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Paramount a diffusé l’intégralité d’un film sur TikTok, mais pourquoi ?

Le 3 octobre, le film Mean Girls a été publié dans son entièreté sur TikTok. Pourquoi cela inquiète les scénaristes ?

“Le 3 octobre, il m’a demandé quel jour nous étions. Le 3 octobre”. Depuis quelques jours, cet extrait de la comédie des années 2000 Lolita Malgré Moi est en tendance sur TikTok. Le hashag #october3 comptabilise à l’heure actuelle pas moins de 69,9 millions de vues à travers le monde sur le réseau social chinois. Cette popularité n’est pas un hasard, elle a été orchestrée par le studio Paramount lui-même.

En honneur à l’emblématique scène, l’entreprise a partagé l’intégralité du film sur son compte officiel. Vingt-trois vidéos individuelles, découpées pour correspondre aux critères de longueur imposés par la plateforme, ont été publiées pour une durée totale de 97 minutes. Si les images ont depuis été supprimées, le phénomène prend de l’ampleur. Les scénaristes montent au créneau pour défendre leurs productions. Mais quel est l’objectif du studio?

Promotion 2.0

Ce n’est plus un secret pour personne, les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel dans la promotion du 7ᵉ art. Les plateformes en ligne ont remplacé les salles obscures, c’est désormais sur YouTube que l’intérêt du public pour une production nait et est mesuré. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir les studios se targuer d’avoir réalisé les meilleurs lancements sur le réseau social de Google.

Pour la sortie de Spider-Man : No Way Home, l’impatience du public à découvrir cette nouvelle incursion du tisseur avait été justifiée par le colossal nombre de visionnages de la bande-annonce. 335 millions en seulement 24 heures, l’opération charme de Sony Pictures et Marvel a été un franc succès. Cette tendance s’est confirmée une fois le film proposé au cinéma, il avait fait le meilleur score de l’année 2021, une période qui portait pourtant encore les stigmates de la crise sanitaire.

Plus largement, les studios multiplient les bandes-annonces, extraits et aux vidéos coulisses pour convaincre les futurs spectateurs. La stratégie est particulièrement agressive, elle fait naître parfois des dizaines de vidéos et publications en un temps record. Récemment, Apple TV+ a également proposé le premier épisode de sa série Silo sur X, un appel du pied pour de futurs abonnés qui auraient été convaincus par cette mise en bouche.

La démarche de Paramount est néanmoins plus étonnante, le film n’ayant pas besoin de profiter d’une telle campagne. À moins que… Si le métrage — baptisé Mean Girls en version originale — est sorti en 2005, un nouveau film est en chantier chez Paramount. En janvier prochain, l’entreprise dévoilera une nouvelle version du récit adolescent, cette fois-ci inspirée de la comédie musicale éponyme.

Sauf qu’il ne pourra pas compter exclusivement sur la génération ayant découvert l’histoire de Cady au cinéma ou en DVD pour remplir les salles obscures. Avec cette campagne sur TikTok, Paramount veut aussi et surtout présenter la licence aux spectateurs les plus jeunes. Ces derniers qui ont découvert Lindsay Lohan dans la peau de la petite nouvelle du lycée voudront sans doute explorer un peu plus longtemps l’univers.

Un pied de nez ?

Néanmoins, cette campagne de charme ne passe pas auprès des scénaristes qui viennent de mettre fin à une grève de plusieurs mois. Alors qu’ils reprochent justement aux studios de ne pas les rémunérer à hauteur de ce que leurs créations rapportent vraiment aux entreprises, les artistes sont nombreux à partager leur mécontentement. C’est notamment le cas de Rebecca Green, productrice de It Follows. Sur X, elle s’indigne :

“Alors que la grève de la WGA touche à sa fin, les studios trouvent d’autres moyens de ne pas nous payer pour notre travail. Et si vous croyez que les gens ne regarderont pas le film de cette manière, vous n’êtes de toute évidence pas sur TikTok” 

La publication du premier épisode de Killing It par Peacock avait suscité des réactions similaires auprès des professionnels d’Hollywood. À ce moment, plusieurs voix s’étaient élevée pour adresser la question des droits résiduels dans un tel contexte. Pour rappel, il s’agit de la somme versée aux différents artisans d’une production en cas de rediffusion. Le cas des plateformes avait largement été discuté, ces dernières n’étant que très rarement enclines à dévoiler les audiences de leurs productions. Sur les réseaux sociaux, la question se pose également. Ces mises en ligne génèrent des revenus, auxquels les scénaristes et acteurs ne peuvent prétendre.

Nouveau mode de consommation de contenus ?

Depuis l’arrivée de TikTok dans le panorama numérique, de nouveaux phénomènes de consommation de contenus émergent. Avec son modèle, qui repose sur un algorithme de recommandation très efficace et un format très restreint, une nouvelle tendance se dégage. Ainsi, il n’est pas rare de voir des comptes en tirer profit pour attirer des abonnés et à termes générer des revenus.

De nombreux reportages diffusés à la télévision sont découpés par des utilisateurs peu regardant sur les questions de propriété intellectuelle. Ils sont repartagés en plusieurs parties, avec des titres sensationnalistes ou des vidéos d’ASMR visuel en arrière-plan. Le plus souvent, la méthodologie est assez simple, isoler les moments forts et créer l’engouement au fil des séquences. Si les conséquences sur l’attention des spectateurs ne sont pas connues, c’est peu dire que ces outils bouleversent le panorama audiovisuel.

Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si les acteurs de la SVOD se sont emparés de cette formule pour leur compte, à commencer par Netflix qui a lancé son onglet “Pour rire”. Elle consistait en un menu déroulant avec des extraits de plusieurs séries et films, ayant vocation à faire naître l’intérêt des spectateurs. L’outil a depuis disparu au profit d’un menu déroulant proposant les succès du moment.

La narration à bout de pouce et en format vertical, certains s’y sont déjà essayés. C’était le cas de Quibi en 2020 qui ambitionnait de se positionner à la croisée des mondes entre Netflix et TikTok. L’entreprise a néanmoins fermé boutique après quelques mois. La faute sans doute à la nécessité de télécharger une application dédiée et de souscrire un abonnement. Le format, lui, pourrait trouver sa place, à l’heure où les plateformes de streaming, les salles obscures et les réseaux sociaux se disputent l’attention de leurs utilisateurs.

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