmes à régler BEAUCOUP PLUS prioritaires que l’écriture inclusive (ou que les états d’âme des LGBTQUIA+++£%µ§/.?+°

  7. Ils traitent des sujets secondaires pour ne pas traiter des vrais sujets. Comme quand tu as de gros problèmes urgents dans ta vie et que tu fais le ménage dans ta maison.
    Là, c’est pareil : ils font le ménage, pour ne pas s’attaquer au gros morceau qui pourrait leur couter leur carrière politique et ça fera un fer de lance pour les prochaines élections, car pour un politique, il n’y a que les élections qui comptent (et de ne pas se faire prendre la main dans le sac).

  8. Assez d’accord avec cette loi, sinon au rythme où on va, il va falloir ajouter 36 mots par jour et la langue française n’aura plus aucun sens
    Même en anglais ils se font pas autant chier, ils mettent they/them et le problème est résolu

    Et je plaind surtout les futurs gosses qui à l’école vont se chopper des dictées et autre lectures infâmes avec tous ces nouveaux mots qui ne servent à rien, tout ça pour des gens qui avec un peu de chance feront machine arrière lorsqu’ils se rendront compte que la mode de créer des sexualités et des genres sera terminée

  9. Du bon sens.
    Je pense que la mesure ne vise pas à empêcher l’utilisation dans le cadre privé mais public : site de collectivités, professeurs qui refusaient de lire un rendu qui n’était pas rédigé en écriture inclusive, communication extérieure…

    Quant à l’argument fallacieux “il y a plus urgent”, oui mais dans ce cas on ne fait plus rien car il y aura toujours plus urgent.

  10. très bonne initiative, la lecture d’un texte en écriture inclusive est horrible et je ne parle pas lorsqu’il faut l’écrire

  11. Très bien. Il n’y a que les médias qui l’utilisent et nous en parlent à tire-larigot pour nous forcer à faire de même. Comme tous ces anglismes qu’on est obligé de lire et d’entendre. Le français est la langue de la République française (loi Jacques Toubon), pas le charabia globish inclusif venu des pays anglo-saxons.

Les commentaires sont fermés.

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