À la fin du mois d’août, l’Inde a écrit une nouvelle page de l’histoire de la conquête spatiale avec Chandrayaan-3. En plus de devenir la quatrième nation au monde à poser un engin sur la Lune, elle est aussi devenue la toute première à le faire au niveau du pôle sud, une région difficile d’accès qui est particulièrement intéressante en termes de science brute et pour le futur de la conquête spatiale.
Le 2 septembre, les deux protagonistes de la mission — l’alunisseur Vikram et le rover Pragyan — ont officiellement complété leur feuille de route qui comportait des analyses chimiques du régolithe lunaire et des relevés sismiques. Ils ont notamment confirmé la présence de soufre, une découverte regorge d’implications profondes sur le processus de formation de la Lune et sa géochimie.
Malgré ces succès, ils n’ont pas été mis à la retraite immédiatement. L’ISRO – l’agence spatiale indienne – a exploré la possibilité de leur offrir une deuxième campagne scientifique pour collecter encore davantage de données. Mais pour y parvenir, ils devaient commencer par survivre à une sacrée épreuve : passer le cap de l’impitoyable nuit lunaire.
Un silence radio très éloquent
Pendant cette période de deux semaines, les conditions deviennent très difficiles pour les engins spatiaux. Cela commence par la température, qui chute brusquement de plus de 200 degrés à la tombée du soleil. Ce choc thermique est très difficile à gérer en termes d’ingénierie, à cause de la contraction des métaux qui peut endommager la structure et faire sauter des soudures.
L’autre problème majeur se situe au niveau de la batterie. Ces composants doivent impérativement rester à une température relativement stable pour recommencer à fonctionner par la suite. Il faut aussi maintenir un certain niveau de charge, et cela semblait impossible pour ces deux engins qui dépendent entièrement de leurs panneaux solaires.
Malheureusement, ni Vikram ni Pragyan ne sont conçus pour faire face à ces conditions. Ils ne sont pas équipés de petits réacteurs nucléaires qui auraient permis d’alimenter les batteries ou de maintenir une température acceptable. Autant dire que leurs chances de survie étaient particulièrement minces.
Mais l’ISRO n’avait rien à perdre, et a décidé de tenter sa chance. Le 2 septembre, les deux engins ont été placés dans un état d’hibernation pour recharger leurs batteries au maximum.
À partir de là, les ingénieurs n’avaient plus qu’à croiser les doigts pour qu’ils parviennent à émerger de ce coma. Malheureusement, le miracle tant espéré n’a pas eu lieu. Le duo de choc n’a pas donné signe de vie au lever du soleil, le 22 septembre.
https://twitter.com/isro/status/1705209835783078092
Et depuis, c’est le silence radio complet. À ce stade, les chances qu’ils se réveillent un jour sont infimes et s’amenuisent encore à chaque heure qui passe. Il va donc falloir commencer à faire le deuil de cette belle mission.
Cap sur Chandrayaan-4
Malgré cette relative déception, l’ISRO a tout de même de quoi se réjouir. Même si elle n’a pas réussi à dépasser ses objectifs initiaux, elle a tout de même rempli sa mission avec brio, offrant aux planétologues un avant-goût de ce que leur réserve le pôle Sud de la Lune. Ils se transforment donc en stèles à la mémoire de cette grande aventure.
Désormais, les ingénieurs pourront se consacrer entièrement à leur prochain objectif : Chandrayaan-4, ou LuPEx (Lunar Polar Exploration Mission). Et cette fois, l’Inde ne volera pas en solo. Elle pourra compter sur l’expertise de la JAXA, l’agence spatiale japonaise, qui va concevoir la fusée et le rover. L’ISRO, de son côté, se chargera de l’alunisseur.
Ils vont tâcher de poursuivre ce que Vikram et Pragyan ont commencé cette année. Il s’agira en effet d’une nouvelle mission à destination de la même région qui commencera par des analyses poussées du sol lunaire. LuPex cherchera notamment à estimer l’abondance de l’eau, dont la présence au niveau du pôle Sud a été confirmée par l’ISRO et la NASA. Cette information pourra jouer un rôle important dans les futurs efforts de colonisation lunaire.
Même si l’histoire de Chandrayaan-3 est désormais terminée, celle de l’aérospatiale indienne ne fait que commencer. Nous vous donnons donc rendez-vous en 2026, date à laquelle Chandrayaan-4 devrait partir pour notre satellite, pour le prochain chapitre de cette grande aventure.
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Pourquoi n’avoir pas choisi une fenêtre de tir qui permettait de ne pas durer dans la nuit lunaire.