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Euclid : le chasseur de matière noire de l’ESA rapporte ses premiers clichés

Les équipes techniques de l’ESA sont en train de finaliser la calibration de leur nouvelle merveille d’ingénierie, et les images préliminaires sont déjà extrêmement prometteuses.

Il y a un mois jour pour jour, Euclid, le nouvel observatoire de l’ESA consacré à l’étude de l’énergie noire et de la matière noire, a été lancé avec succès par SpaceX. Il est désormais bien installé sur son perchoir au point de Lagrange L2 du système Terre-Soleil, en compagnie des télescopes Gaia et James Webb.

Les équipes techniques sont actuellement en train de vérifier que son arsenal d’instruments de pointe fonctionne comme prévu. Ce processus vient de produire ses premiers résultats concrets avec les premières séries d’images de test. Elles ne sont pas encore tout à fait exploitables d’un point de vue scientifique, mais nous donnent déjà un avant-goût des performances du télescope.

Le VIS se porte bien après la frayeur initiale

Le premier instrument sur lequel les ingénieurs et scientifiques travaillent en ce moment est baptisé VISible (VIS). Son rôle est de capturer des images extrêmement détaillées de très nombreuses galaxies dans le spectre visible pour en documenter la forme et les propriétés.

Le fait d’avoir obtenu des images claires est un grand soulagement pour l’ESA. Car lorsque l’instrument a été mis en route pour la première fois, les observateurs sont tombés sur un étrange motif lumineux qui contaminait entièrement les images. L’enquête qui a suivi a démontré qu’il s’agissait de lumière solaire qui s’infiltre par un petit interstice entre deux pièces, probablement ouvert par les vibrations lors du lancement.

Les premières images de test d'Euclid dans le visible
© ESA / Euclid / Euclid Consortium / NASA

Il y avait donc une possibilité que ce premier outil essentiel à l’investigation d’Euclid soit complètement inutilisable. Mais les clichés montrent qu’en choisissant soigneusement l’orientation de l’appareil, le VIS est tout de même capable de capturer des images parfaitement claires et exploitables. On discerne déjà nettement les contours de certaines galaxies. La plupart ne sont encore que des points lumineux relativement flous, mais ils vont être dévoilés de plus en plus précisément au fil de la calibration. Le plus important, c’est que le capteur de l’instrument semble en parfaite santé.

L’œil infrarouge d’Euclid fonctionne à merveille

L’autre instrument majeur d’Euclid, c’est le Near-Infrared Spectrometer and Photometer, ou NISP. Il joue un double rôle qui sera crucial dans la mission de cartographie du télescope. Sa première mission relève de la spectrométrie. Il observe des galaxies dans l’infrarouge proche pour en déterminer les caractéristiques intrinsèques — un peu comme la NIRCam du James Webb, mais à des longueurs d’onde légèrement différentes et surtout avec un angle de prise de vue bien plus large.

Les premières images de test d'Euclid dans l'infrarouge
© ESA / Euclid / Euclid Consortium / NASA

La seconde partie de l’instrument se charge de la photométrie. Cela consiste à mesurer la quantité de lumière brute qui provient des différents corps célestes pour en déterminer la distance. En combinant ces informations avec celles du VIS, il sera possible de cartographier la distribution des galaxies à travers l’Univers, mais aussi leur évolution au cours du temps afin d’en déduire des informations sur l’influence de la matière noire.

Les premières images de test d'Euclid dans l'infrarouge
© ESA / Euclid / Euclid Consortium / NASA

La dernière image a une apparence assez surprenante. Au lieu des points brillants qui composent les autres photos, nous avons droit à un ensemble de raies. C’est parce que la lumière a été traitée à l’aide d’un grisme. Ce terme désigne un prisme un peu spécial dont une face a été usinée pour former un réseau de diffraction. Cela permet de ne laisser passer qu’une gamme de longueurs d’onde bien précise pour l’étudier plus en détail.

Des résultats préliminaires déjà bluffants

Comme dans le cas du VIS, ces images sont déjà très précises pour un appareil qui est encore loin d’être au summum de ses capacités. « Nous avons vu les images simulées, les tests en laboratoires, mais nous avons encore du mal à réaliser que ce sont désormais de vraies images de l’Univers. C’est si détaillé… juste incroyable », explique William Gillard, l’un des responsables du NISP.

Et pourtant, ces clichés sont encore très loin d’être aussi affûtés qu’ils le seront d’ici quelques mois, une fois la calibration achevée. « Après plus de 11 ans à concevoir et développer Euclid, c’est exaltant et très émouvant de voir ces premières images », renchérit Giuseppe Racca, responsable du projet à l’ESA.

« C’est encore plus incroyable quand on réalise qu’on peut déjà voir quelques galaxies avec des instruments à peine ajustés. Le système entièrement calibré pourra en observer des milliards pour créer la plus grande carte 3D du ciel à ce jour », jubile-t-il.

Cap sur l’ Univers noir

Ces données seront particulièrement précieuses pour les cosmologistes et les spécialistes de la physique fondamentale. Grâce à ces informations, ils pourront tenter de déterminer une fois pour toutes de quoi est fait notre Univers et comment il fonctionne. Pour rappel, l’objectif prioritaire d’Euclid est de percer les secrets de l’énergie noire et de la matière noire qui constituent la face cachée de notre monde.

Ce sont deux concepts encore nébuleux, mais qui sont devenus des piliers très importants de l’astrophysique. La première a été conceptualisée pour justifier l’accélération de l’expansion de l’Univers, qui serait autrement trop importante pour coller avec le reste de la théorie. La seconde, à l’inverse, permet d’expliquer la structure, la dynamique et la répartition et des galaxies à travers le cosmos. Elle est parfois décrite comme la « colle invisible » qui maintient l’Univers en place.

Aucune de ces deux entités n’a jamais pu être observée ou mesurée directement ; elles ont été imaginées pour combler ces lacunes importantes des modèles cosmologiques modernes. À l’heure actuelle, personne ne sait donc de quoi elles sont constituées, ni s’il s’agit de phénomènes isolés ou de la résultante d’un tas d’autres interactions complexes.

Pour répondre à ces questions, Euclid va donc tâcher de mettre en évidence des motifs récurrents dans la structure et l’évolution des galaxies qui pourraient cacher les premiers éléments de réponse concrets.

Maintenant que ses instruments sont sur le pied de guerre, il ne reste plus qu’à boucler les dernières étapes de la calibration. Ce processus pourrait durer de quelques semaines à quelques mois. Euclid pourra alors commencer à produire ses premières vraies images, celles qui permettront enfin aux chercheurs de percer les secrets de cet “Univers noir” .

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Source : ESA

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