Avec environ 143 000 km de diamètre pour environ 1,9 milliard de milliards de tonnes sur la balance, Jupiter est de très loin l’objet le plus volumineux et le plus massif de notre système solaire, à l’exception de l’astre lui-même. À ce titre, elle exerce une force gravitationnelle phénoménale qui fait régulièrement des victimes chez les astéroïdes de passage. Récemment, plusieurs observateurs ont assisté à un événement de ce genre ; un corps céleste de taille considérable s’est écrasé dans l’atmosphère de la géante gazeuse, produisant un flash qui a été capturé par plusieurs télescopes.
Selon Space.com, le premier signalement a été émis par le compte joint des OASES et du PONCOTS. Il s’agit de télescopes automatisés opérés par des observateurs japonais qui scrutent le ciel en permanence à la recherche d’événements remarquables. Les responsables du compte n’ont pas partagé de vidéo, mais ils ont appelé les autres observateurs à parcourir leurs propres images dans l’espoir de retrouver des images de l’impact.
C’est précisément ce qu’a fait l’astronome amateur derrière MASA Planetary Log, un compte twitter japonais dont le propriétaire partage régulièrement ses images et ses réflexions sur la voûte céleste. En vérifiant ses enregistrements dans la nuit du 28 au 29 août, il a constaté que son télescope braqué en permanence sur Jupiter avait effectivement capturé la collision.
きのうのTLで知った木星の閃光、撮影したデータを確認してみたら写っていました。
…声が出ました(^^;
日本時間2023年8月29日1:45、世界時28日16:45です。https://t.co/UYhnvAmA63https://t.co/Y7nCHtJq4k pic.twitter.com/g0FerdyoVg— MASA Planetary Log (@MASA_06R) August 29, 2023
Des événements peu fréquents et difficiles à observer
Sur les images, on observe une explosion dans l’hémisphère nord de Jupiter. Il convient de noter que le flash n’était pas aussi intense qu’il n’y paraît, car la luminosité du flux vidéo a été ajustée automatiquement en temps réel. Malgré tout, ces images restent assez remarquables, car elles sont relativement rares.
En effet, les astronomes professionnels ne peuvent pas se permettre de braquer des télescopes de pointe sur Jupiter en permanence. La quasi-totalité de ces observations provient donc d’amateurs qui doivent se contenter d’instruments moins performants. Cela limite évidemment les chances de distinguer clairement l’impact. En moyenne, les collisions de cette catégorie surviennent une fois tous les deux à trois ans.
Pour retrouver la trace d’une observation comparable, il faut remonter à 2021. A l’époque, c’était l’astronome amateur Jose Luis Pereira qui avait en avait capturé les meilleures images. Il avait surpris un impact d’une taille semblable à celui qui vient d’avoir lieu.
Il est quasiment impossible d’estimer précisément la nature ou la taille de ces objets, ou d’en déduire l’énergie dégagée lors de l’impact a posteriori. Pour avoir accès à ce genre d’informations, il faudrait disposer d’images capturées à deux longueurs d’onde différentes. Malheureusement, cela demande du matériel qui est généralement hors de portée des amateurs.
Mais il est tout de même possible d’en avoir une vague idée. Le fait d’avoir pu observer l’impact suggère qu’il s’agissait d’un relativement gros, probablement de quelques dizaines de mètres de long.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’objet était nettement plus petit que la comète Shoemaker-Levy 9. Cette dernière avait percuté Jupiter en 1994. Si cet épisode est resté dans les annales, c’est parce qu’il s’agit toujours de l’observation la plus spectaculaire de cette catégorie à ce jour. Sa particularité, c’est que la sonde Galileo, alors en route vers la géante gazeuse, avait repéré la trace de la comète longtemps avant l’impact. Elle avait été capturée dans l’orbite de Jupiter, où elle s’était disloquée avant de prendre le chemin de l’atmosphère.
Des collisions souvent informatives
La sonde s’est donc retrouvée en première loge pour suivre l’impact des différents fragments. Par conséquent, la NASA a eu tout le loisir de préparer de belles observations. En plus de Galileo, d’autres engins comme Hubble ou Voyager 2 ont été mis sur le coup. Grâce à ce panel d’instruments sophistiqués, l’agence a pu estimer de façon assez précise les propriétés de l’objet et de l’impact.
Les astronomes de l’époque ont calculé que Shoemaker-Levy 9 mesurait probablement entre 1,5 et 2 kilomètres de large. À titre indicatif, c’est 5 à 10 fois plus petit que la taille de l’astéroïde suspecté d’avoir éradiqué les dinosaures il y a environ 65 millions d’années. Malgré tout, les chocs ont été d’une violence effarante ; selon la NASA, ils ont dégagé une énergie cumulée équivalente à celle d’environ 300 millions de bombes atomiques. Les gaz de l’atmosphère ont ainsi été surchauffés entre 30 000 et 40 000 °C.
En outre, chaque fragment a créé des panaches de plusieurs milliers de kilomètres de haut et laissé des traces sombres tenaces. Ces dernières ont mis plusieurs mois à disparaître au gré des vents. Une opportunité fascinante, puisqu’elle a permis d’observer les courants de haute altitude de Jupiter pour la toute première fois.
L’objet qui a frappé Jupiter il y a quelques jours était sans doute petit d’au moins un ordre de grandeur, étant donné qu’il n’a laissé aucune trace apparente. Mais ces observations restent tout de même utiles. Car la géante gazeuse n’est pas le seul objet qui intéresse les scientifiques dans ce coin du cosmos.
Il serait aussi très intéressant de pouvoir déterminer les propriétés de ces cohortes de petits astéroïdes qui évoluent au-delà de la ceinture principale. Malheureusement, il est pratiquement impossible de les étudier directement. Ils sont en effet trop petits pour être observés correctement à cette distance. En tenant compte de la fréquence de ces impacts, de l’influence gravitationnelle de Jupiter et de ses paramètres orbitaux, il est toutefois possible de déduire le nombre d’astéroïdes qui vadrouillent à proximité.
Cette estimation reste évidemment très vague, mais chaque observation supplémentaire permet de l’affiner. Un exemple qui montre bien l’intérêt de la science citoyenne. Et accessoirement, cela nous rappelle que nous avons bien de la chance de bénéficier de la protection de mastodontes comme Saturne ou Jupiter. Sans leur influence gravitationnelle, non seulement la structure du système solaire serait très différente de ce que l’on connaît aujourd’hui, mais beaucoup plus d’astéroïdes seraient aussi en mesure d’atteindre les planètes internes comme la Terre, avec les conséquences potentiellement catastrophiques que l’on connaît.
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