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Le James Webb repère le plus vieux trou noir supermassif de son histoire

Cet objet dont la naissance remonte à plus de 13 milliards d’années a émergé d’une campagne d’observation qui pourrait bien cacher des tas d’autres surprises.

En passant en revue les données capturées par le James Webb Space Telescope pendant l’une de ses campagnes d’observation les plus poussées à ce jour, des chercheurs ont trouvé la trace d’un trou noir supermassif remarquable. La naissance de cet objet situé dans la galaxie CEERS 1019 est estimée à 570 millions d’années après le Big Bang. Cela en fait le plus ancien objet de cette catégorie identifié à ce jour.

Comme leur nom l’indique, les trous noirs supermassifs sont colossaux. Ils génèrent une force gravitationnelle si intense qu’ils ont tendance à structurer des galaxies entières autour d’eux. La Voie lactée, par exemple, doit sa cohérence à Sagittarius A*, un trou noir situé à environ 25,640 années-lumière de la Terre.

Au-delà de son âge canonique, ce nouvel exemple présente une autre particularité remarquable. Même s’il appartient techniquement à la catégorie des supermassifs, il fait figure de gringalet au milieu de ses énormes congénères. Alors que la plupart de ces objets affichent généralement une masse un milliard de fois supérieure à celle du Soleil, celui-ci ne pèse « que » 9 millions de masses solaires.

Un déluge de données d’une qualité inédite

Et pourtant, grâce à la précision exceptionnelle des instruments du Webb, les astronomes n’ont eu aucun mal à l’observer. « Regarder cet objet aussi distant avec ce télescope, c’est comme regarder un trou noir dans une galaxie proche de la nôtre », explique Rebecca Larson, doctorante à l’Université du Texas et co-auteure de l’étude. « Nous avons tellement de raies spectrales à analyser ! », se réjouit-elle. « Je suis stupéfié par la quantité et la qualité des données spectrales », renchérit Pablo Arrabal Haro, un autre astronome de l’institut NOIRLab. « Ces données sont absolument incroyables. »

Grâce à cette montagne de données, les chercheurs ont réussi à déterminer assez précisément la quantité de matériel dévorée par le trou noir. C’est une donnée très utile, car cela permet de calculer le rythme auquel les étoiles se forment au sein de CEERS 1019. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette galaxie ne chôme pas. « Le trou noir central est visible, mais la présence de poussière suggère qu’il réside dans une galaxie qui pompe furieusement des étoiles », indique l’un des co-auteurs de ces travaux.

En étudiant la structure de CEERS 1019, les auteurs de l’étude ont observé qu’elle présentait des différences structurelles importantes par rapport à une galaxie typique. Les étoiles sont généralement réparties de façon relativement homogène dans un large disque circulaire. Mais ici, elles sont agglutinées dans trois amas distincts et particulièrement brillants.

© NASA, ESA, CSA, Steve Finkelstein (UT Austin), Micaela Bagley (UT Austin), Rebecca Larson (UT Austin).

Le Webb, une vraie machine à remonter le temps

Si les chercheurs sont si enthousiastes par rapport à cette observation, c’est, c’est que cette particularité très inhabituelle n’aurait jamais pu être mise en évidence sans le Webb. « Nous n’avons pas l’habitude de voir autant de détail dans la structure à cette distance », explique Jeyhan Kartaltepe, professeur d’astronomie au Rochester Institute of Technology de New York.

Ces données sont un excellent exemple qui illustre à quel point la précision invraisemblable du télescope bouleverse l’astronomie mondiale. « Jusqu’à présent, la recherche sur ces objets de l’univers précoce restait largement théorique », renchérit Steven Finkelstein, auteur principal de l’étude.

« Avec les autres télescopes, ces cibles ressemblaient à des galaxies tout ce qu’il y a de plus ordinaire, pas à des trous noirs », ajoute-t-il. « Avec le Webb, nous pouvons non seulement voir des trous noirs et des galaxies à une distance extrême, mais nous pouvons aussi les mesurer avec précision. Cela en dit long sur la puissance extraordinaire du télescope. »

Le meilleur reste à venir

Au-delà de ce trou noir, cette campagne d’observation a aussi permis d’identifier d’autres objets particulièrement anciens. Seiji Fujimoto, doctorant à l’Université d’Austin, a par exemple mis la main sur 11 galaxies qui existaient déjà entre 470 et 675 millions d’années après le Big Bang.

Ce chiffre peut sembler énorme. Mais cela renvoie à une époque où l’Univers était encore extrêmement jeune. Il n’en était encore qu’au début de son existence, qui remonte à environ 13,7 milliards d’années. Il était donc très différent de ce que l’on observe aujourd’hui. D’où l’intérêt de ces observations que seul le James Webb est capable de réaliser.

Même si le James Webb s’arrêtait de fonctionner demain, il a déjà rapporté suffisamment de données pour révolutionner l’astrophysique. Et pourtant, cette grande quête scientifique ne fait que commencer. Au fil des années, les chercheurs pourront se pencher de plus en plus précisément sur les phénomènes qui ont été mis en évidence avec toutes ces observations.

Cela permettra de se rapprocher de plus en plus des origines de notre monde à travers l’œil du James Webb. « Cet ensemble de données, et les autres galaxies distantes que nous pourrions identifier dans le futur, pourraient changer notre façon d’appréhender la formation des étoiles et des galaxies à travers l’histoire du cosmos », conclut Fujimoto.

Les nombreux papiers de recherche issus de la campagne d’observation CEERS sont disponibles ici.

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