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Elon Musk parle du Starship, mais esquive les questions cruciales

Nous attendions des informations sur la licence de vol et le prochain lancement du Starship; à la place, Musk en a remis une couche sur la conquête de Mars.

Les semaines passent, mais le Starship, l’immense lanceur révolutionnaire de SpaceX, attend toujours son heure. Pour des raisons à la fois techniques et réglementaires, ce colosse de métal n’a toujours pas repris le chemin de l’espace depuis sa première tentative, en avril 2023, qui s’est soldée par un dysfonctionnement synonyme de fin de mission prématurée.

Toute l’industrie attend donc impatiemment des nouvelles en attendant le second vol, qui devrait avoir lieu dans un futur relativement proche. C’est notamment le cas de la NASA, qui se fait de plus en plus pressante. L’agence compte énormément sur le Starship ; c’est l’une des pièces maîtresses de la mission Artemis III, qui doit ramener des astronautes américains sur la Lune d’ici quelques années.

Pour donner un peu de grain à moudre à son public, Musk s’est exprimé hier à l’occasion de l’International Astronautical Congress, un grand rendez-vous des constructeurs de fusées qui s’est tenu cette année en Azerbaïdjan.

« Des chances raisonnables d’atteindre l’orbite »

Son intervention a commencé par une mise au point technique. Il a rappelé que le véhicule avait bénéficié d’un grand nombre de modifications techniques depuis avril dernier. Il s’est notamment attardé sur la plus importante d’entre elles : le passage au hot staging. Cette stratégie consiste à démarrer les moteurs du 2e étage avant même que les deux segments ne soient physiquement séparés. Ce n’était pas le cas sur le premier prototype, qui souffrait d’un temps mort considérable au moment de la séparation.

Cette approche est intéressante, car elle permet notamment d’économiser du carburant. Mais elle est aussi difficile à implémenter, en particulier sur un engin aussi puissant que le Starship. Il faut en effet protéger le premier étage des moteurs du deuxième afin d’éviter une explosion catastrophique. Pour cela, SpaceX a ajouté des évents et un bouclier thermique, mais ce dernier n’a encore jamais été testé en conditions réelles. Il s’agit donc d’un sacré coup de poker.

« Je dirais que c’est la partie la plus risquée du vol », a déclaré Musk. « Nous pensons que ça va fonctionner, mais nous n’en sommes pas sûrs », a-t-il ajouté au sujet du bouclier thermique. Autant dire qu’il faudra serrer les dents au moment de la séparation, puisque c’est déjà cette séquence qui avait posé problème lors du vol inaugural.

L’autre point critique sera la mise à feu, qui est toujours un exercice exceptionnellement délicat. Surtout avec un premier étage aussi performant. Pour rappel, le booster Super Heavy est le véhicule le plus puissant de l’histoire de l’aérospatiale. La version d’avril dernier était déjà deux fois plus puissante que la légendaire Saturn V qui a emmené les astronautes sur la Lune à l’époque d’Apollo. Et ce n’était qu’un début. Une fois la nouvelle version des moteurs Raptor terminée, le Starship développera « environ trois fois sa poussée », a déclaré Musk.

L’exercice s’annonce donc encore plus compliqué qu’au premier essai. Musk se montre donc très prudent, même s’il laisse transparaître une pointe d’optimisme. « Si les moteurs s’allument correctement et que le Starship n’explose pas pendant la séparation, je pense que nous avons des chances raisonnables d’atteindre l’orbite. Mais je ne veux pas fixer des attentes trop élevées ».

Beaucoup de réchauffé et peu de nouveautés

Concrètement, Musk s’est donc contenté de répéter ce que SpaceX avait déjà annoncé ces derniers mois. À l’exception de quelques détails assez anecdotiques, tous ces éléments étaient déjà connus. Car en pratique, cela fait déjà quelques semaines que la deuxième version du Starship est prête à voler (voir notre article).

Ce qui manque toujours, c’est une approbation environnementale de l’US Fish and Wildlife Service et surtout l’attribution de la licence de vol par la FAA. On sait que SpaceX a déjà honoré son cahier des charges à ce niveau, en apportant les 57 modifications nécessaires à l’obtention de la licence de vol. Mais la FAA a aussi précisé que le processus n’était pas terminé pour autant.

Il s’agit de la partie la plus intéressante, car la date du prochain lancement dépend entièrement de l’avancement du processus réglementaire. L’agence attend-elle des modifications au niveau du pas de tir ? Ou des garanties environnementales supplémentaires ? Dans quels délais peut-on envisager un lancement ?

C’était sur ces questions que Musk était attendu au tournant. Mais le grand manitou nous a gratifiés d’une masterclass en langue de bois. Il a soigneusement esquivé ces questions. À la place, il a préféré s’attarder pour la énième fois sur les objectifs à long terme du Starship, comme la conquête de Mars.

Ce mutisme suggère qu’il va encore falloir patienter un certain temps avant le second vol. Et encore bien plus longtemps avant que le Starship ne soit entièrement opérationnel. Au grand dam de la NASA, qui pourrait carrément finir par repousser l’alunissage à une mission ultérieure. Car même une fois qu’il aura obtenu sa licence et bouclé son premier vol suborbital, SpaceX aura encore beaucoup de pain sur la planche. Il faudra notamment s’attaquer à la récupération et à la réutilisation du véhicule, qui est incontestablement la partie la plus délicate en termes d’ingénierie.

Il ne reste qu’à attendre une nouvelle mise à jour, en espérant qu’elle comporte plus d’informations concrètes que cet exercice de communication rondement mené.

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