Passer au contenu

La rotation de Mars accélère, et les chercheurs ne savent pas pourquoi

En se basant sur les données de la défunte sonde InSight, des chercheurs ont mis en évidence une accélération subtile, mais significative de la rotation de la planète rouge.

En décembre 2022, la sonde InSight a rendu l’âme après quatre ans et dix-neuf jours à produire de la science de haute volée sur Mars. Mais son histoire ne s’est pas arrêtée là ; les chercheurs continuent de faire des découvertes étonnantes dans la montagne de données qu’elle a collectée. Tout récemment, elle a encore apporté une contribution d’outre-tombe particulièrement intéressante : des planétologues ont pu montrer que la rotation de la planète rouge a tendance à accélérer, pour des raisons encore mystérieuses.

Lorsqu’on parle des prouesses d’InSight, on fait généralement référence à ses travaux sur les entrailles de la Planète rouge. C’était en effet le tout premier atterrisseur martien à être muni d’un sismomètre, et par extension, le premier engin au monde à avoir ouvert une fenêtre sur profondeurs de Mars. Au fil des années, elle y a enregistré de nombreux murmures sismiques qui ont bouleversé notre compréhension de notre voisine.

La sonde InSight de la NASA
La sonde InSight. © NASA/JPL-Caltech

Une partie de pong-pong radio perpétuelle

Mais s’il était la star incontestable de la mission, ce sismomètre n’était pas le seul instrument de la sonde. Elle embarquait également un transpondeur radio et un couple d’antennes au service d’une expérience baptisée RISE, pour Rotation and Interior Structure Experiment.

Comme son nom l’indique, son objectif principal était de mesurer précisément la vitesse de rotation de la planète. Pour y parvenir, l’instrument se livrait à une grande partie de ping-pong à base d’ondes radio avec le Deep Space Network (DSN), le réseau d’antennes qui permet à la NASA de communiquer avec ses engins dans l’espace.

Le DSN expédiait un signal vers l’instrument. Une fois reçu, il le renvoyait à destination. Les chercheurs pouvaient alors l’analyser dans l’espoir d’y détecter des variations liées à l’effet Doppler. C’est ce dernier qui explique, entre autres, le changement du bruit d’une Formule 1 ou d’une sirène d’ambulance qui passe à proximité.

En écoutant attentivement, il est possible de deviner le mouvement du véhicule par rapport à nos oreilles en se basant sur le son du moteur. Le bruit du moteur est plus aigu lorsque l’engin s’approche, et plus grave lorsqu’il s’éloigne. C’est parce que lorsque la source de l’onde s’éloigne, ses pics nous parviennent avec un intervalle plus important, et vice versa.

Puisque la hauteur du son dépend directement de sa fréquence, cela se traduit par un bruit plus grave ou plus aigu. Mais ce phénomène ne s’applique pas seulement aux ondes mécaniques comme les ondes sonores ; il en va de même pour les ondes électromagnétiques comme la lumière… ou les ondes radio utilisées par le DSN. Les chercheurs pouvaient ainsi relier ces infimes variations de fréquence à la vitesse de rotation de la planète.

Une accélération infime aux origines mystérieuses

Contrairement aux relevés sismiques qui pouvaient être décortiqués assez rapidement, il a fallu faire preuve de patience pour interpréter ces données. Ce sont des travaux de longue haleine. « Ce qu’on cherche, ce sont des variations d’à peine quelques dizaines de centimètres sur une année martienne », explique Sébastien Le Maistre, astronome à l’Observatoire Royal de Belgique et responsable de l’instrument. « Il faut énormément de temps pour accumuler suffisamment de données pour pouvoir voir ces variations ».

Et huit mois après la retraite d’InSight, ce travail de fourmi a enfin porté ses fruits. L’équipe de Le Maistre a pu déterminer que la rotation de Mars accélère d’environ 4 millisecondes d’arc, soit 0,000 001 degré par an². Cela signifie que la durée d’une journée sur Mars diminue d’une fraction de milliseconde chaque année.

Cette différence subtile pourrait sembler anecdotique, mais elle est tout à fait significative. Il s’agit vraisemblablement d’une conséquence d’un phénomène géologique important dans l’histoire de la planète. Il serait donc très intéressant de savoir de quoi il s’agir. Mais à l’heure actuelle, les chercheurs n’ont pas réussi à déterminer l’origine de cette accélération avec certitude. Ils ont plusieurs pistes, mais aucune d’entre elles n’est entièrement satisfaisante pour le moment.

La plus prometteuse est basée sur les calottes glaciaires de Mars. En s’accumulant, ce matériel peut légèrement modifier la répartition de la masse dans le système; elle se concentre davantage à proximité du centre de gravité. Cela a pour effet d’accélérer la rotation, un peu comme une patineuse lorsqu’il étend puis replie les bras, ou comme un gymnaste qui se recroqueville lors d’un saut périlleux. Pour référence, on parle de conservation du moment cinétique.

Les chercheurs vont désormais tenter de vérifier cette hypothèse, mais il y a un hic ; la variation de vitesse devrait alors être corrélée à l’englacement des pôles. Or, il s’agit d’un phénomène relativement périodique, alors que l’augmentation mesurée intervient sur le long terme.

Quoi qu’il en soit, ils sont déjà ravis d’avoir pu mesurer précisément cette variation. “C’est une expérience historique”, se félicite Le Maistre. “Ça a demandé beaucoup de temps et d’efforts pour la préparer”.

Des tas de données en réserve

L’autre bonne nouvelle, c’est que les chercheurs sont encore loin d’avoir épuisé tout ce que cet instrument pouvait leur apprendre.

Par exemple, cette même équipe a aussi pu exploiter ces données pour tirer de nouvelles informations sur le cœur de Mars. Ils se sont focalisés sur deux points. Le premier, c’était sa taille. Une fois recoupées avec celles du sismomètre, les données de RISE ont permis d’estimer le diamètre du cœur à environ 3670 km.

Le second point qui intéressait les chercheurs, c’était la forme de cette structure liquide. En effet, elle n’est pas aussi uniforme que les modélisations le suggèrent. Et une fois mises bout à bout, les données des différents instruments d’InSight ont fait émerger de nouvelles lacunes à ce niveau. « Les données indiquent que la forme du cœur ne peut pas uniquement être expliquée par sa rotation », explique Attilio Rivoldini, second auteur de l’étude. « Cette forme implique l’existence de régions plus ou moins denses dans les profondeurs du manteau », précise-t-il.

Or, l’identification de ces différentes régions souterraines était précisément l’objectif du sismomètre d’InSight. Les chercheurs vont donc pouvoir repasser toutes ces données sismiques en revue pour retrouver la trace de ces structures. Ces travaux en eux-mêmes s’annoncent aussi très intéressants. Car connaître l’architecture interne de Mars permet d’en apprendre davantage sur son histoire géologique, et par extension, sur celle des autres planètes telluriques qui auraient pu héberger de la vie un jour.

Autant dire que même si les adieux déchirants d’InSight remontent déjà à plusieurs mois, elle va encore continuer de faire progresser la planétologie pendant un long moment. InSight a “encore beaucoup de choses à révéler sur Mars”, se réjouit Le Maistre.

Le texte de l’étude est disponible ici.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Source : NASA

2 commentaires
  1. Nous avons besoin,de savoir nous sommes contents de vous.
    nous sommes contents et admiratif, merci, mais nous sommes curieux et impatients de connaître la vérité.

    La confiance que nous vous ferons et total.
    Je crois en la vie, et que vous pouvez la trouver sur mar,sur tout ces formes et inimaginable.
    Je vous souhaite de réussir pour le bien de toute l’humanité.

  2. Bon, une chose de faite au moins : avec tous ces satellites, sondes, robots et rovers envoyés sur Mars depuis pas mal d’années maintenant, on sait qu’il n’y a pas de martiens. Ça, c’est fait !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Mode