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Alzheimer : le rôle du microbiote intestinal enfin confirmé ?

Une étude récente a fait émerger une corrélation claire entre la maladie d’Alzheimer et le microbiote intestinal. Une démonstration qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques.

Dans une étude repérée par ScienceAlert, une équipe internationale a présenté des résultats qui pourraient avoir un impact considérable sur la recherche sur Alzheimer. Pour la toute première fois, ils ont réussi à transférer les symptômes de la maladie à de jeunes rats en bonne santé grâce à un transfert de microbiote intestinal.

L’intérêt de cette étude, c’est qu’elle donne beaucoup de crédit à une hypothèse qui prend de plus en plus de place dans les travaux sur cette terrible maladie neurodégénérative. Depuis son identification au début du siècle dernier, les scientifiques qui cherchent à déterminer son origine se sont surtout concentrés sur l’étude du cerveau — une approche parfaitement raisonnable, sachant que l’impact de la maladie se mesure surtout au niveau cognitif.

Plusieurs pistes prometteuses sont ressorties de ces travaux. Bon nombre d’entre elles sont basées sur des éléments perturbateurs qui interfèrent avec le bon fonctionnement du cerveau. On peut citer les plaques bêta-amyloïdes ou l’accumulation de la protéine Tau. D’autres considèrent que la maladie résulte d’une inflammation chronique des cellules cérébrales, d’un stress oxydatif trop élevé, ou encore d’un déséquilibre au niveau des neurotransmetteurs.

Mais malheureusement, aucune de ces hypothèses ne se suffit à elle-même pour l’instant. Le consensus actuel, c’est qu’il n’y a probablement pas une cause unique et évidente à Alzheimer, et que différents facteurs y contribuent chacun à leur niveau — y compris certains qui n’ont pas encore été identifiés.

Le microbiote intestinal, une piste de plus en plus crédible

Au lieu de chercher une protéine précise dans le cerveau, certains chercheurs ont donc choisi d’explorer d’autres horizons. Certains se sont notamment concentrés sur le microbiote intestinal — la population de micro-organismes qui peuple le tractus digestif.

En effet, ces dernières années, de plus en plus d’études commencent à montrer qu’il existe une signalisation chimique extrêmement dense entre le tractus gastro-intestinal et le système nerveux central. Ces micro-organismes peuvent produire différents types de neurotransmetteurs qui affectent directement l’activité cérébrale.

Ces constats ont ouvert la voie à un nouveau champ de recherche ; les spécialistes parlent désormais d’axe intestin-cerveau. L’émergence de cette discipline a conduit à l’apparition de nouvelles pistes thérapeutiques pour des maladies telles la dépression, Parkinson ou encore la sclérose en plaques.

Ces travaux sont encore loin d’être arrivés à maturité, et ces mécanismes ne sont pas encore parfaitement compris. Mais la piste est suffisamment intéressante pour justifier des travaux très sérieux sur des maladies comme Alzheimer, et c’est ce que les auteurs de cette étude ont cherché à faire.

Leurs travaux sont basés sur d’autres études qui ont analysé des selles de patients atteints d’Alzheimer. Les chercheurs ont constaté que ces échantillons contenaient une quantité élevée de bactéries qui contribuent à l’inflammation des tissus. Par la suite, ils ont déterminé qu’il existait un lien statistique entre cette abondance et l’état cognitif des patients.

Une relation de cause à effet très claire

Mais il restait encore à établir une relation de causalité directe entre ces deux paramètres. C’est sur ce point que l’équipe de Stefanie Grabrucker, neurobiologiste à l’université de Cork, s’est concentrée.

Pour y parvenir, les chercheurs ont collecté des échantillons de selles — et par extension, de microbiote — chez 69 patients atteints de la maladie d’Alzheimer et 64 patients sains qui servaient de groupe de contrôle.

Ils ont ensuite procédé à des transplantations de selles pour intégrer ces bactéries inflammatoires au microbiote d’un groupe de rats jeunes et en bonne santé. 16 cobayes ont reçu les échantillons du groupe Alzheimer, tandis que 16 autres ont reçu des selles issues de donneurs sains.

10 jours plus tard, les chercheurs ont soumis les rongeurs à des analyses neurologiques. Ils ont aussi pratiqué des tests comportementaux conçus pour évaluer les capacités cognitives qui sont typiquement affectées par la maladie. Et les résultats se sont avérés très concluants.

Les rats du premier groupe présentaient notamment des différences significatives au niveau de la neurogenèse dans l’hippocampe. C’est une région du cerveau qui joue un rôle central dans la santé cognitive, et d’autres études ont déjà montré qu’il s’agit d’une des premières régions où la maladie d’Alzheimer se manifeste.

« Les tests que nous avons pratiqués se basent sur la croissance de nouvelles cellules nerveuses dans la région de l’hippocampe », explique Yvonne Nolan, co-autrice de ces travaux. « Les animaux avec des bactéries intestinales du groupe Alzheimer produisaient moins de nouveaux neurones, et présentaient des problèmes de mémoire ».

Les chercheurs ont aussi constaté des différences marquées au niveau des métabolites (enzymes, acides aminés…) qui sont impliqués dans la croissance, l’entretien et le fonctionnement des neurones. Les implications ne sont pas parfaitement claires, mais il est probable que ces différences jouent un rôle central dans l’équation.

Autre coïncidence intrigante : plus le patient qui a fourni l’échantillon présentait des problèmes cognitifs, plus l’hippocampe du rat qui a reçu la transplantation se retrouvait affecté.

Vers de nouvelles approches thérapeutiques

« Ces défaillances de la neurogenèse pourraient être le chaînon manquant entre les différences que l’on constate au niveau du microbiote et les dégâts cognitifs provoqués par la maladie », explique l’équipe de recherche.

Ces travaux ne prouvent pas que l’origine de la maladie d’Alzheimer réside exclusivement dans le microbiote intestinal. En revanche, ils montrent qu’il existe une corrélation claire, et même une relation de causalité directe entre les deux.

Désormais, tout l’enjeu sera de déterminer précisément les tenants et les aboutissants de cette relation, et d’exploiter ces informations dans un cadre clinique. Un jour, ces travaux pourraient servir de fondation à un vrai protocole thérapeutique pour cette maladie encore incurable. Mais avant d’en arriver là, l’étude du microbiote pourrait déjà aider à diagnostiquer la maladie plus rapidement, ce qui facilite considérablement la prise en charge des patients.

« Les patients atteints d’Alzheimer sont typiquement diagnostiqués à l’apparition des symptômes cognitifs, mais c’est souvent trop tard pour les approches thérapeutiques actuelles », explique Nolan. « Comprendre le rôle du microbiote intestinal pendant la phase précoce, avant l’arrivée des symptômes, pourrait ouvrir de nouvelles pistes pour le développement de nouvelles thérapies personnalisées ».

Le texte de l’étude est disponible ici.

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