Lors d’une conférence rapportée par Ars Technica, Boeing a récemment annoncé l’annulation du premier vol habité du Starliner, qui était prévu cet été. La firme explique que plusieurs problèmes sérieux ont été découverts à bord du véhicule. Il va donc devoir rester cloué au sol le temps que les ingénieurs fassent leur office. La durée de ce délai n’a pas encore été dévoilée, mais elle pourrait être relativement longue.
Le Starliner, c’est une capsule spatiale de toute nouvelle génération. Elle a été conçue en partenariat avec la NASA dans le cadre de son Commercial Crew Program. Elle est construite autour d’une structure réutilisable et innovante. Par exemple, elle ne présente pas la moindre soudure. De plus, elle est prévue pour atterrir directement sur la Terre ferme. C’est une différence considérable par rapport à la plupart des capsules, qui terminent traditionnellement leur course dans l’océan. Pour cela, elle dispose d’un ensemble d’énormes airbags qui viendront amortir l’impact au terme de la descente.
Starliner est censé devenir l’un des fers de lance de la logistique spatiale à la NASA. Il a notamment vocation à réaliser de nombreux allers-retours vers la Station Spatiale Internationale pour en assurer la maintenance. Et surtout, il doit aussi pouvoir y emporter jusqu’à sept astronautes en chair et en os. Forcément, Boeing doit donc répondre à un cahier des charges extrêmement exigeant sur le plan de la sécurité. Cela implique de réaliser de nombreux tests intermédiaires. Et c’est lors d’une de ces vérifications que ces problèmes techniques sont apparus au grand jour.
Les suspensions des parachutes plus fragiles que prévu
Le premier élément qui inquiète l’avionneur, c’est un élément structurel du système de suspension des trois parachutes. Les ingénieurs ont déterminé que ces liens, qui permettent d’arrimer les parachutes au châssis de la capsule, étaient plus fragiles que prévu. En réalisant des tests et simulations, ils ont observé que ces éléments ô combien importants pourraient flancher si l’un des trois parachutes faisait défaut. Ce qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques.
Il s’agirait bien évidemment d’une issue inacceptable, dans la mesure où le Starliner devra embarquer des astronautes humains. Il est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans le cahier des charges de la NASA que le constructeur doit être en mesure de gérer ce scénario. Dans le cas d’un vol habité, la capsule doit pouvoir se poser en toute sécurité si ⅓ de ses parachutes sont défaillants. Tant que Boeing ne pourra pas offrir cette garantie, aucun humain ne sera autorisé à rallier l’ISS à bord du Starliner.
Des dizaines de mètres de ruban inflammable
Et ce n’est pas le seul élément qui va donner des migraines aux spécialistes ces prochains temps. Le second problème est tout aussi sérieux, et semble encore plus difficile à résoudre. Il concerne les rubans adhésifs de protection qui recouvrent tout le câblage de la capsule : les ingénieurs viennent tout juste de réaliser que cette dernière est inflammable. Un sacré coup de massue, sachant que des dizaines et des dizaines de mètres de ce matériau ont déjà été posés dans tous les recoins du Starliner, y compris dans des espaces qui ne sont désormais plus accessibles…
Un sacré casse-tête attend donc la NASA, car un remplacement total semble désormais « très improbable ». D’après Mark Nappi, responsable du programme Starliner chez Boeing, la firme va se contenter d’improviser une solution digne de MacGyver à dernière minute. « Nous cherchons une façon d’envelopper le ruban existant dans un autre type d’emballage dans les zones les plus vulnérables pour réduire le risque d’incendie », explique-t-il.
Un bricolage qui ne rassurera probablement pas la NASA et les futurs passagers. Boeing va donc devoir se montrer à la hauteur, car c’est loin d’être la première fois que l’entreprise a du mal à répondre aux attentes de la NASA.
Une collaboration pas toujours facile
Pour rappel, elle avait déjà rencontré des difficultés avec le Space Launch System, l’immense fusée du programme Artemis. La NASA a dû apprendre à jongler avec les innombrables retards de son partenaire commercial, qui ont aussi fait exploser le coût de l’engin.
Le Starliner lui-même a aussi connu un parcours compliqué. En 2019, son premier test de vol non habité a échoué à atteindre l’orbite et à rejoindre l’ISS. Après avoir mené son enquête, la NASA avait réclamé pas moins de 80 modifications substantielles de la capsule. Il a fallu attendre mai 2022 pour que ce baptême de l’air soit enfin validé (voir notre article).
Le premier vol de test habité a donc été planifié pour février 2022, mais l’échéance a continué à glisser. Les astronautes qui devaient participer à ce premier test ont depuis été réassignés. Ils ont rallié l’ISS à bord d’une capsule Dragon de SpaceX, principal concurrent de Boeing parmi les partenaires commerciaux de la NASA.
Le premier vol habité repoussé à l’automne… au plus tôt
Pour le moment, il est encore assez difficile de savoir à quoi s’attendre avec cet énième report. Ce qui est plus ou moins acquis, c’est qu’il ne décollera pas cet été. Il faudra attendre l’automne au strict minimum, et le premier vol habité pourrait facilement être repoussé à 2024. « C’est faisable, mais nous ne souhaitons pas nous engager par rapport à une date précise », concède Nappi. « Nous allons passer les prochains jours à comprendre ce que nous devons faire pour résoudre ces problèmes ».
Ils vont devoir travailler relativement vite. En effet, Boeing doit fournir 7 vols habités du Starliner dans le cadre du contrat qui lie l’entreprise à la NASA. Si l’avionneur continue d’enchaîner les pépins, l’agence pourrait finir par perdre patience. Elle pourrait alors se tourner vers un autre partenaire après cette échéance. Il s’agirait d’un revers considérable, sachant que Boeing a investi des ressources considérables dans ce programme prestigieux. D’après Ars Technica, ces délais lui ont déjà coûté plus de 900 millions de dollars au total.
Nous vous donnons donc rendez-vous à l’automne pour avoir quelques éléments de réponse tangibles sur l’avenir de ce programme au parcours pour le moins chaotique.
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