L’odontologie s’approche rapidement d’une petite révolution. D’après le quotidien japonais The Mainichi, une équipe de recherche nipponne est actuellement en train de faire de beaux progrès sur une technique qui permet de faire pousser de nouvelles dents toutes neuves.
À l’origine, l’idée était de soigner l’anodontie, qui se caractérise par une absence génétique ou congénitale d’une ou plusieurs dents. Elle touche environ 1 % de la population et est particulièrement lourde à porter, en particulier pour les cas extrêmes.
L’anodontie peut évidemment gêner la mastication et la déglutition ; mais elle peut aussi provoquer de gros troubles du langage chez les jeunes enfants, avec tout ce que cela implique pour la suite de leur développement.
Trois décennies de recherche en amont
La tête pensante de ces travaux est Katsu Takahashi, un spécialiste réputé de la médecine dentaire. Il a commencé à travailler sur cette thématique à l’époque de son doctorat, débuté en 1995. À l’époque, la recherche venait tout juste d’identifier un gène qui, une fois muté, faisait varier le nombre total de dents chez les rongeurs.
Mais en parallèle, d’autres équipes de chercheurs ont identifié des structures cellulaires bien cachées dans la profondeur de notre mâchoire qui allaient devenir une pièce maîtresse de ces travaux.
Contrairement à certaines espèces comme les requins, chez qui de nouvelles dents poussent tout au long de la vie, il n’y a que deux générations de dents qui émergent chez la plupart des mammifères en temps normal. Certes, il y a bien quelques exceptions, comme les éléphants ou les kangourous, mais en général, ces espèces (dont les humains) doivent se contenter de dents de lait, puis de dents définitives.
Pourtant, certaines personnes souffrent d’hyperdontie, ou polydontie — le phénomène inverse de l’anodontie qui se traduit par l’apparition de dents supplémentaires. Et chez un tiers de ces patients, cette hyperdontie peut se manifester par la croissance d’une troisième génération de dents. Ils en ont donc conclu qu’il y avait certainement une structure cellulaire quelque part qui pouvait expliquer ce phénomène.
Libérer notre troisième génération de dents cachées
Ces travaux ont permis de démontrer qu’il y avait effectivement une troisième série de petits bulbes dentaires chez les humains. Leur croissance aurait cependant été inhibée au fil de l’évolution. En partant de ce constat, Takahashi a cherché une manière de lever ce frein biologique.
Selon The Mainichi, il a continué d’explorer cette piste jusqu’à son arrivée à l’Université de Kyoto, en 2005. C’est là qu’il a mis le doigt sur un élément très important du puzzle : une protéine baptisée USAG-1. Lorsqu’elle est présente, cette protéine limite le nombre de dents qui se développent.
Dans la foulée, il a réussi à prouver que c’est cette même protéine qui inhibe la croissance d’une troisième génération de dents. Il a donc cherché à bloquer l’action de cette protéine pour permettre à de nouvelles dents de pousser normalement.
En 2018, ces travaux ont produit leurs premiers résultats concrets. Avec son équipe, Takahashi a développé un anticorps spécialisé dans le blocage d’USAG-1. Après l’avoir administré à un groupe de souris atteintes d’anodonties, ils ont constaté que de nouvelles dents parfaitement identiques aux précédentes avaient commencé à pousser. Ils en ont déduit que ce traitement avait induit la croissance de la troisième génération de dents (voir l’article de recherche).
Un traitement prévu en 2030
Désormais, le chercheur souhaite passer à la vitesse supérieure. Ses troupes sont en train de préparer un essai clinique qui va tester cet anticorps sur des humains. L’objectif est d’aboutir à un traitement simple qui permettrait de remplacer des dents manquantes ou endommagées.
Il s’agirait d’une sacrée révolution en odontologie, et cela ne concerne pas uniquement les personnes atteintes d’anodontie. De nombreuses personnes qui ont perdu des dents à cause de caries ou d’autres pathologies, comme certaines formes avancées de diabète, pourraient les récupérer avec un simple traitement médicamenteux.
Takahashi et ses équipes vont donc lancer un essai clinique qui va démarrer d’ici la fin du mois de juillet. La première étape sera de vérifier que ce traitement est sans danger. S’ils parviennent à le prouver de façon satisfaisante, ils prévoient ensuite de tester l’anticorps sur de vrais patients.
Ils se concentreront d’abord sur des enfants atteints d’anodontie âgés de 2 à 6 ans — l’âge critique où cette mutation génétique peut avoir un fort impact sur le développement du langage. Et si cet essai clinique est un succès, ils attaqueront ensuite le développement d’un médicament commercialisable qui pourra être mis sur le marché d’ici 2030. De quoi rendre le sourire – littéralement – à des tas de personnes, notamment chez les plus démunis qui ne peuvent souvent pas bénéficier d’une opération ou de prothèses.
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Wowwwww!! Enfin je pourrai sourire sans crainte avec de nouvelles dents..