En règle générale, la plupart des systèmes de communication sans fil modernes reposent sur les ondes radio. C’est par exemple le cas du Wi-Fi que vous utilisez probablement tous les jours ; lorsqu’on parle de Wi-Fi 2,4 ou 5 GHz, cela correspond en fait à la fréquence de l’onde radio utilisée.
Cette approche fonctionne extrêmement bien pour les usages quotidiens. Mais elle commence aussi à montrer ses limites dans un contexte où l’humanité transfère de plus en plus de données à chaque jour qui passe. En effet, la quantité de données que l’on peut encoder dans une onde électromagnétique dépend directement de sa longueur d’onde, qui est relativement élevée (quelques centimètres) dans le cas des signaux radio.
Les projets les plus prometteurs, comme ceux de la NASA ou de l’ETH Zurich, en Suisse, ont donc opté pour un autre support : la lumière, et en particulier les lasers. Ces derniers présentent une longueur d’onde environ 10 000 fois plus courte, ce qui permet d’y encoder beaucoup plus de données.
À terme, les chercheurs suisses comptent se servir de cette approche pour développer un nouveau modèle de communication par satellite. Mais avant d’en arriver là, ils ont commencé par tester leur système sur Terre, dans la région de Berne. Le premier pôle du système était situé à l’Observatoire Zimmerwald de Berne. Le second était juché tout en haut du Jungfraujoch, un sommet voisin qui fait partie des plus hauts d’Europe.
L’atmosphère et les lasers ne font pas bon ménage
En choisissant cet environnement de test, les chercheurs ne se sont pas facilité la tâche. Car même si cela semble contre-intuitif, selon les auteurs, maintenir un signal optique stable et cohérent dans l’atmosphère est beaucoup plus difficile que de faire communiquer un satellite avec un récepteur terrestre.
En effet, puisque les données transmises sont encodées directement dans les propriétés physiques de ces ondes très sensibles, celles-ci doivent impérativement parvenir au récepteur intactes. Or, les turbulences de l’air affectent la propagation de l’onde, et par extension, l’intégrité du signal.
Deux acteurs français à la rescousse
Pour contourner cet obstacle, les chercheurs ont collaboré avec ONERA, un laboratoire de recherche français qui développe des technologies pour l’aérospatiale et le secteur militaire. Ils ont conçu un système de modulation qui permet d’amplifier le signal et de corriger ses éventuels défauts liés aux turbulences grâce à un jeu de 97 petits miroirs ajustables.
À partir de là, il ne restait plus qu’à braquer l’émetteur directement sur le récepteur. Cela pourrait sembler trivial, mais c’est un exercice difficile. Car pour permettre à un système si délicat de fonctionner correctement, il faut atteindre un niveau de précision très important. Pour calibrer le système, l’ETH a bénéficié de l’expertise d’un autre titan industriel français, à savoir Thales Alenia Space.
1 Tb/s à plus de 50 kilomètres de distance
Et cette triple collaboration a fonctionné à merveille. Malgré ces contraintes techniques énormes, ils ont atteint une bande passante d’un terabit par seconde à travers 53 kilomètres d’atmosphère turbulente — un record absolu dans cet exercice.
« Notre système représente une avancée majeure », explique Juerg Leuthold, responsable du projet à l’ETH. « Jusqu’à présent, nous n’avions que deux options : travailler à longue distance avec de petites bandes passantes de quelques gigabits, ou à courte distance avec des lasers », précise-t-il. Grâce à leur système de modulation, ils ont donc pu réunir le meilleur des deux mondes.
Vers une révolution des télécoms
Et le plus intéressant, c’est que le système est déjà relativement mature. Selon les chercheurs, il peut aisément monter en puissance dans son état actuel ; pas besoin d’une nouvelle innovation majeure pour passer à la vitesse supérieure. Les auteurs estiment qu’il serait assez facile d’atteindre un débit de l’ordre de 40 Tb/s. Pour référence, c’est presque la moitié du débit théorique des énormes câbles de fibre optique sous-marins, alors que le système est immensément moins cher à mettre en place.
L’ETH ne se chargera pas de cette montée en échelle ; l’institut laissera ses partenaires industriels se charger de cette partie. En revanche, ils vont continuer d’affiner leur système de modulation. Ils ont bon espoir d’atteindre des débits encore plus importants. Cela signifie que nous pourrions voir apparaître les premiers systèmes de communication satellitaire et terrestre basés sur cette technologie dans un futur relativement proche — avec une révolution potentielle des télécommunications à la clé.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Pour les satellites ça fait belle lurette que c’est utilisé opérationnellement par l’Europe avec EDRS…
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/European_Data_Relay_Satellite_System