Lorsqu’on parle des objets lumineux qui peuplent notre ciel nocturne, il s’agit généralement d’étoiles ; mais ce ne sont pas les seuls corps célestes qui peuvent se montrer particulièrement brillants. L’ESA vient de le prouver une nouvelle fois avec une trouvaille mémorable : des astronomes ont récemment repéré l’exoplanète la plus brillante jamais observée.
Le protagoniste de cette histoire, c’est CHEOPS (CHaracterising ExOPlanets Satellite), un télescope spatial conçu par Airbus. Sa mission, qui a débuté en 2019 à bord d’un Soyouz russe, consiste à observer de déterminer les propriétés des exoplanètes qui accompagnent des étoiles relativement proches et particulièrement brillantes.
Récemment, il s’est penché sur une exoplanète baptisée LTT9779 b. Située à environ 260 années-lumière de la Terre, elle est d’une taille comparable à celle de Neptune, qui est elle-même environ quatre fois plus grande que la Terre. Elle se distingue par son apparence très particulière : elle brille de mille feux, à tel point qu’un néophyte pourrait presque la confondre avec une étoile.
Un quasi-miroir
Pourtant, il ne s’agit absolument pas d’une boule de gaz brûlant. Si elle est si lumineuse, c’est parce qu’elle reflète une grande partie de la lumière incidente. Toutes les planètes renvoient une partie de ces rayonnements ; par exemple, notre Terre en reflète environ 30 %. C’est surtout grâce à ses vastes océans et à ses calottes polaires ; le reste, en revanche, est majoritairement absorbé au niveau des continents.
Jusqu’à présent, le record de cette catégorie était détenu par Vénus, la deuxième planète la plus proche de notre Soleil. Elle reflète environ 75 % de sa lumière, d’où son surnom d’« étoile du berger ». Elle constitue donc un bon point de repère dans notre ciel nocturne, et a longtemps été utilisée à des fins de navigation.
L’investigation de CHEOPSa permis de déterminer que LTT9779 b surpasse Vénus à ce niveau ; d’après les auteurs de l’étude, elle renvoie environ 80 % de la lumière de son étoile.
Cette brillance exceptionnelle, LTT9779 b la doit à deux facteurs différents : sa proximité avec son astre, et surtout, son atmosphère exceptionnellement hostile. Elle est en effet constituée de vastes nuages de métaux. « Imaginez un monde brûlant, très proche de son étoile, avec des nuages de métaux à la dérive qui génèrent des pluies de titane », décrit James Jenkins, astronome chilien à l’origine de ces observations.
Une fournaise enveloppée de nuages de titane
Cette observation était particulièrement surprenante pour les astronomes, car elle présente une incohérence assez intrigante. En effet, LTT9779 b est une véritable fournaise. La température de la face dirigée vers son étoile est estimée à environ 2000 °C. Et en théorie, c’est beaucoup trop chaud pour être compatible avec la présence de ces nuages. « C’était une vraie énigme », explique Vivien Parmentier, chercheur à l’Observatoire de la Côte d’Azur et co-auteur de ces travaux.
Après avoir proposé plusieurs scénarios, l’équipe de recherche est parvenue à une explication convaincante. Et certains des éléments de réponse se trouvent… dans votre salle de bain.
« Nous avons réalisé que nous pouvions interpréter ce phénomène de la même façon que la condensation qui se forme après une douche chaude », continue Parmentier. « Pour générer cette vapeur, vous pouvez soit refroidir l’air jusqu’à ce que la vapeur d’eau se condense, ou laisser couler l’eau jusqu’à ce l’air soit tellement saturé en eau qu’il ne peur plus en contenir davantage », précise-t-il. « De la même façon, LTT9779 b peut former des nuages métalliques malgré sa température, car son atmosphère est complètement saturée en silicates et en vapeurs de métal. »
Un problème de taille
Et ce n’était pas la seule incohérence apparente qui a intrigué les chercheurs ; ses proportions posent également de nombreuses questions. En effet, les planètes qui orbitent aussi près de leur étoile sont généralement beaucoup plus petites et légères. C’est la première fois qu’une planète aussi large et massive est surprise aussi près de son astre.
« C’est une planète qui ne devrait même pas exister », résume Parmentier. « Nous nous attendons à ce que l’atmosphère de ce genre de planète soit rapidement soufflée par son étoile ». Mais ce n’est pas le cas de LTT9779 b.
Et là encore, ce sont ces nuages de métaux qui constituent la meilleure piste pour expliquer la persistance de cette atmosphère. « Ils reflètent la lumière et empêchent la planète d’atteindre la température où son atmosphère commencerait à s’évaporer », explique Sergio Hoyer, astronome au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille et auteur principal de l’étude.
La recherche sur les exoplanètes va accélérer
Les observations de ce type sont toujours intéressantes pour les astronomes, car elles leur permettent de documenter l’incroyable diversité des exoplanètes. Par extension, ces travaux permettent de mieux comprendre la façon dont les planètes — et par extension, d’éventuelles formes de vie — apparaissent et évoluent au fil du temps.
Et selon le communiqué de l’ESA, les passionnés de l’espace peuvent s’attendre à des révélations de plus en plus intéressantes, car l’exoplanétologie entre en ce moment dans un véritable âge d’or. En effet, CHEOPS sera bientôt rejoint par PLATO, un autre télescope spécialisé qui est attendu en 2026. Et trois ans plus tard, cette équipe de chasseurs d’exoplanètes sera complétée par Ariel, un engin spécialisé dans l’étude de l’atmosphère de ces corps célestes.
Cet engin sera sans doute en mesure de révéler de nouvelles informations sur l’atmosphère métallique de LTT9779 b. Et en attendant, les astronomes pourront aussi compter sur l’incontournable James Webb, qui a également montré sa capacité à observer des exoplanètes (voir notre article).
Le texte de l’étude est disponible ici.
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