Les Sursauts Radio Rapides (ou FRB, pour Fast Radio Burst) font partie des mystères tenaces de l’astronomie. À ce jour, l’origine de ces émissions d’onde radio brèves, mais très intenses reste inconnue. Pour expliquer ces phénomènes, des chercheurs ont exploré une piste assez fascinante : les FRB pourraient être associés à des starquakes, ou tremblements d’étoiles.
Depuis leur découverte en 2007, les FRB font l’objet de très nombreuses études qui se sont toutes heurtées au même mur. Le principal souci, c’est que ces signaux sont extrêmement courts ; le signal d’un FRB ne dépasse typiquement pas les quelques millisecondes, ce qui complique considérablement la collecte de données.
Malgré tout, les astronomes progressent. Car si chaque FRB isolé ne livre que très peu d’informations, ils ont au moins l’avantage d’être très nombreux. Les chercheurs considèrent que si nous observions tout le ciel en permanence, il serait possible de capter jusqu’à 10 000 FRB par jour.
Cette abondance a permis d’identifier quelques cas particuliers. Par exemple, les astronomes ont identifié une cinquantaine de sursauts radio rapides récurrents. Ces sont des ressources précieuses pour les astronomes, car il s’agit de formidables opportunités de documenter ces phénomènes autrement insaisissables.
L’étau se resserre
Ces dernières années, l’étude de FRB a donc beaucoup progressé, et certains modèles commencent à se démarquer. À l’heure actuelle, les pistes les plus prometteuses pointent (presque) toutes dans la même direction : de nombreux indices suggèrent que les sursauts radio sont intimement liés aux étoiles à neutrons.
Ces dernières apparaissent lorsqu’une étoile massive épuise les réserves de carburant qui alimentent ses réactions thermonucléaires. Dans ces conditions, l’équilibre des forces qui maintiennent l’astre en vie s’écroule ; rapidement, c’est la gravitation qui prend le dessus, et le cœur de l’étoile s’effondre sur lui-même.
La masse est alors soumise à des forces de compression extraordinaires. La pression est telle que la majorité des particules restantes s’agglomèrent sous forme de neutrons libres. On se retrouve donc avec un objet exceptionnellement dense : une étoile à neutrons.
Or, ces dernières sont connues pour leur propension à émettre de grandes quantités de rayonnements électromagnétiques. Cela concerne le domaine visible, ceux des rayons X ou gamma… et aussi les ondes radio. Tout l’enjeu, c’est donc de trouver un phénomène des étoiles à neutrons qui pourrait expliquer ces FRB. Et selon les chercheurs de l’Université de Tokyo, la réponse pourrait se cacher dans leur structure très particulière.
La tectonique des… étoiles
En effet, la théorie suggère que contrairement à notre Soleil, les étoiles à neutrons ne sont pas entièrement fluides. Au centre, il y a un plasma extrêmement compact constitué surtout de neutrons libres. Mais en périphérie, là où la température et les forces gravitationnelles sont moins extrêmes, ils laissent de la place à des objets plus lourds, comme des atomes de métal.
Dans ces conditions, au-delà d’un certain seuil critique, le plasma a tendance à se figer ; les particules se verrouillent les unes par rapport aux autres. On obtient donc une sorte de croûte qui s’apparente à un solide. Les propriétés de cette croûte fascine les
Comme son homologue terrestre, cette croûte peut être déséquilibrée par des contraintes importantes. Les chercheurs pensent qu’elles sont notamment causées par le champ magnétique des magnétars – une sous-classe d’étoiles à neutrons qui présente un champ magnétique surpuissant. Et lorsque le système est trop déséquilibré, il peut subir de violentes ruptures. Un peu comme la lithosphère qui se fracture sous l’effet de la tectonique des plaques. Par analogie avec les séismes, les chercheurs parlent donc de starquakes, ou tremblements d’étoiles.
Et il ne s’agit pas seulement d’une figure de style. Car si l’origine exacte des starquakes est nettement moins claire que celle des séismes, on sait qu’il existe des similitudes très concrètes entre les deux. Par exemple, les deux phénomènes dégagent une énorme quantité d’énergie, chacun à leur échelle. Les chercheurs japonais ont donc décidé de les comparer encore plus précisément.
Ils se sont basés sur une montagne de données statistiques pour vérifier si ces starquakes pourraient être à l’origine des sursauts radio. Pour y parvenir, ils ont notamment étudié la façon dont l’énergie est distribuée pendant ces événements. Ils ont ainsi pu identifier certains motifs qui se sont révélés assez éloquents.
Un lien direct entre les starquakes et les FRB ?
La première surprise, c’est que les motifs qu’ils ont tirés des FRB étaient très éloignés de ceux des éruptions solaires, contrairement à ce qui avait été avancé par d’autres chercheurs. Par contre, ils ont constaté une ressemblance frappante entre les motifs des FRB et ceux des séismes terrestres.
En particulier, les deux phénomènes ont tendance à produire des répliques. En sismologie, il s’agit de secousses secondaires qui surviennent à proximité d’un séisme de plus forte magnitude. Or, la fréquence et l’intensité de ces répliques sismiques suivent une courbe quasiment identique à celles des FRB.
Selon les chercheurs, ces données suggèrent fortement que les sursauts radio récurrents proviennent des étoiles à neutrons. L’énergie accumulée sous forme de contraintes dans leur croûte serait périodiquement relâchée à la faveur de ces starquakes, produisant ainsi ces fameux FRB.
Dans leur communiqué, ils insistent toutefois sur le fait qu’il va falloir analyser de nouveaux FRB. Il sera important de vérifier que ce lien peut être généralisé, et qu’il ne s’agissait pas de cas isolés. Mais si cette éventualité se vérifie, cela pourrait ouvrir la voie à un nouveau champ de recherche fascinant, à mi-chemin entre la physique des particules, la cosmologie et la sismologie.
« Les cœurs des étoiles à neutrons sont les endroits les plus denses de l’univers », explique Totani. « Ces starquakes nous ont offert la possibilité de découvrir de nouvelles choses sur le comportement de la matière à très haute densité, mais aussi sur les lois fondamentales de la physique nucléaire. En étudiant ces starquakes, nous pourrions aussi faire de nouvelles découvertes sur les séismes terrestres. »
Le texte de l’étude est disponible ici.
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