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Le Prix Nobel de Chimie 2023 récompense la recherche sur les quantum dots

Ces nanostructures exceptionnellement polyvalentes sont à la base d’une véritable révolution des nanotechnologies, avec des tas d’applications concrètes qui ont déjà bouleversé notre quotidien.

Après le Prix Nobel de Médecine ce lundi et celui de Physique ce mardi, qui a vu deux Français repartir avec la plus haute distinction de la sphère scientifique, la Fondation s’attaque aujourd’hui à la chimie.

Cette année, ce sont Moungi Bawendi, Louis Brus et Alexei Ekimov qui ont été récompensés pour leur découverte et la synthèse des boîtes quantiques, ou quantum dots en anglais.

Ces boîtes quantiques sont de minuscules structures de semiconducteurs dont la taille est du même ordre de grandeur que celle de la longueur d’onde des électrons. Un quantum dot se comporte donc comme un puits de potentiel, une région de l’espace où l’énergie potentielle — l’énergie intrinsèque d’un système qui est prête à être convertie en autres formes d’énergie — est plus faible qu’aux alentours.

Cette spécificité fait que les boîtes quantiques se comportent comme des nasses à électrons ; elles ont la capacité de capturer et de confiner ces particules. Cela leur confère des propriétés assez proches de celles d’un atome isolé, d’où le fait qu’elles soient parfois comparées à des « atomes artificiels ».

Des nanostructures au potentiel immense

Le plus important, c’est que cette capacité à confiner les électrons leur donne un incroyable superpouvoir. Les propriétés thermiques, électriques, magnétiques ou encore catalytiques — la façon dont ils influencent une réaction chimique — changent complètement en fonction de taille des quantum dots.

L’explication de ce phénomène se trouve dans la mécanique quantique — d’où leur nom. Cette dernière prédit que lorsqu’un électron est confiné dans un petit espace, sa fonction d’onde se retrouve comprimée. Cela a une conséquence très importante : moins il a d’espace à disposition, plus l’électron devient énergétique.

Une modélisation d'une boîte quantique pyramidale
Une modélisation d’une boîte quantique pyramidale d’arséniure d’indium sur de l’arséniure de gallium. © Alexander Kleinsorge – Wikimedia Commons

Brus et Ekimov ont été les premiers à synthétiser des boîtes quantiques. Un sacré exploit technique, car pendant des années, les chercheurs considéraient qu’il était impossible de fabriquer des objets aussi petits. Ils ont rapidement postulé qu’il devrait être possible d’exploiter cette polyvalence formidable dans de très nombreux domaines.

L’idée était extrêmement séduisante, car en règle générale, il faut utiliser des matériaux radicalement différents pour avoir accès à des propriétés différentes. Or, tous les quantum dots ont exactement la même structure. On peut donc avoir accès à un immense éventail de propriétés physiques et chimiques à partir d’un même processus de fabrication qui utilise les mêmes éléments chimiques, comme l’arséniure d’indium et l’arséniure de gallium.

Mais ils se sont heurtés à un gros obstacle au moment de passer à la phase concrète. En effet, pour tirer profit de cette particularité, il faut être capable de produire des quantum dots avec une précision phénoménale. Cela implique de trouver un processus qui offre un haut degré de contrôle sur leur taille et leur surface. Ni Ekimov, ni Brus n’y sont parvenus.

Pour débloquer tout le potentiel de ces microstructures, il a fallu attendre la contribution de Moungi Bawendi. C’est lui qui a inventé le processus chimique extrêmement élégant et ingénieux qui permet aujourd’hui de produire des boîtes quantiques parfaites, avec une taille très spécifique.

Pourquoi est-ce important ?

Cette découverte est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes avancées dans le domaine des nanotechnologies, car elle a débloqué des tas d’applications pratiques.

L’exemple le plus courant est probablement celui des écrans. Si vous possédez un ordinateur portable ou une télévision avec une dalle estampillée QLED, c’est parce qu’elle s’appuie sur des boîtes quantiques. Dans ce contexte, les quantum dots de différentes tailles piègent des électrons plus ou moins énergétiques, conformément aux prédictions de la mécanique quantique. Ils peuvent donc transmettre plus ou moins d’énergie à un photon, ce qui se traduit par la production d’une couleur différente. Plus la boîte est petite, plus on s’approche du bleu ; plus elle est grande, plus on tend vers le rouge.

Elles ont aussi un intérêt dans d’autres domaines de l’optique. Certains dispositifs qui permettent de filtrer ou de corriger des signaux lumineux dépendent entièrement de ces boîtes quantiques. Cela concerne l’imagerie médicale, mais aussi la recherche fondamentale, avec des applications dans le domaine de la physique quantique. Par exemple, en mars 2023, les quantum dots se sont retrouvés au centre d’une expérience très prometteuse sur la manipulation de la « lumière quantique ».

Les quantum dots jouent aussi un rôle important dans la biochimie moderne. Leur capacité à capturer les électrons fait qu’ils sont aussi utilisés dans la production de divers médicaments, ainsi que dans certains processus de dépollution. Les chercheurs leur ont aussi trouvé des applications en électronique. On en trouve dans certains modèles de batteries et de transistors, ou encore dans des capteurs extrêmement précis qui sont notamment utilisés en aéronautique.

Et ce n’est probablement qu’un début. Les spécialistes s’attendent à ce que de nouvelles applications des quantum dots continuent d’émerger au fil du temps. C’est donc une récompense amplement méritée pour le trio ; les travaux ont déjà amélioré le quotidien de tous les humains, et ils vont sans doute continuer de le faire pendant des décennies.

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