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Supercalculateurs : le tout-puissant Frontier en passe d’être détrôné

Le supercalculateur le plus puissant du monde va bientôt céder sa place à Aurora, un monstre qui promet d’atteindre des vitesses de calcul record. Il va notamment participer à la conception d’une nouvelle génération de réacteurs nucléaires.

Au royaume de l’informatique haute performance (HPC), le Frontier de l’Oak Ridge National Laboratory règne en maître. Ce supercalculateur surpuissant a été le premier à dépasser la barre mythique de l’exaFLOPSun milliard de milliards d’opérations par seconde. Il trône tout en haut du classement mondial depuis qu’il est entré en fonction courant 2022 (voir notre article).

Mais la compétition est rude dans le monde de l’HPC, et ses jours au sommet sont comptés. D’ici la fin de l’année, Frontier devrait céder sa couronne à Aurora, le nouveau supercalculateur de l’Argonne National Laboratory (ANL). Ce monstre de silicium, armé de plus de 18 000 processeurs Xeon Max, d’environ 45 000 GPU Intel Max et de 10 millions de GB de mémoire vive, devrait être le premier à franchir la barre des 2 exaFLOPS.

Dans un communiqué, le laboratoire a donné de nouveaux détails sur les travaux auxquels il va consacrer la majorité de son temps : les réacteurs nucléaires.

La fusion, mais surtout la fission

La recherche sur la fusion nucléaire faisait déjà partie du programme d’Aurora. Mais si cette technologie présente incontestablement un potentiel immense, elle est encore très loin d’être mature. L’Argonne National Laboratory va donc plancher dessus, mais il ne s’agira pas de sa priorité. L’institution préfère se concentrer sur la fission, qui est déjà couramment utilisée aujourd’hui.

C’est une technologie qui est déjà très bien maîtrisée depuis des années. Mais cela ne signifie pas qu’il est impossible de faire progresser les équipements actuels. Les ingénieurs sont toujours à la recherche de nouveaux concepts pour améliorer la sécurité et l’efficacité des réacteurs. Et dans ce contexte, Aurora sera un allié de poids.

En effet, construire un réacteur nucléaire ne s’improvise pas. La conception commence par des simulations informatiques à très grande échelle qui se doivent d’être extrêmement rigoureuses. Forcément, cela nécessite une puissance de calcul importante. Plus les concepteurs ont accès à des machines avancées, plus ils peuvent obtenir des détails précis qui permettent d’optimiser la production d’énergie du réacteur et d’en préserver la stabilité.

Des simulations multiphysiques à haute fidélité

Et c’est là que va intervenir Aurora. Il va réaliser des simulations extrêmement poussées à la frontière de la mécanique classique, de la physique des fluides et de la thermodynamique.

Plus précisément, il va modéliser la façon dont la chaleur se déplace en fonction des turbulences qui agitent les différents modèles de réacteurs. Ces turbulences sont très importantes dans ce contexte, car elles sont à la base d’un équilibre délicat qui conditionne directement le rendement du système.

« En règle générale, plus vous avez de turbulences, plus vous avez de transfert de chaleur », explique Dillon Shaver, ingénieur nucléaire à l’ANL. « Mais plus vous avez de turbulences, plus vous devez pousser le réacteur dans ses retranchements », précise-t-il. « Vous devez vous assurer que votre réacteur et vos matériaux peuvent résister à d’éventuelles vibrations. C’est ce qu’on appelle un “problème multiphysique”. Il faut coupler la dynamique des fluides aux propriétés structurales du réacteur tout en gérant ces transferts de chaleur ».

Avant l’ère de l’exascale, c’était un problème quasiment insoluble. Il n’y avait tout simplement pas de supercalculateur assez puissant pour gérer tous ces paramètres à la fois – du moins, pas avec une précision suffisante. Il fallait donc réaliser plusieurs simulations isolées à l’aide de logiciels de niche, puis en combiner les résultats. On peut citer MOOSE, qui modélise les transferts de chaleur, ou NekRS, qui est spécialisé dans la dynamique des fluides.

Cette approche fonctionne bien, mais elle comporte un risque que certaines interactions qui réduisent l’efficacité de la réaction passent inaperçues. En revanche, avec les nouveaux engins surpuissants comme Frontier ou Aurora, il devient possible de modéliser cette dynamique ô combien complexe dans sa globalité. Selon Dillon Shave, Aurora sera par exemple capable de faire tourner MOOSE et NekRS en simultané.

En d’autres termes, ce supercalculateur exascale, permettra de simuler tous les paramètres d’un cœur de réacteur entier avec un haut degré de fidélité, jusqu’à la plus petite des échelles. Et les ingénieurs se frottent déjà les mains. « Pouvoir résoudre ainsi tous les petits détails du flux pourra faire une différence énorme », explique le communiqué de l’ANL. Cela permettra notamment de multiplier les innovations sur les réacteurs de nouvelle génération, comme ceux qui sont refroidis à l’aide de sodium ou de sels fondus.

L’ère de l’exascale est bien lancée

Il ne reste plus qu’à attendre l’arrivée d’Aurora, prévue avant la fin de l’année, pour bénéficier de ces progrès en physique nucléaire — mais pas seulement. Comme ses congénères qui vont passer la barre de l’exascale, il sera aussi utilisé pour étudier des particules subatomiques, pour modéliser les mécanismes du cancer, ou encore pour simuler des phénomènes cosmologiques à très grande échelle. Il conviendra aussi de guetter l’arrivée de JUPITER, le premier calculateur exascale européen qui devrait arriver dans la foulée.

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1 commentaire
  1. Des, super calculateurs aux applications limitées à la simulation à partir de modèles. Un marché limité, de prestige. Cela rappelle beaucoup la course à la Lune des années 60 ou les dirigeants des USA et de l’URSS avaient le soucis de bluffer le monde et surtout les citoyens de leurs propre pays.

    Mais au moins le gens avaient une certaine compréhension de ce qui se passait, ici cela leur est totalement opaque. L’écart continue à se creuser entre l’état de la technologie et le niveau moyen des individus sur le plan des connaissances scientifiques et techniques. Ajoutez y la tarte à la crème de l’ia qui envahi l’espace média vous aurez fait le tour de l’etourdissement du citoyen. Je ne sais pas où cela va conduire l’humanité ???

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