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Le JWST a trouvé un « Graal » de l’astronomie dans la nébuleuse d’Orion

Olivier Berné et ses collègues continuent leur idylle avec le roi des télescopes en annonçant la première détection du cation méthyle, une molécule fondamentale dans la dynamique de l’Univers.

Le 31 janvier dernier, une équipe internationale de chercheurs a fait une découverte formidable grâce au James Webb Space Telescope de la NASA. Pour la toute première fois, ils ont réussi à détecter des molécules carbonées extrêmement importantes pour la vie telle qu’on la connaît dans la nébuleuse d’Orion.

En première ligne de ces travaux, tout juste publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature, on retrouve un nom familier. L’auteur principal de l’étude n’est autre qu’Olivier Berné, astrophysicien français de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP).

L’intéressé est déjà un grand spécialiste du JWST et d’Orion ; c’est à son équipe que l’on doit les toutes premières images de la célèbre nébuleuse capturées à l’automne 2022 par le nouveau roi des télescopes (voir ci-dessous). Avec ses collègues, il vient donc de signer un deuxième papier retentissant en l’espace d’un an. Et celui-ci pourrait avoir des retombées considérables.

Le 31 janvier dernier, l’équipe a détecté un « mystérieux signal » provenant d’Orion, à 1350 années-lumière de la Terre. En se penchant sur la nébuleuse, les chercheurs ont retrouvé l’origine de ce signal dans un disque protoplanétaire baptisé d203-506, situé au cœur d’un jeune système d’étoile. C’est à partir de ces vastes amas de gaz et de poussière que se forment les planètes comme notre Terre et leurs satellites.

Le cation méthyle enfin repéré après un demi-siècle de traque

Au milieu de cette pouponnière planétaire, Berné et ses collègues ont fait une découverte sensationnelle : ils y ont trouvé la trace de cations méthyle, de formule CH3+. Leur existence avait été prédite il y a une cinquantaine d’années déjà grâce à des modélisations. Mais jusqu’à présent, personne n’avait réussi à les détecter directement.

Si ces cations méthyle intéressent autant les spécialistes, c’est à cause de leurs propriétés très particulières. Ils réagissent très peu avec l’hydrogène, l’élément le plus abondant dans l’univers. En revanche, ils réagissent très facilement avec un tas d’autres espèces chimiques comme le méthane ; c’est un précurseur d’un tas d’autres molécules organiques (c’est-à-dire à base de carbone) complexes.

Or, le carbone est à la base de la vie telle qu’on la connaît. Concrètement, cela signifie que Berné et ses collègues ont mis la main sur une pièce très importante du grand puzzle des origines de la vie basée sur le carbone, comme celle qui existe sur Terre.

Le cation méthyle est donc considéré comme un « Graal » de l’astrobiologie, ce qui illustre bien l’importance de cette découverte. S’il a échappé aux astronomes pendant aussi longtemps, c’est parce qu’il n’existait aucun instrument suffisamment performant pour le détecter. Mais cela a changé avec l’entrée en scène du JWST.

Grâce à son instrument MIRI, les chercheurs ont pu repérer des raies spectrales caractéristiques qui ne laissaient plus de place au doute. « Cette détection valide la sensibilité incroyable du Webb, et confirme aussi l’importance centrale du CH3+ qui avait été théorisée auparavant », explique Marie-Aline Martin-Drumel, membre de l’équipe de recherche affiliée à l’Université de Paris-Saclay dans un communiqué de la NASA.

Le rôle paradoxal des ultraviolets

En plus de repérer ce cation au sein d’Orion, l’équipe a aussi tâché de comprendre comment il s’était formé. En effet, les atomes de carbone et d’hydrogène ne peuvent pas s’assembler spontanément de cette façon ; il faut leur fournir une source d’énergie que Berné et ses collègues ont cherché à identifier. Selon eux, la réponse se cache dans les rayonnements ultraviolets intenses qui parcourent la nébuleuse.

C’est une hypothèse qui a été largement ignorée dans les modélisations qui avaient anticipé la présence du cation méthyle. Et pour cause : en règle générale, ces rayonnements UV ont plutôt tendance à détruire les molécules organiques ! Il est donc assez surprenant qu’ils participent ainsi à leur création. Mais le JWST, seul observatoire capable de réaliser de telles observations, n’a jamais retrouvé la trace du cation dans des zones où le rayonnement UV était nul ou négligeable. Les auteurs de l’étude ont donc confiance dans leur interprétation.

Autre point intéressant ; dans sa publication, l’équipe décrit un environnement chimique assez différent des disques protoplanétaires classiques. Certaines molécules qui y sont généralement courantes manquaient à l’appel. En particulier, ils n’ont pas trouvé la moindre trace d’eau.

Les origines de la vie n’ont jamais été si proches

Et d’après Olivier Berné, il y a sans doute des conclusions à en tirer par rapport à l’histoire de la vie. « Cela montre que les radiations UV peuvent complètement changer la chimie des disques protoplanétaires. Cela pourrait jouer un rôle critique dans les premiers stades chimiques des origines de la vie », explique-t-il dans le communiqué de la NASA.

Désormais, tout l’enjeu va être de retrouver la trace de cet insaisissable cation dans d’autres régions de l’espace. Et si l’on se fie aux propos de Marie-Aline Martin-Drumel, de nouvelles découvertes pourraient arriver assez rapidement. Dans une interview au Temps, elle explique que ces résultats ont « intéressé beaucoup de chercheurs », et qu’il y a désormais « de nombreux travaux pour trouver plus de cations méthyle dans d’autres environnements ».

Il ne reste donc plus qu’à patienter en attendant que le JWST nous rapporte une nouvelle observation déterminante. Cela permettra d’affiner encore davantage les modélisations qui décrivent la naissance des corps célestes et des formes de vie qu’ils pourraient éventuellement héberger.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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2 commentaires
  1. « Ils réagissent très peu avec l’hydrogène, l’élément le plus abondant dans l’univers. En revanche, ils réagissent très facilement avec un tas d’autres espèces chimiques comme l’hydrogène ou le méthane »
    > cherchez l’erreur… C’est parfois très compliqué de vous lire, c’est à se demander si une IA ne ferait pas mieux votre travail.

    1. Bonjour @Antholink,
      Merci de votre vigilance, cette coquille est désormais corrigée.
      Je me permets aussi de rappeler qu’il existe un bouton “Signaler une erreur” qui nous permet de réagir plus rapidement qu’un signalement en commentaire, mais je ne voudrais pas vous priver du plaisir de nous comparer à des IA !

      Bien cordialement et en vous remerciant de votre lecture,

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