Le James Webb Space Telescope est spécialisé dans l’observation d’ objets les plus lointains et anciens qui peuplent notre univers. Mais une fois n’est pas coutume, il a récemment fait tout l’inverse en se focalisant sur la constellation de Persée, à environ 1000 années-lumière de la Terre.
Il s’agit évidemment d’une distance importante dans l’absolu. Mais par rapport à certaines de ses autres cibles, c’est carrément la porte à côté. Par exemple, le Webb s’est récemment intéressé à Earendel, l’étoile connue la plus lointaine, qui est située à… 28 milliards d’années-lumière.
Autant dire qu’à cette distance, les capteurs ultraperformants du télescope n’ont eu aucun mal à capturer des images époustouflantes de sa cible. Cette dernière a aussi la particularité d’être particulièrement jeune à l’échelle du cosmos. Il s’agit d’HH 221, un objet centré autour d’une bébé-étoile âgée d’à peine quelques dizaines de milliers d’années. Le Webb l’a surpris en train de faire un rot retentissant, visible sous la forme de deux panaches multicolores spectaculaires.
Le festin d’une bébé étoile
Au début de son existence, une étoile est généralement encerclée par un disque protoplanétaire. Il s’agit d’une vaste ceinture de gaz et de poussière qui s’accumule sous l’effet de la gravité. C’est ce disque qui sert de garde-manger à l’astre en devenir; ce dernier dévore progressivement ce matériel lors d’un processus baptisé accrétion.
Cette accrétion génère une grande quantité d’énergie qui conduit notamment à la production de puissants vents stellaires – des flux de plasma constitués de protons et d’électrons éjectés de la haute atmosphère. Même s’il s’agit d’un champ de recherche très actif et que les détails du processus sont encore assez mal définis, ces vents semblent jouer un rôle dans l’apparition d’une vaste zone de convection, où des flux de plasma sont brassés à grande échelle.
Si l’origine de cette convection n’est pas encore parfaitement claire, ce qui est certain, c’est que la circulation de ce plasma génère un effet comparable à celui d’une immense dynamo. Elle est à l’origine d’un puissant champ magnétique à deux pôles. Et cette caractéristique est directement liée à la dernière image du JWST.
Le JWST en première loge
En effet, toute matière du disque n’est pas directement absorbée par l’étoile. Une partie suit les lignes de ce champ magnétique et se retrouve éjectée de part et d’autre, au niveau des pôles. Il en résulte d’immenses panaches de poussière et de gaz ionisé propulsés à une vitesse prodigieuse, de l’ordre de plusieurs centaines de kilomètres par seconde. Ces structures sont appelées Objets Herbig-Haro, d’où l’acronyme HH.
Même si ces objets sont très brillants à cause des innombrables collisions de ces jets supersoniques avec la matière avoisinante, ils sont traditionnellement difficiles à observer. Par définition, ils sont généralement enveloppés d’un épais nuage de poussière qui bouche la vue à la plupart des télescopes.
La bonne nouvelle, c’est que les collisions des molécules génèrent un fort rayonnement infrarouge qui a tendance à traverser ce voile de poussière. Cela a permis aux capteurs spécialisés du JWST de produire cette superbe photo. C’est l’image la plus précise d’HH 211 à ce jour, et de très loin. Les auteurs de l’étude considèrent que le Webb leur a fourni cinq à dix fois plus de détails que n’importe quel autre observatoire auparavant.
On distingue parfaitement les jets en eux-mêmes ; il s’agit des structures étroites qui émergent de la zone centrale. On observe aussi de vastes poches bleutées, où de grandes quantités d’hydrogène et de monoxyde de carbone ont été soufflées par le passage des ondes de choc. Les extrémités brillantes correspondent aux fronts de ces ondes.
Des données précieuses sur la formation des étoiles
Cette nouvelle observation a permis aux chercheurs de découvrir de nouvelles informations sur la dynamique d’HH 211. Ils ont notamment pu calculer la vitesse des jets; la partie interne se déplace entre 80 et 100 kilomètres par seconde. Cela pourrait sembler énorme, mais c’est en fait plutôt lent par rapport aux jets d’autres protoétoiles plus matures. En revanche, la différence de vélocité observée est beaucoup plus petite au niveau de l’onde de choc.
Pour les chercheurs, ce point est assez important. Ils ont pu en tirer des informations sur la composition des flux de matière émis par les plus jeunes étoiles, comme celle au centre d’HH 211. Sur la base de cette image, il semble que ces jets sont majoritairement constitués de molécules, et non pas d’atomes ou d’ions isolés. En effet, les ondes de choc qui résultent de cette vitesse relativement faible sont trop peu énergétiques pour séparer ainsi les molécules catapultées par le champ magnétique.
Ces données sont donc précieuses, car ces jets influencent directement le voisinage de l’étoile. Ils sont notamment suspectés de brasser et d’ensemencer le milieu interstellaire à proximité, et donc de jouer un rôle déterminant dans la formation d’autres étoiles. Les informations sur la composition des jets sont donc cruciales, car elles aident les astrophysiciens à affiner leurs modèles sur la formation des étoiles et la dynamique globale de l’Univers.
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