L’informatique haute performance (HPC) européenne progresse à une vitesse impressionnante en ce moment. D’après un communiqué du consortium EuroHPC, la France va bientôt avoir l’honneur d’accueillir un nouveau supercalculateur de premier plan : une machine qui devrait franchir la barre symbolique de l’exaflops — soit un milliard de milliards d’opérations par seconde.
Si cette annonce est importante, c’est que les supercalculateurs exaflopiques de ce genre sont excessivement rares. En fait, il n’y a qu’une seule machine de ce calibre en activité actuellement. Il s’agit du fameux Frontier de l’Oak Ridge National Laboratory, aux États-Unis. Ce monstre de puissance trône fièrement en tête du Top500, un classement mondial des machines HPC qui fait office de référence dans ce domaine.
La course à l’exascale bat son plein
Mais cet état de fait pourrait bientôt être remis en question. Car en parallèle, l’Europe met aussi les petits plats dans les grands. L’année dernière, les dix États qui participent à EuroHPC ont annoncé l’arrivée prochaine de Jupiter, le futur fleuron de l’informatique haute performance sur le Vieux continent. Ce monstre de silicium attendu en 2024 est également conçu pour dépasser la barre de l’exaflops.
Et si l’on en croit la feuille de route du consortium, il ne restera pas seul bien longtemps. EuroHPC vient d’annoncer l’arrivée de Jules Vernes, un second supercalculateur exaflopique, qui débarquera en 2025. Il résidera au Très grand centre de calcul (TGCC) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), en Essonne.
Ils devraient supplanter le meilleur supercalculateur européen du moment. Il s’agit de LUMI, qui n’est capable de proposer “que” 151 petaflops – soit un ordre de grandeur en dessous des machines exaflopiques. Autant dire que Jupiter et Jules Verne vont changer la donne. En théorie, ils vont immédiatement s’installer dans le top 3 mondial.
Le coût des deux machines devrait être à peu près similaire. L’enveloppe de Jupiter s’élevait approximativement à 500 millions d’euros ; Jules Vernes, de son côté, disposera d’un budget d’environ 540 millions. D’après le Monde informatique, 271 millions seront apportés directement par EuroHPC et 263 millions resteront à la charge de la France. Le gouvernement néerlandais participera également à hauteur de 8 millions d’euros.
Peu de détails techniques
Pour l’instant, aucune information technique ne semble avoir filtré à propos de l’engin. Impossible de savoir quel type de hardware permettra à Jules Vernes de franchir la barre de l’exaflops. On peut toutefois s’attendre à ce qu’il soit construit sur la base d’une architecture modulaire, extensible et tournée vers l’avenir. EuroHPC a déjà adopté cette approche avec Jupiter, et il serait surprenant que le consortium y renonce.
Comme tous les supercalculateurs de cet acabit, Jules Verne sera utilisé pour mener des travaux de simulation extrêmement exigeants qui nécessitent une puissance de calcul largement hors de portée des machines classiques. Il pourrait par exemple s’agir de modèles climatiques, de physique des particules, d’astronomie, de modélisation moléculaire, et ainsi de suite.
Il sera aussi capable de travailler sur d’énormes réseaux de neurones artificiels afin d’entraîner des modèles IA toujours plus performants. Il s’agit évidemment d’un versant très important dans le contexte actuel. Le machine learning occupe une place de plus en plus importante dans de nombreuses disciplines, et grâce à Jules Vernes, la France pourra rester à l’avant-garde dans ce domaine.
Mais au-delà de ces usages assez classiques, le supercalculateur va aussi servir de pionnier. Il hébergera également des « des partitions expérimentales de calcul quantique hybride ». Difficile de déterminer exactement de quoi il s’agit pour l’instant. Mais en pratique, cela suggère que Jules Vernes sera aussi le premier supercalculateur semi-quantique de la planète. Il sera très intéressant d’observer ce dont ces partitions hybrides seront capables en conditions réelles, et quel genre d’expériences elles permettront de conduire.
Un outil très attendu
Il ne reste plus qu’à attendre 2025 pour que cette machine remarquable commence à travailler dans les locaux du CEA. Une échéance qui va changer la donne pour la communauté scientifique française et européenne. Et forcément, le grand patron de l’institution l’attend avec impatience. « Ce supercalculateur sera un instrument exceptionnel pour la recherche européenne au service de la société », jubile François Jacq, Administrateur général du CEA.
« Ces premiers pas dans l’ère de l’exascale qui vont permettre à nos communautés de recherche nationales de réaliser le rêve de la simulation de phénomènes complexes », ajoute Philippe Lavocat, PDG de GENCI. « Cela permettra de résoudre des énigmes scientifiques historiques pour répondre aux enjeux industriels et sociétaux de l’énergie, des matériaux innovants et de la santé, comme le traitement des maladies neurodégénératives », indique-t-il.
Sylvie Retailleau, Ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, insiste aussi sur l’importance stratégique de cette technologie pour l’indépendance de l’Europe. « Le supercalculateur jouera un rôle clé pour garantir notre souveraineté technologique et notre compétitivité industrielle, et j’espère que de nouveaux partenaires publics et privés rejoindront le consortium dans les prochaines semaines », a-t-il indiqué.
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