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Les circuits imprimés en fibres végétales, prochaine révolution de l’électronique ?

Jiva Materials espère que ce concept permettra de réduire l’immense impact environnemental des circuits imprimés, dont le recyclage est particulièrement complexe.

D’après un rapport du programme environnemental des Nations Unies, les terriens produisent plus de cinquante millions de tonnes de déchets électroniques chaque année. Les circuits imprimés (PCB) représentent environ 5 % de ce matériel, mais malheureusement, leur recyclage est particulièrement complexe.

Pour y parvenir, il faut en effet séparer et trier méticuleusement une foule de composants très différents les uns des autres qui sont souvent enchâssés dans une structure elle-même constituée de plusieurs couches distinctes. Cela nécessite des équipements spécialisés, et parfois une intervention humaine complémentaire qui ralentit encore le processus, en plus de faire exploser le coût de l’opération.

Mais il ne s’agit pas forcément d’une fatalité. C’est en tout cas l’avis de Jiva Materials, une startup britannique repérée par New Atlas qui pense avoir trouvé une parade très prometteuse. Elle a présenté son concept de Soluboard, un substrat pour circuit imprimé qui pourrait grandement faciliter la récupération des matériaux.

Le Soluboard de Jiva, un PCB qui se désagrège dans l'eau pour faciliter le recyclage
© Jiva Materials

Le recyclage des circuits imprimé, un énorme casse-tête

En règle générale, les PCB modernes sont constitués de plusieurs couches de cuivre qui permettent de conduire le courant entre les différents composants. Elles sont séparées par des couches isolantes constituées de fibre de verre imbibée de résine époxy.

Certains de ces circuits sont découpés, puis percés méticuleusement afin de récupérer les composants. Mais il s’agit de cas particuliers ; la plupart d’entre eux sont simplement broyés grossièrement. Ces débris passent ensuite dans une longue chaîne de traitement qui fait intervenir différents processus pyrométallurgiques et électrochimiques énergivores, et truffés de solutions chimiques souvent très dangereuses.

En outre, le rendement de cette opération est souvent loin d’être idéal. Le broyage produit en effet des tas de microparticules de métaux précieux, comme l’or, qu’il est très compliqué d’extraire par la suite. Le reste des plaques, de son côté, est ensuite expédié dans des décharges ou des incinérateurs.

Des PCB recyclables à base de végétaux

Les Soluboard, en revanche, sont constituées en majorité de fibres de lin et d’un polymère non toxique, lui aussi d’origine végétale. Ce dernier se dissout facilement après avoir été immergé dans de l’eau à 90 °C pendant une demi-heure. Le liquide résultant peut être déversé dans le réseau de traitement standard, sans précautions particulières.

L’opération a pour effet de séparer les différentes couches du circuit (on parle de délamination), puis de desserrer les mailles de fibres végétales. Cela qui permet de libérer les composants. Ils peuvent alors être triés, puis adressés vers des systèmes de recyclage spécialisés pour en récupérer les précieux matériaux avec un rendement potentiellement bien plus important. Ce qui reste de la plaque peut simplement être composté au lieu d’être enterré ou incinéré.

Quid de la durabilité ?

En parcourant la page web du produit sur le site de l’entreprise, on constate toutefois qu’il manque deux informations importantes.

Pour commencer, l’entreprise ne mentionne pas une seule fois les soudures. Jiva n’explique pas comment elle compte procéder pour faire sauter les liaisons entre les différents composants. Le processus tel qu’il est décrit aboutirait à un enchevêtrement de composants encore soudés entre eux, et il faudrait déployer des efforts supplémentaires pour les désolidariser.

L’entreprise reste aussi évasive sur les conditions où le polymère commence à céder. De très nombreux appareils et systèmes informatiques peuvent régulièrement atteindre cette température de délamination de 90 °C. Dans ces conditions, si l’environnement du système n’est pas parfaitement contrôlé, la moindre humidité pourrait éventuellement fragiliser la structure qui risquerait donc de céder sur le long terme. Pas forcément idéal pour la durée de vie de ces composants.

De grands fabricants sont intéressés

Malgré ces limites, les Soluboard semblent générer un certain engouement chez les fabricants, y compris chez certains acteurs bien référencés du secteur. New Atlas cite notamment le cas d’Infineon. Il s’agit du leader allemand des semiconducteurs qui produit des PCB notamment utilisés par les célèbres Raspberry Pi, des voitures, et tout un tas de machines-outils utilisées dans diverses branches de l’industrie.

Apparemment séduite par le concept de Jiva, l’entreprise a commencé à produire une série de PCB de test sur la base de ces Soluboards. Ces composants sont actuellement soumis à des tests de résistance. Sous réserve qu’ils soient concluants, Infineon envisage de remplacer l’intégralité de ses circuits imprimés traditionnels par ces alternatives à base de végétaux. 

Selon Ars Technica, de l’autre côté de l’Atlantique, l’Université de Washington a aussi commencé à explorer cette solution. En partenariat avec Microsoft, elle a conçu une « souris éco responsable » construite autour d’une Soluboard. Les tests ont montré que les puces récupérées après la dissolution de la plaque demeurent parfaitement fonctionnelles après un simple séchage. Cette souris pourrait donc servir de point de départ pour toute une gamme de périphériques respectueux de l’environnement.

Évidemment, dans une industrie aussi pointue où les tolérances sont généralement infimes, il va falloir beaucoup plus de tests très exigeants pour convaincre les géants du secteur. Mais les résultats préliminaires encourageants pourraient donner davantage de visibilité et de traction au projet de Jiva. Et surtout, cela pourrait encourager d’autres entreprises à développer des solutions équivalentes, ce qui serait assurément bénéfique dans le contexte actuel. Il conviendra donc de suivre l’avancement de cette solution élégante à un problème qui ne va faire qu’empirer avec le temps.

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