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Boeing a-t-il volé des technologies pour construire le SLS ?

Le géant de l’aviation est accusé d’avoir dérobé des technologies propriétaires de Wilson Aerospace et d’en avoir fait un mauvais usage, ce qui aurait conduit à des défaillances aux conséquences potentiellement désastreuses. L’entreprise a formellement démenti, et cette affaire va désormais se poursuivre au tribunal.

Aux États-Unis, un procès fédéral vient d’être ouvert contre l’avionneur Boeing. Le géant de l’aérospatiale est accusé de vol de propriété intellectuelle et de sérieux manquements lors de l’assemblage du Space Launch System (SLS), le fer de lance du programme Artemis de la NASA.

D’après Space.com, la plainte enregistrée à Seattle provient de Wilson Aerospace, une entreprise basée dans le Colorado. Elle affirme que Boeing aurait maladroitement tenté de copier certaines de ses technologies propriétaires.

Même si son nom n’est pas particulièrement évocateur en dehors des États-Unis, Wilson est pourtant un prestataire bien référencé de l’aérospatiale américaine. Cela fait près de trente ans qu’ils fabriquent des outils et des composants. Ce matériel a d’ailleurs profité à des programmes de premier plan. On peut notamment citer Hubble, l’ISS, l’ancienne station russe Mir ou encore plusieurs navettes spatiales.

L’entreprise explique avoir été mandatée par Boeing en 2014. Elle devait fournir un certain nombre d’outils pour l’installation des moteurs du SLS, la pierre angulaire du prestigieux programme Artemis. L’avionneur a fini par renoncer à cette collaboration avant que le contrat n’ait été honoré.

Des plans volés et des outils mal utilisés

Rien d’illégal dans l’absolu. Mais selon Wilson, si Boeing a décidé de clore le dossier, c’est parce qu’il avait déjà obtenu des informations hautement confidentielles sur les technologies couvertes par le contrat. Ses responsables auraient donc estimé qu’ils avaient suffisamment de données pour se passer des services de Wilson, et pour produire leur propre version de ses outils.

Le cœur du problème, c’est qu’il ne s’agissait en fait que de bribes d’informations très incomplètes. Les imitations de Boeing présentaient donc des « déficiences critiques en termes de qualité et de performance ». De plus, puisque le contrat a été rompu avant son terme, les ingénieurs de Boeing n’ont jamais eu l’occasion d’être correctement formés à l’utilisation de ces outils.

Toujours selon Wilson, on se retrouve donc avec des outils volés et défaillants qui ont en plus été mal utilisés. Pas franchement rassurant dans une discipline de pointe comme l’aérospatiale, où la moindre bévue peut se payer au prix fort. Et apparemment, cela aurait eu des conséquences très concrètes.

Un problème de sécurité et d’image

« Boeing a non seulement volé notre propriété intellectuelle et endommagé la réputation de notre entreprise, mais ils ont aussi utilisé notre technologie de façon incorrecte aux dépens de la sécurité des astronautes, ce qui est méprisable au-delà toute considération », martèle David Wilson Jr, Président et fondateur de la firme dans un communiqué.

En effet, Wilson considère qu’il y a une corrélation directe entre ces malfaçons et plusieurs défaillances de systèmes critiques. Ils citent notamment des fuites de gaz à bord de la station spatiale internationale et du SLS avant le lancement d’Artemis 1.

Selon le Président de la firme, ces problèmes seraient directement liés aux pratiques « irresponsables » de Boeing. Le texte de la plainte explique que Boeing a réalisé un drôle de patchwork entre ses propres composants et ceux de Wilson. Cela aurait « conduit à l’utilisation d’un produit nettement inférieur pour le serrage et l’ajustement des valves » qui ont fait défaut.

Au-delà du vol de propriété intellectuelle, c’est aussi une question d’image qui a poussé Wilson à agir. Car après ces problèmes de fuites à répétition qui ont généré des retards et des surcoûts significatifs, les responsables d’Artemis ont été pointés du doigt pour leur mauvaise gestion du programme. La réputation de tous les acteurs engagés en a souffert. Difficile à avaler pour un petit poucet qui cultivait une image de partenaire fiable depuis plus de vingt ans.

Et le dossier ne s’arrête pas là. Si l’on en croit le texte de la plainte, ces pratiques discutables iraient bien au-delà du programme phare de la NASA. Selon Wilson, il s’agirait même d’une habitude. Le premier cas de ce genre remonterait à 2001. Boeing aurait alors dérobé les plans d’un outil d’ajustement qui a été utilisé pour installer le premier segment américain de l’ISS.

Wilson insiste, Boeing dément formellement

Wilson rappelle aussi que l’entreprise a déboursé 615 millions de dollars pour clore un autre procès majeur. Dans ce cas précis, Boeing était également accusée d’avoir dérobé des informations critiques sur des concurrents. Ce butin lui aurait permis de signer des contrats à plusieurs milliards de dollars avec la NASA et l’US Air Force.

Pour rappel, les accords de ce genre sont courants aux États-Unis. Légalement parlant, le fait de passer ainsi à la caisse ne constitue absolument pas un aveu de culpabilité. Mais cela montre que l’avionneur n’est pas étranger à ces batailles judiciaires sur fond de propriété intellectuelle.

Boeing, de son côté, a formellement démenti toutes ces accusations et accusé Wilson d’avoir « omis des éléments de contexte essentiels ». Un porte-parole interrogé par Space.com a aussi affirmé son intention de « se défendre vigoureusement au tribunal ».

Il sera intéressant d’observer les retombées de cette affaire. Les enjeux sont considérables ; un verdict défavorable pourrait avoir un impact conséquent sur l’avenir de la division aérospatiale de Boeing. Pour rappel, ce n’est pas la première fois que ce prestataire majeur de la NASA est pointé du doigt par rapport à des manquements.

Il a notamment été rappelé à l’ordre par rapport au SLS, dont le développement a pris un retard considérable. Cela a généré une véritable une explosion du coût de l’engin, à tel point que la NASA, visiblement à court de patience, s’est mise à chercher des alternatives (voir notre article). On peut aussi citer le cas du Starliner, un engin censé devenir l’un des fers de lance de la logistique spatiale à la NASA. Son déploiement a été repoussé récemment après que de sérieux problèmes de sécurité aient été identifiés.

Mais dans tous les cas, Wilson aura probablement du mal à obtenir gain de cause. Il est extrêmement difficile d’attaquer un titan industriel sur le terrain de la propriété intellectuelle. Et dans le pire des cas, Boeing serait certainement en mesure de budgéter un settlement à plusieurs centaines de millions pour éviter une condamnation en justice. Rendez-vous dans quelques mois pour y voir plus clair.

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