La France est très bien lotie en termes d’art pariétal — ces gravures et peintures réalisées sur les parois de grottes par nos ancêtres préhistoriques. On peut citer la célébrissime grotte de Lascaux, parfois surnommée « la chapelle Sixtine de l’art pariétal », mais aussi d’autres grottes ornées remarquables comme la grotte Chauvet ou celle du Pech Merle. Et aujourd’hui, une nouvelle merveille de ce type s’ajoute à la liste : des chercheurs ont pu confirmer l’âge d’un ensemble de gravures exceptionnelles à la Roche-Cotard, dans l’Indre-et-Loire.
Ces travaux ont été menés par une équipe internationale supervisée par Jean-Claude Marquet, chercheur au Laboratoire Archéologie et Territoires de l’Université de Tours. L’intéressé était déjà familier de cette grotte depuis de longues années. D’après un communiqué du CNRS, il s’y est intéressé pour la première fois en 1976.
Mais à l’époque, les spécialistes de la préhistoire n’avaient pas encore accès aux outils analytiques modernes dont ils disposent aujourd’hui. Il s’est donc retrouvé dans un cul-de-sac, et a laissé ce chantier en suspens pendant plus de trente ans.
C’est en 2008 que cette aventure a pris un nouveau tournant. Dans le cadre d’un nouveau projet pluridisciplinaire, Marquet et ses collègues ont repéré pour la première fois ces motifs singuliers, partiellement dissimulés sous un mince film d’altération. Et cette fois, ils étaient mieux armés que lors de la première visite de Marquet.
La grotte ornée à gravures la plus ancienne de France
Ils ont notamment pu avoir recours à la photogrammétrie. C’est une technique qui permet de déterminer la topologie et les dimensions et la situation d’un objet dans l’espace à partir de photographies afin de produire un modèle 3D du du sujet.
Grâce à cette technique, ils ont pu analyser les formes, les espaces et l’arrangement des marques dans le détail. Cela leur a permis d’écarter l’hypothèse de simples marques laissées par des animaux ou un phénomène naturel. Ils ont ainsi pu confirmer sans l’ombre d’un doute qu’il s’agissait bien de gravures réalisées par des humains de façon intentionnelle et organisée — de l’art, en somme.
Ce constat étant posé, tout l’enjeu était de déterminer l’âge des gravures. Pour y parvenir, les chercheurs se sont appuyés sur un événement important dans l’histoire de cette grotte. Il y a plusieurs dizaines de milliers d’années, elle a été presque entièrement ensevelie sous les sédiments lors d’un grand débordement de la Loire, dont le cours actuel passe à quelques encablures du site. Elle est restée dans cet état jusqu’à ce qu’elle ait été dégagée par le propriétaire du terrain en 1912.
Les chercheurs ont estimé que la fermeture de la grotte remontait à environ 57 000 ans. Or, puisque la grotte est restée bloquée entre temps, on peut en conclure que les gravures sont au moins aussi âgées — et même probablement davantage. Car la couche de limon déversée par le fleuve, de son côté, a été datée à environ 75 000 ans. D’après les auteurs, cela en en fait la grotte ornée à gravures la plus ancienne de France. Et peut-être même de tout le continent.
Néandertal était plus futé qu’on ne le pensait
Restait encore à savoir qui était l’artiste. Car à cette époque, l’Homo sapiens dont nous sommes les descendants directs ne s’était pas encore installé dans la région. Pour reconstituer son profil, il a donc fallu chercher plus loin. Et encore une fois, l’élément de réponse le plus convaincant se cachait dans le limon. Les chercheurs y ont débusqué divers outils en pierre correspondant à ceux utilisés par l’Homme de Néandertal. C’est donc probablement cette espèce du genre humain qui est à l’origine de ces gravures.
Et il s’agit d’une découverte assez remarquable. Car pour paraphraser le titre de l’étude, cela signifie que nous avons affaire aux plus anciennes gravures néandertaliennes identifiées sans ambiguïté sur les parois d’une grotte. Accessoirement, cela montre aussi que les gravures pariétales ne sont pas propres à Homo sapiens.
Cette donnée a fait émerger un autre point intéressant. D’après les auteurs, ces marques ont à peu près le même âge que certaines gravures réalisées par Homo sapiens dans d’autres régions du monde. Cela renforce encore l’hypothèse que les comportements et activités de l’Homme de Néandertal étaient assez similaires à ceux de nos propres ancêtres, alors qu’ils ont longtemps été considérés comme nettement plus primitifs.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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