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Blue Origin : bientôt une base de lancement en Europe ?

La firme de Jeff Bezos cherche à construire des bases de lancement hors des Etats-Unis, et pourrait en profiter pour développer ses relations avec l’aérospatiale européenne.

Même si elle fait partie du gotha mondial de l’aérospatiale privée, Blue Origin reste relativement loin du leader incontesté du secteur, l’incontournable SpaceX d’Elon Musk. Pour rattraper son retard, l’écurie bleue vient d’officialiser une nouvelle stratégie : les troupes de Jeff Bezos vont désormais miser sur une grande expansion à l’international.

D’après Bob Smith, directeur exécutif de Blue Origin interviewé par le Financial Times, l’entreprise cherche désormais un site hors des États-Unis où elle pourrait installer une nouvelle base de lancement.

« Nos sommes à l’affût de tout ce que nous pourrions acquérir pour monter en échelle et mieux servir nos clients », explique-t-il. « Ce n’est pas une question de taille — il s’agit plutôt d’accélérer notre feuille de route », précise-t-il. Il fait notamment référence à New Glenn, le nouveau lanceur de Blue Origin qui est attendu à l’horizon 2024.

À l’heure actuelle, l’entreprise dispose déjà de deux bases d’où peuvent décoller ses lanceurs New Shepard. La première est située au Texas. C’est de là que Jeff Bezos est parti à la frontière de l’espace en juillet 2021 (voir notre article). La deuxième en Floride. Selon de nombreux analystes, le fait de multiplier les partenariats et d’étendre ses activités à l’échelle globale serait un premier pas intéressant pour rattraper SpaceX.

L’Europe en ligne de mire

Pour l’instant, le projet est encore balbutiant. Blue Origin n’a pas encore décidé de sa prochaine destination. Mais apparemment, le Vieux continent ferait partie de ses cibles privilégiées. Et il semble que la liste de course de Jeff Bezos ne comporte pas seulement des terres constructibles. La firme chercherait aussi à bénéficier de l’expertise européenne.

« L’Europe est connue pour ses professionnels de l’espace », reconnaît Caleb Henry, directeur de la recherche de Quilty Space dans l’article du Financial Times. « Pour [Blue Origin], ça pourrait être une façon de continuer à grandir », suggère-t-il.

En l’état, il est encore difficile de déterminer ce qu’une telle démarche pourrait signifier et comment elle pourrait se concrétiser, autant pour Blue Origin que pour l’aérospatiale européenne. Mais connaissant la compétition qui fait rage entre les entreprises de Musk et de Bezos, on peut imaginer que ce dernier souhaite avancer ses pions sur un marché qui va bientôt être redynamisé par l’arrivée d’Ariane 6. L’entreprise pourrait aussi tenter de profiter de l’appel d’air généré par les retards de cette dernière.

Quel impact sur l’aérospatiale européenne ?

D’ailleurs, Blue Origin a déjà prévu de s’attacher les services du futur fer de lance européen. En avril dernier, le constructeur a annoncé la signature d’un gros contrat de 18 lancements pour la mise en orbite de sa constellation de satellites Kuiper. Cette dernière a pour ambition de concurrencer le réseau Starlink de SpaceX.

Actuellement, ce contrat avec Arianegroup reste un cas isolé. La firme de Jeff Bezos travaille presque uniquement avec des partenaires américains, notamment avec la fameuse National Team, qui comprend entre autres Lockheed Martin ou Boeing. Grâce à la force de frappe financière importante de Blue Origin, cette collaboration s’est déjà révélée très rémunératrice pour les entreprises concernées.

Cette manne pourrait aussi intéresser les entreprises européennes. Mais si Blue Origin s’installe effectivement dans nos contrées, il ne sera pas évident de tisser des liens aussi étroits avec les acteurs  locaux. Surtout que le groupe Blue Origin a déjà prouvé qu’il n’était pas toujours un partenaire facile à vivre – la NASA peut en témoigner.

Connaissant la nature hautement stratégique de l’aérospatiale et son importance pour l’indépendance et l’autonomie technologique de l’Europe — point sur lequel les gouvernements et Arianespace insistent lourdement dans le contexte actuel, où l’Europe reste privée de lanceur en attendant Ariane 6 —, on peut imaginer que les décideurs politiques feront très attention à ne pas s’attacher un fil à la patte.

Il conviendra donc de garder un œil sur le projet. Pour l’instant, il ne s’agit que de suppositions. Il n’y a encore aucune garantie que Blue Origin s’installe sur le Vieux continent. Mais si elle se concrétise, cette démarche pourrait avoir un impact considérable sur l’avenir de l’entreprise. Et surtout, cela pourrait nous donner des indications sur la façon dont l’Europe souhaite se positionner dans cette nouvelle course à l’espace, où le privé joue un rôle de plus en plus important. Affaire à suivre.

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