Depuis son arrivée aux abords de la Planète rouge il y a bientôt deux décennies, Mars Express est l’une des plus grandes fiertés de l’Agence spatiale européenne. Au même titre que son homologue américain, le Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA qui l’a rejoint un an plus tard, il a largement contribué à révolutionner l’étude de notre voisine au début du millénaire.
On lui doit par exemple la carte la plus complète de la composition chimique de l’atmosphère martienne. Elle a aussi joué un rôle déterminant dans la chasse à l’eau. La sonde a cartographié des tas de structures géologiques qui suggèrent très fortement que Mars abritait autrefois de grandes quantités d’eau — et par extension, d’éventuelles formes de vie. Aujourd’hui encore, les engins comme Perseverance continuent de s’appuyer sur ses données pour percer les secrets de la planète.
Ces exploits techniques, l’ESA les doit notamment à la High Resolution Stereo Camera. Cet instrument est l’un des plus importants de la sonde. Grâce à lui, elle a pu cartographier plus de 98 % de la surface totale de la planète — et il ne s’agit pas de simples photos.
Comme son nom l’indique, la HRSC est composée d’un couple de caméras qui permettent de modéliser la surface en trois dimensions. Les images ainsi produites permettent d’apprécier l’ampleur saisissante des majestueux reliefs de Mars, contrairement aux photos des autres sondes qui n’en donnent qu’une vague idée.
Un somptueux survol de Noctis Labyrinthus
Tout récemment, à deux mois de son vingtième anniversaire en orbite de Mars, l’ESA a publié une vidéo qui condense une autre superbe campagne d’observation. Mars Express a capturé les détails de l’une des régions les plus remarquables de la planète.
Sa première caractéristique, c’est sa localisation. Elle est située entre deux autres points d’intérêt majeurs. D’un côté, on trouve le colossal Valles Marineris, le plus grand réseau de canyons de tout le système solaire. De l’autre, il y a la région du Tharsis, qui héberge les plus grands volcans du système solaire.
Niché entre les deux se trouve la cible de ces nouvelles observations : Noctis Labyrinthus (« le labyrinthe de la nuit »), un immense enchevêtrement de vallées qui s’étend sur environ 1200 kilomètres — à peu près la longueur de l’Italie selon l’ESA. Il a fallu un total de huit orbites de Mars Express pour en capturer tous les détails.
Ces précipices sont des cicatrices laissées par l’activité volcanique du Tharsis. Au fil des millénaires, elle est devenue si intense qu’elle a soulevé et disloqué la croûte martienne sur des centaines de kilomètres. De larges pans de terrain se sont écroulés sur eux-mêmes, laissant place à de vastes fossés d’effondrements (les géologues parlent de graben). C’est un phénomène qui existe aussi sur Terre ; la plaine d’Alsace, par exemple, est logée dans la partie sud du fossé rhénan, qui est lui-même un fossé d’effondrement.
Mais s’il existe des similitudes topologiques, les échelles sont radicalement différentes. Au cœur du Noctis Labyrinthus, les fossés peuvent atteindre 6 km de profondeur, soit les deux tiers de la taille de l’Everest ! Un chiffre qui illustre bien l’ampleur du cataclysme géologique qui a laissé ces séquelles dans le paysage.
Ces falaises ne sont pas restées figées bien longtemps. Au fil du temps, ce sont le vent et surtout l’eau qui ont fini de façonner ce paysage. Si ces fossés sont aussi larges aujourd’hui (jusqu’à 30 kilomètres), c’est à cause de la fonte du pergélisol. Ces glaces perpétuelles ont laissé leur place à d’immenses torrents qui ont progressivement rogné les hauts plateaux.
De belles images, mais surtout des données précieuses
Au-delà de l’impact visuel pour le grand public, ces données topologiques sont très utiles pour les planétologues. Pour commencer, étudier la structure du graben permet de remonter à l’origine des processus géologiques impliqués. Cela permet de comprendre comment l’intérieur de la planète est structuré, et par extension, comment la planète s’est formée. Sachant qu’il s’agit d’un analogue géologique de la Terre, ces travaux peuvent aussi nous renseigner sur les mécanismes qui ont façonné notre Planète bleue.
Mais il ne s’agit pas seulement d’un voyage dans le passé. Les relevés de ce genre peuvent aussi permettre d’identifier des sites particulièrement intéressants qui mériteraient d’être explorés un jour par des rovers… ou même par des humains, si la colonisation martienne dont rêve Elon Musk se concrétise un jour.
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