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Le chasseur de matière noire de l’ESA est enfin guéri de ses vertiges

L’observatoire Euclid était désorienté après avoir perdu la trace des étoiles qui lui servent de référence, mais il a enfin repris du poil de la bête; il va bientôt commencer à explorer les mystères de l’Univers sombre.

Euclid, l’observatoire spatial de l’ESA qui est parti à la chasse à l’énergie noire et à la matière noire cet été, nous a envoyé sa première carte postale le 1er août. Il se rapproche désormais des vraies observations, avec un peu de retard… car le télescope a souffert de vertiges qui l’ont empêché d’y voir clair pendant quelques semaines.

Après son départ le 1er juillet, Euclid a pris la route du point de Lagrange L2 du système Terre-Soleil. Ces points de Lagrange sont des points d’équilibre où les champs de gravité des deux corps se compensent. Ils peuvent donc servir de points d’ancrage gravitationnels pour les petits objets, comme le James Webb Space Telescope qui y est déjà bien installé depuis janvier 2022.

Euclid n’a eu aucun mal à rejoindre son illustre compère. L’ESA a donc pu lancer le processus de calibration qui a produit les toutes premières images. Mais ces clichés n’étaient pas encore des productions scientifiques à proprement parler. Il s’agissait surtout de confirmer que les capteurs se comportaient comme prévu. Et si c’était effectivement le cas dans un premier temps, Euclid s’est ensuite mis à dérailler légèrement.

Euclid pris de vertige

Les effets de ce dysfonctionnement sont parfaitement visibles sur cette image. On y observe des boucles très inhabituelles. Elles correspondent à des étoiles qui auraient dû apparaître sous la forme de points bien définis. Si l’on observe ces traînées, c’est parce qu’Euclid a eu le tournis !

Le dysfonctionnement du Fine Guiding Sensor d'Euclid
Le dysfonctionnement du Fine Guiding Sensor a généré des images très jolies, mais malheureusement inexploitables. © ESA

Pour capturer un maximum de détail, les télescopes spatiaux ne collectent pas la lumière pendant une fraction de seconde comme votre smartphone. Ils ont recours à des temps d’exposition bien plus longs, de quelques dizaines de minutes à quelques heures. Dans cet intervalle de temps, le télescope doit rester pointé exactement dans la bonne direction. Dans le cas contraire, les objets se déplacent dans le cadre, laissant derrière eux des artefacts visuels comme ces jolies traînées qui rendent l’observation inexploitable.

Si Euclid a eu la tête qui tourne, c’est à cause d’un glitch d’un instrument appelé Fine Guidance Sensor (FGS). C’est lui qui permet au télescope de rester parfaitement positionné en utilisant de nombreuses étoiles comme points de référence. Pendant l’observation, le capteur a été frappé à plusieurs reprises par des particules chargées issues du Soleil. Elles ont ainsi créé un signal lumineux que le FGS a identifié comme des étoiles. L’instrument s’est donc mis à paniquer : convaincu d’avoir perdu sa cible, il a ordonné à l’observatoire de corriger sa position sur la base de ces fausses alertes.

Heureusement, c’est un problème qu’il est possible de résoudre en ajustant l’algorithme qui traite les données du FGS. Les responsables de la mission dont donc créé un correctif logiciel qu’ils ont d’abord testé sur une maquette avant de procéder à la mise à jour du vrai Euclid. « Nos partenaires industriels Thales Alenia Space et Leonardo ont révisé la façon dont le Fine Guidance Sensor identifie les étoiles », explique Micha Schmidt, responsable du programme Euclid.

Cap sur l’Univers sombre

Selon un communiqué de l’ESA, l’opération a été un succès. Après dix jours de tests intensifs, tout est rentré dans l’ordre : Euclid est enfin libéré de ces vertiges. Il va donc reprendre là où il s’était arrêté en août dernier. L’ESA va pouvoir relancer la phase de vérification des performances, qui permet de confirmer que les capteurs se comportent comme prévu. Ce processus va durer jusqu’à la fin du mois de novembre. Et si tout se passe bien, Euclid sera fin prêt : il va pouvoir débuter officiellement son exploration de l’Univers sombre.

Ce terme générique désigne toute une famille de concepts fascinants, tels que l’énergie noire ou la matière noire. Ce sont des entités purement théoriques, puisqu’elles n’ont jamais été observées directement à ce jour. Mais certains modèles cosmologiques considèrent qu’elles jouent un rôle déterminant dans la structure et la dynamique de l’Univers. Selon ces théories, la matière noire représenterait environ 85 % de la matière totale du cosmos. L’énergie noire, de son côté, serait directement responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers.

Euclid va tenter de vérifier la validité de ces modèles en cartographiant des milliards d’étoiles et de galaxies. Les chercheurs, de leur côté, vont tâcher d’y trouver des motifs qui les renseigneront sur la façon dont l’Univers sombre a façonné le monde qui nous entoure depuis plus de dix milliards d’années. Nous vous donnons donc rendez-vous d’ici un mois et demi pour le début de cette grande aventure.

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