Passer au contenu

Une mutation génétique rare a envoyé une femme en prison pour meurtre

Kathleen Folbigg a été condamnée à 40 ans de prison pour le meurtre de ses quatre enfants. Emprisonnée depuis presque 20 ans, elle a enfin été libérée grâce à un détail caché dans son patrimoine génétique.

Au début des années 2000, l’Australie a été tenue en haleine par un feuilleton médiatique des plus sordides. Kathleen Folbigg, une trentenaire à l’histoire personnelle jalonnée par les drames familiaux — son père a brutalement assassiné sa mère alors qu’elle n’était âgée que d’un an et demi —, a été accusée du meurtre de ses quatre enfants en bas âge.

Les circonstances étaient en effet très étranges. Tous sont décédés jeunes et très soudainement à quelques années d’intervalle. Sur la base de preuves essentiellement circonstancielles apportées par son ex-mari, convaincu de sa culpabilité, l’enquête a fini par conclure que Folbigg avait étouffé Caleb, Patrick, Sarah et Laura. Malgré l’absence de preuves indiscutables et les protestations véhémentes de l’intéressée, qui a toujours clamé son innocence, elle a été condamnée à une peine de quarante ans de prison.

Mais l’histoire vient de prendre un tournant inattendu ; il y a quelques jours, après 20 ans passés derrière les barreaux, Kathleen Folbigg a enfin été libérée grâce aux conclusions d’une équipe de chercheurs.

Une mutation génétique rare et potentiellement mortelle

L’élément qui a fait la différence est arrivé beaucoup plus tard, et il se cachait dans le génome de l’accusée. À l’époque des faits, le séquençage génétique était tout nouveau et extrêmement cher, mais il s’est démocratisé au fil des années. Cela a ouvert la voie à de grands progrès en médecine – dont certains très importants dans cette affaire.

La clé du problème réside au niveau de CALM2. C’est un gène qui permet à l’organisme de produire la calmodulineCette dernière est une protéine très importante dans la régulation du rythme cardiaque. Grâce aux progrès du séquençage, les chercheurs ont pu déterminer que des mutations rares des gènes CALM pouvaient entraver la production de calmoduline.

La structure d'une calmoduline
La structure d’une calmoduline humaine. © Chattopadhyaya, R., Quiocho via Wikimedia Commons

Cela se traduit par une maladie très rare appelée calmodulinopathie qui touche environ un individu sur 35 millionsLes personnes qui en souffrent doivent faire l’objet d’un suivi médical rapproché, car cela augmente considérablement le risque d’accident cardiaque. C’est particulièrement vrai chez les jeunes enfants, comme en atteste cette étude de 2013.

Or, il se trouve que Kathleen Folbigg est porteuse de cette mutation héréditaire. Au moins deux de ses enfants en étaient également atteints. Les deux autres enfants étaient aussi porteurs de deux autres mutations potentiellement mortelles sur un autre gène appelé BSN.

Il est donc tout à fait possible qu’ils aient été victimes d’arrêts cardiaques soudains — une donnée qui a complètement changé la donne. « Quand nous avons réalisé les premiers tests et trouvé cette mutation suspecte, nous avons pensé qu’il y avait une très forte probabilité qu’elle soit responsable de la mort des enfants s’ils en étaient également atteints », explique Vinuesa à la BBC.

La science, un outil au service de la justice

Pour qu’un jury puisse conclure à la culpabilité d’une personne, il faut en apporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Or, ce n’était plus le cas à la lumière de ces nouvelles informations. Le verdict a donc été annulé. Kathleen Folbigg a enfin pu quitter sa geôle après un long emprisonnement.

« Il est impossible de réaliser l’ampleur de la blessure qui a été infligée à Kathleen Folbigg — la douleur d’avoir perdu ses enfants et d’avoir passé près de deux décennies enfermée dans des prisons de haute sécurité », a déclaré son avocate.

© Tingey Injury Law Firm

En pratique, elle n’est pas encore entièrement tirée d’affaire pour autant. Techniquement, les charges qui pèsent contre elle n’ont pas été annulées. Toujours selon la BBC, cette décision reviendra à la Cour d’Appel Criminelle australienne, et le processus pourrait prendre un certain temps. Mais si l’institution confirme qu’elle est innocente, elle pourrait potentiellement exiger des millions de dollars en dommages et intérêts.

Cette affaire a attiré l’attention de l’Académie australienne des sciences. L’institution en a profité pour appeler à une grande réforme du système judiciaire. Selon ses représentants cités par la BBC, il est désormais urgent de laisser davantage de place à la science brute lorsqu’il s’agit de déterminer la culpabilité d’une personne.

Cela permettrait d’éviter à des innocents d’être condamnés à de longues peines sur la base de preuves bancales et circonstancielles. Il sera intéressant de voir si cette affaire poussera les autorités australiennes, et éventuellement celles d’autres pays, à faire évoluer la Loi dans ce sens.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Source : BBC

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Mode