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Avant Artemis 3, la NASA s’inquiète des soucis du Starship

L’agence craint que les retards de l’engin de SpaceX ne repoussent la mission Artemis 3… mais il faudra aussi que les autres éléments du programme soient prêts, ce qui est encore loin d’être le cas.

La nouvelle organisation de la NASA, centrée autour d’une collaboration étroite avec des partenaires privés, fonctionne plutôt bien pour le moment. L’aérospatiale américaine n’a jamais été aussi dynamique qu’en ce moment. Mais cette façon de faire n’est pas toujours évidente à gérer. Surtout lorsqu’un programme majeur dépend de plusieurs prestataires pas toujours ponctuels.

L’institution est en train d’y être confrontée avec le programme Artemis. Dans une conférence rapportée par SpaceNews, Jim Free, grand patron de l’exploration spatiale à la NASA, a révélé que l’état-major de l’agence était de plus en plus inquiet vis-à-vis des déboires du Starship de SpaceX. Les responsables craignent désormais que le véhicule ne soit pas prêt pour le grand départ d’Artemis 3.

Pour rappel, il s’agit d’une mission extrêmement importante, autant en termes scientifiques que médiatiques. Et pour cause : c’est à cette occasion que des astronautes sont censés revenir sur la Lune pour la première fois depuis un demi-siècle.

La vedette du programme se fait désirer…

Le fameux Starship va jouer les premiers rôles dans cette grande aventure. Bien avant le décollage d’Artemis 3, SpaceX va déjà devoir procéder à un alunissage d’un Starship sans équipage en guise de preuve de concept.

L’entreprise devra aussi démontrer sa capacité à transférer des ergols liquides (du carburant, en somme) d’un véhicule à l’autre en orbite. Cette démonstration est fondamentale, car un seul appareil ne suffira pas pour la mission Artemis 3. Il faudra aussi lancer des Starships ravitailleurs pour remplir les réservoirs du véhicule principal, à savoir le HLS – une variante du Starship standard qui permettra aux astronautes de se poser sur la Lune, puis d’en revenir.

Bien entendu, avant de pouvoir procéder à ces démonstrations, il faudrait déjà disposer d’un Starship fonctionnel et fiable. Or, malgré un premier décollage réussi du Starship et de son lanceur Super Heavy ce printemps, le mastodonte n’a jamais réussi à atteindre l’orbite.

L’engin a explosé en cours de vol, et même s’il s’agissait techniquement d’un succès, cet épisode a aussi mis quelques lacunes claires en évidence. On pense notamment aux moteurs Raptor qui ont fait quelques caprices, et surtout au système de séparation dont la défaillance a conduit à la perte de l’engin.

Vous l’aurez compris : le Starship progresse, mais il est encore relativement loin d’être opérationnel à 100 %. Cela pourrait d’ailleurs prendre un certain temps. Après le dernier test, Elon Musk avait évoqué un délai de « quelques mois » avant le prochain essai. Aucune nouvelle précision n’a été apportée depuis. De plus, SpaceX devra encore conduire un tas de tests complémentaires après avoir validé ce baptême de l’orbite. Une situation qui commence à inquiéter Jim Free.

« Il va falloir beaucoup de lancements pour remplir ces missions. Et avec les difficultés rencontrées par SpaceX, je pense que c’est vraiment préoccupant », a-t-il concédé lors de sa conférence. « Il leur reste un nombre considérable de lancements à valider, et évidemment, cela m’inquiète par rapport au calendrier d’Artemis 3 ».

Pour rappel, à l’heure actuelle, la NASA prévoit toujours de lancer le 3e volet du programme en décembre 2025. Dans ce contexte, SpaceX est effectivement loin d’être en avance. On peut légitimement se demander si le Starship sera prêt à temps.

…mais elle n’est pas la seule

Mais Jim Free omet aussi de préciser un point important. En effet, le Starship n’est pas le seul élément du programme qui se fait attendre. Certes, Elon Musk est bien connu pour son tempérament de fonceur et son goût pour les deadlines trop ambitieuses. Mais la NASA et ses autres partenaires ne sont pas non plus irréprochables à ce niveau, loin s’en faut. Même en faisant abstraction du Starship, il reste énormément de travail à accomplir.

Il va aussi falloir remettre le SLS et la capsule Orion en ordre de marche. C’est toujours cet engin qui acheminera les astronautes vers l’orbite lunaire avant qu’ils ne rejoignent la surface à bord du HLS. Cela pourrait sembler anecdotique, puisque la mission Artemis I s’est globalement bien déroulée (voir notre article). Mais en réalité, ce point à lui tout seul pourrait aussi générer un retard considérable. Pour rappel, le prestataire engagé par la NASA pour construire sa mégafusée — à savoir Boeing — a rencontré de grosses difficultés lors du développement. Cela a déjà généré un surcoût et un retard significatif d’Artemis I.

Or, l’équation sera encore plus compliquée à partir de maintenant. Puisque des astronautes en chair et en os devront prendre place à bord du SLS pour les deuxièmes et troisièmes volets, il faudra prendre beaucoup plus de précautions et de valider le système jusque dans les moindres détails, sans le moindre compromis. Certes, la NASA a récemment annoncé que l’assemblage du nouveau SLS avançait bien. Mais  il conviendra tout de même de se montrer particulièrement prudents sur les délais annoncés.

Avant Artemis 3, il faudra aussi boucler le déploiement de plusieurs autres éléments importants. On pense par exemple à l’avant-poste orbital Lunar Gateway. C’est une des clés de voûte du programme, et son déploiement va encore nécessiter beaucoup de travail. Même constat pour les combinaisons que les astronautes porteront au moment de reposer le pied sur la Lune. Ces scaphandres conçus par Axiom ne sont pas non plus opérationnels pour le moment.

La charrue avant les boeufs

Pour toutes ces raisons, de nombreux spécialistes estiment que la date de 2025 est tout simplement déraisonnable. Elle va très probablement être repoussée… comme cela déjà été le cas à plusieurs reprises. D’ailleurs, en mars 2022, Paul Martin, l’inspecteur général de la NASA, avait suggéré à demi-mots qu’il ne fallait pas s’attendre à un décollage avant 2026. Et même cette date semble encore relativement ambitieuse. En l’état actuel des choses, ça serait déjà une bonne nouvelle d’arriver à boucler Artemis 2 avant 2025. Pour rappel, cette mission est officiellement prévue pour 2024.

Il conviendra donc de suivre attentivement les progrès de tous les acteurs engagés. Cela concerne Boeing et la NASA avec le SLS, Axiom avec les combinaisons, et évidemment SpaceX avec le Starship. Avec un peu de chance, ils travailleront tous suffisamment vite pour pouvoir respecter le calendrier d’Artemis 3. Mais cela semble hautement improbable à l’heure actuelle, même en supposant que le Starship sera prêt dans les temps. Inutile de mettre la charrue avant les boeufs; avant de s’inquiéter d’Artemis 3, il sera déjà intéressant de voir si le calendrier du second volet sera respecté.

Nous vous donnons donc rendez-vous l’année prochaine pour y voir plus clair. La situation va se décanter progressivement à l’approche d’Artemis 2, et nous aurons donc certainement des éléments de réponse bien plus concrets d’ici quelques mois.

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