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Quantique : Google frappe un grand coup avec son processeur Sycamore

Le Sycamore monte en puissance, et les meilleurs supercalculateurs du monde pourraient se retrouver à la traîne dans un futur relativement proche.

Dans un pré-papier de recherche relayé par The Telegraph, Google a donné des nouvelles de la dernière version de son processeur quantique Sycamore. Les chercheurs y décrivent des performances ahurissantes, à des années-lumière de ce dont les meilleurs supercalculateurs du moment sont capables –

Si le nom de Sycamore vous rappelle quelque chose, c’est parce qu’il a fait les gros titres de la presse mondiale il y a quelques années. À l’automne 2019, la firme a affirmé que cet appareil lui avait permis d’atteindre la suprématie quantique (voir notre article). Cela qui signifie qu’il serait théoriquement capable de dépasser les performances de n’importe quel ordinateur traditionnel.

La pertinence de cette affirmation a été largement débattue, certains spécialistes estimant qu’il s’agissait d’un abus de langage. IBM, un de ses concurrents directs sur le segment de l’informatique haute performance, estimait par exemple que l’entreprise n’avait pas suffisamment optimisé les opérations en question sur les supercalculateurs classiques, ce qui aurait faussé la comparaison.

Mais depuis, Sycamore n’a cessé de monter en puissance et de gagner des qbits — les équivalents quantiques des bits de l’informatique classique. À l’époque, il en proposait 53. Le dernier modèle en affiche désormais 70. Cette différence pourrait sembler négligeable, mais elle est en fait considérable.

En effet, la puissance de ces machines n’augmente pas de façon linéaire avec le nombre de qbits : cette hausse est exponentielle. Même si le nombre de qbits n’a augmenté  “que” de 32 %, cela se traduit par une hausse des performances absolument vertigineuse. Selon le Telegraph, le nouveau modèle serait 241 millions de fois plus puissants que son prédécesseur.

47 ans d’avance théorique sur le Frontier

Dans le papier de recherche, Google décrit un protocole de test qui, très vulgairement, consiste à échantillonner un énorme ensemble de données produites aléatoirement par un autre processus quantique. C’est typiquement le genre de travaux que les ordinateurs conventionnels ont du mal à réaliser dans un délai raisonnable.

En revanche, le mode de fonctionnement des ordinateurs quantiques est bien mieux adapté à ce genre de travaux. Du moins, à condition de parvenir à maintenir la cohérence des qbits et de réduire au maximum les interférences qui peuvent perturber leur équilibre délicat (voir notre article).

Dans ces conditions, le Sycamore a donc pu traiter un million de ces chaînes de bits en quelques secondes. Les chercheurs ont ensuite cherché à estimer combien de temps il faudrait à Frontier pour réaliser ces mêmes opérations. Pour référence, il s’agit du premier supercalculateur exaflopique de la planète.

Ce terme désigne les machines capable de réaliser plus d’un milliard de milliards d’opérations par seconde. En attendant les supercalculateurs Jules Vernes et Jupiter, bientôt installés en France et en Allemagne, il reste le seul supercalculateur de cette catégorie en activité.

Et même s’il caracole fièrement en tête du classement mondial des supercalculateurs, Google estime qu’il lui aurait fallu… 47,2 ans à ce monstre pour parvenir au même résultat. Ils en ont donc conclu que leur démonstration plaçait Sycamore bien au-delà de tous les supercalculateurs conventionnels.

La révolution approche, mais gare aux conclusions hâtives

Si l’on se fie au Telegraph, les premières réactions semblent assez admiratives. Selon Steve Brierley, dirigeant de Riverlane (une entreprise elle aussi spécialisée dans l’informatique quantique), il s’agit d’une « étape majeure ». « Le débat sur le fait d’avoir atteint ou non la suprématie quantique est désormais terminé », affirme-t-il.

Mais il faut tout de même se montrer prudent quant à l’interprétation de ces résultats. En effet, le benchmark utilisé par Google est réputé pour favoriser largement les ordinateurs quantiques, ce qui pourrait nuancer le verdict. De plus, le papier présenté est encore au stade de la prépublication. Cela signifie qu’il n’a pas encore passé le cap de l’indispensable relecture par les pairs, pendant lequel d’autres spécialistes décortiquent la publication pour juger de sa validité.

Dans ce contexte, un autre spécialiste interviewé par le média anglais propose une interprétation plus nuancée. Selon Sebastian Weidt, directeur exécutif d’Universal Quantum, il s’agit surtout d’un grand succès sur le plan académique. En revanche, dans le monde réel, ces travaux n’ont que très peu d’implications concrètes.

Il faudra donc patienter encore un peu pour juger de l’impact de cette étude. Mais tous semblent cependant s’accorder sur un point : l’informatique quantique n’a jamais été aussi proche de révolutionner notre quotidien. Avec l’augmentation rapide du nombre de qbits, ce n’est plus qu’une question de temps avant que les ordinateurs quantiques puissent assumer des tâches dont les supercalculateurs classiques, même exaflopiques, ne seront « jamais en mesure de réaliser ».

Le texte de l’étude en prépublication est disponible ici.

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