Avec la montée en puissance des panneaux solaires qui permettent aux ménages de produire leur propre électricité, de plus en plus de fabricants, comme Tesla ou EcoFlow, commercialisent de gros accumulateurs domestiques pour stocker cette énergie. Mais certains chercheurs voient encore plus loin, et travaillent sur des systèmes qui permettront un jour de transformer la structure d’une maison en batterie géante.
Le concept en lui-même n’a rien de nouveau. En 2020, des chercheurs américains ont par exemple converti de simples briques standard en condensateurs capables de restituer de l’énergie grâce à un enduit à base de PEDOT (voir notre article). Mais la plupart de ces travaux de ce genre avancent lentement, car ils reposent souvent sur des polymères onéreux et parfois toxiques.
Des chercheurs anglais du Royal College, à Londres, veulent cependant changer cet état de fait. Ils ont développé un procédé qui permet de stocker de l’énergie dans du ciment en utilisant des matériaux à la fois peu chers et abondants. Une fois mature et combiné à des sources d’énergie renouvelable, ce système pourrait subvenir aux besoins d’une maison entière, ou permettre d’électrifier des routes entières pour alimenter des voitures électriques pendant leur trajet.
Techniquement, ces appareils intégrés au ciment ne sont pas des batteries à part entière. Comme les briques à base de PEDOT, il s’agit de supercondensateurs. Ce sont des systèmes plus simples constitués de deux plaques conductrices séparées par un électrolyte non inflammable et une membrane.
Cela fait déjà des années que les chercheurs tentent d’incorporer ces condensateurs à des matériaux structuraux comme le ciment. Le problème, c’est qu’ils sont généralement de très mauvais conducteurs. La piste la plus courante pour surmonter cet obstacle consiste à ajouter divers additifs à base de carbone à la mixture.
Plusieurs expériences qui ont utilisé du graphène ou des nanotubes de carbone ont déjà produit des résultats prometteurs. Mais là encore, il s’agit de matériaux à la fois chers et difficiles à produire. À l’heure actuelle, il serait absolument impossible d’en produire suffisamment pour appliquer ce concept à l’ensemble de l’industrie. Pour rappel, le ciment est de loin le matériau le plus utilisé au monde avec plus de 900 milliards de tonnes par an.
Un résidu de l’industrie pétrochimique
À la recherche d’une alternative, une équipe du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) s’est donc tournée vers un autre matériau conducteur nettement plus abondant et immensément moins cher : le noir de carbone.
Cette poudre noire est déjà produite en masse par l’industrie de la pétrochimie, car il s’agit d’un résidu de la combustion incomplète de certains hydrocarbures. Elle ne se mélange cependant pas à l’eau comme le mélange de calcaire, d’argile et de sable du ciment. Le carbone s’accumule donc sous forme de longs filaments conducteurs interconnectés.
Les chercheurs ont découpé des blocs de ce ciment au noir de carbone en fines plaques d’un millimètre d’épaisseur. Ils les ont disposées les unes au-dessus des autres, puis ont ajouté une membrane et un électrolyte inoffensif à base de chlorure de potassium avant de sceller la structure. Une fois câblés, ces objets se comportent comme des condensateurs capables de stocker et de restituer de l’énergie.
Des résultats encore modestes
Pour l’instant, le résultat est encore assez modeste. Ces petits sandwichs de ciment d’un centimètre de long sont tout juste capables d’alimenter une LED. Il s’agit toutefois d’une preuve de concept intéressante que les chercheurs espèrent bien améliorer assez rapidement.
Selon les calculs des auteurs, 45 mètres cubes (soit à peu près le volume nécessaire pour les fondations d’une maison moyenne selon eux) de ciment au carbone noir pourraient stocker environ 10 kWh d’énergie, soit deux fois plus que la capacité de base de la PowerOcean d’EcoFlow. Il pourrait donc s’agir d’un complément intéressant pour les ménages, en particulier dans les pays en développement.
Mais en arriver à ce stade sera tout sauf trivial. En effet, la capacité des supercondensateurs n’augmente pas de façon proportionnelle à leur taille. Au-delà d’un certain seuil, il devient de plus en plus difficile de les charger et de récupérer cette énergie. Et puisque le ciment est avant tout un matériau structural, on ne peut pas se contenter d’ajouter de plus en plus de noir de carbone. Cela affaiblirait considérablement le matériau, ce qui est inadmissible dans ce contexte.
Les chercheurs du MIT continuent tout de même d’expérimenter pour trouver la formule idéale. Actuellement, ils tentent de développer une « brique » de ciment au noir de carbone capable de rivaliser avec une batterie de voiture standard. S’ils y parviennent, il s’agira déjà d’un pas en avant très prometteur pour la démocratisation de cette technologie.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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