Le 12 septembre 2022, la fusée New Shepard s’élançait pour déployer 36 expériences scientifiques depuis la base de Blue Origin, dans l’ouest du Texas. Mais un peu plus d’une minute après la mise à feu, le premier étage a flanché, et l’engin s’est écrasé avec fracas au milieu du désert. Cet échec a été attribué à la buse du moteur BE-3PM, qui a rencontré un « dysfonctionnement thermo-structural ».
La bonne nouvelle, c’est que les opérateurs ont tout juste eu le temps d’éjecter la capsule et de déployer les parachutes. La charge utile a donc été sauvée. La mauvaise, c’est que cet incident a cloué la fusée au sol depuis un an jour pour jour ; elle n’a toujours pas pu décoller à nouveau. De quoi mettre un sérieux coup d’arrêt aux ambitions de Blue Origin.
Un coup d’arrêt lourd de conséquences
L’accident est en effet tombé au pire moment. A l’époque du crash, la firme de Jeff Bezos était sur une bonne dynamique. Ce modèle en particulier, le New Shepard CC2, avait conclu ses 16 derniers vols (tests compris) avec succès. Cela avait donné confiance à la firme, qui en a profité pour réaliser un sacré coup de communication en envoyant Jeff Bezos lui-même à la frontière de l’espace.
Forte de ce succès très médiatisé, Blue Origin a enchaîné avec cinq autres vols habités rondement menés. Il s’agissait à chaque fois de missions avant tout touristiques, avec des équipages constitués de riches clients qui ont déboursé jusqu’à 28 millions de dollars pour faire partie du voyage.
Dans ce contexte, Blue Origin s’approchait de plus en plus de l’un de ses grands objectifs : devenir le concurrent principal de SpaceX, et s’imposer comme le leader incontesté du tourisme spatial. Ce modèle de New Shepard inspirait confiance, le développement des suivants avançait de façon satisfaisante, et les clients se bousculaient au portillon.
Virgin reprend la tête après avoir frôlé la catastrophe
Malgré le retard technologique considérable par rapport à la firme d’Elon Musk, tous les voyants étaient donc au vert ; l’écurie bleue était bien partie pour s’imposer comme le leader du tourisme spatial, bien aidée par les déboires de Virgin Galactic.
Mais après un an d’inactivité, la tendance s’est inversée. Entre-temps, les troupes de Richard Branson ont enfin pu reprendre du service après avoir flirté avec la faillite à plusieurs reprises. A l’heure actuelle, Virgin affiche désormais deux vols suborbitaux de plus que Blue Origin.
Et pour l’instant, l’écurie rouge propose une offre nettement intéressante. Les vols sont nettement plus longs, avec un peu plus d’une heure pour le VSS Unity contre un petit quart d’heure pour Blue Shepard. De plus, les billets sont aussi nettement plus abordables (quelques centaines de milliers de dollars par vol).
Certes, ces voyages spatiaux sont encore ridiculement chers dans l’absolu. Mais tout indique que ces tarifs vont fondre comme neige au soleil ces prochaines années. Pour les entreprises, tout l’enjeu, c’est donc de prendre autant d’avance que possible avant l’explosion attendue de ce marché qui pèsera vraisemblablement des dizaines de milliards dans quelques dizaines d’années.
La course au tourisme spatial continue
Pour l’instant SpaceX reste évidemment intouchable sur les missions scientifiques prestigieuses et en termes de technologie pure. En revanche, c’est bien l’étrange avion suborbital de Virgin qui tient la corde sur le versant touristique. Aussi improbable que cela puisse paraître. Alors que cela semblait inconcevable il y a un an à peine, Virgin fonctionne en ce moment à un rythme d’un lancement par mois. Et l’écurie rouge n’a aucune intention de ralentir la cadence. L’écart pourrait donc continuer à se creuser.
Du point de vue de Blue Origin, la conclusion est donc on ne peut plus claire. Il devient urgent de remettre New Shepard en ordre de marche. C’est d’autant plus important que l’entreprise ambitionne aussi de rafler des contrats prestigieux à l’avenir. Cette échéance est annoncée depuis plus de cinq mois, sans résultat pour le moment. Aux dernières nouvelles, selon Ars Technica, le prochain vol serait désormais prévu le mois prochain. Il conviendra donc de guetter attentivement le retour aux affaires de la fusée.
La bonne nouvelle, c’est que même si Blue Origin perd du terrain sur les lancements touristiques, elle a un atout supplémentaire dans sa manche. Contrairement à Virgin, elle fait partie des entreprises qui ont déjà avancé leurs pions sur le segment des stations spatiales privées. Or, de nombreux analystes s’attendent à ce que ces infrastructures représentent une part conséquente de ce futur marché. Il sera donc très intéressant de suivre les stratégies des différents concurrents qui se livrent une course à l’orbite commerciale.
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“ces voyages spatiaux sont encore ridiculement chers dans l’absolu. Mais tout indique que ces tarifs vont fondre comme neige au soleil ces prochaines années”
Ça c’est loin d’être démontré, j’ai en tête une vidéo d’Astronogeek ou il démontre que le voyage spatial coûtera toujours très cher, et j’ajoute l’expertise de Jean-Marc Jancovici qui lui annonce une hausse de prix de toutes les énergies et matériaux à court/moyen termes.
Donc les prévisions, ça dépend de qui les fait.
Que le vol propose par Virgin soit nettement plus long ne me parait pas être un avantage car il s’agit de temps essentiellement passé dans l’atmosphère comme dans un avion classique. De plus la capsule de Blue Origin dépasse les 100 km, altitude reconnu comme limite de l’espace internationalement ce que n’atteint pas le VSS Unity (moins de 90 km).
Et comparer avec le tourisme spatial de SpaceX ce n’est pas du tout comparable car celle-ci propose des vols en orbite sur plusieurs jours, ce qui procure une expérience totalement différente de vols suborbitaux avec 2 minutes d’apesanteur.