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Loi influenceurs adoptée à l’unanimité : voici ce qui va changer

“La loi de la jungle, c’est fini”, a martelé le député PS/Nupes Arthur Delaporte au sujet des influenceurs et créateurs de contenu.

24h après les députés, le Sénat a adopté jeudi 1er juin le projet de loi influenceurs, visant à mieux encadrer le statut des métiers de l’influence. Un scrutin à l’unanimité adopté à 342 voix, qui promet de nombreux bouleversements au sein de la profession, apparue à la fin des années 2010 en France.

Définir un statut juridique pour les influenceurs

La première étape nécessaire concernant la régulation des métiers de l’influence était de définir précisément leur statut juridique. C’est désormais chose faite. Sont donc considérés comme des influenceurs, toute “personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique”.

Dans le même esprit, les agents d’influenceurs bénéficient désormais d’une définition juridique claire. En plus de devoir mettre en place des contrats de travail écrits et détaillés avec les créateurs et créatrices de contenu qu’ils accompagnent, ces derniers devront aussi veiller au bon respect des lois.

Interdire les produits illégaux

Autre cible du texte de loi : les placements de produits. Depuis près de dix ans, le vide juridique qui entoure le marché de l’influence permet aux stars des réseaux sociaux de promouvoir de nombreux produits litigieux sans pour autant être inquiétées. Désormais, fini les abus. La “promotion directe ou indirecte, des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique” devient interdite, et passible de poursuite légale. Même chose pour les produits alcoolisés ou contenant de la nicotine, comme les Puffs ou les cigarettes électroniques.

Terminé aussi les “produits, actes, procédés, techniques et méthodes présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, protocoles ou prescriptions thérapeutiques“. Les pilules pour maigrir, les compléments alimentaires miracles et les cachets pour resserrer les parois vaginales sont désormais interdits.

Sans surprise, les jeux d’argent restent interdits, mais s’accompagnent désormais de toute promotion pour des services de tradings, de NFT, de paris sportifs ou d’investissement crypto. La promotion de toute plateforme de ce type est prohibée. Même chose pour les jeux d’argent, à moins que l’influenceur en question ne puisse justifier d’un accès à son contenu exclusivement réservé aux personnes majeures (donc sur des plateformes dédiées).

La guerre au dropshipping est déclarée

Cet encadrement vise aussi le dropshipping, cette pratique commerciale qui consiste à gonfler le prix d’un produit, pourtant acheté au rabais sur des plateformes de vente chinoises. Alors que les influenceurs avaient pris l’habitude de dissimuler leur responsabilité derrière celle de leur agence, ou le comportement de vendeurs malhonnêtes, ils seront désormais pénalement responsables des produits qu’ils promeuvent sur leurs réseaux sociaux.

Même si eux-mêmes ne sont pas en charge de la livraison ou de la vente, ils devront être en mesure de fournir certaines informations nécessaires, comme le prix des objets promus, leurs délais de livraison, ou encore l’identité du fournisseur. Ils devront aussi s’assurer que ces derniers ne sont pas illicites, ou qu’il ne s’agit pas de contrefaçons. De quoi profondément transformer l’industrie d’ici quelques mois.

Les photos retouchées devront être signalées

Déjà appliquée dans certains domaines de l’influence et de la publicité, l’obligation de mentionner une photo retouchée va se généraliser. L’utilisation de filtres, de logiciels de retouche ou d’image générée via l’intelligence artificielle devra être clairement mentionnée. Comme pour les mentions “publicité” ou “Partenariat rémunéré“, ces indications devront être “claires, lisibles et identifiables sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité du visionnage“.

Pas d’exception, même à Dubaï

Pour éviter toute fuite à l’étranger qui pourrait permettre aux influenceurs d’échapper à leurs responsabilités — comme c’est déjà le cas dans certains paradis fiscaux notamment — le texte adopté au Sénat ne vise pas seulement les créateurs et créatrices de contenu français, mais toutes celles et ceux qui s’adressent à un public français. Afin d’éviter tout problème, chaque influenceur résidant à l’étranger devra ainsi désigner “une personne morale ou physique pour assurer une forme de représentation légale sur le territoire de l’Union européenne“. Cette personne morale ou physique deviendra responsable pénalement en cas d’infraction, et devra obligatoirement souscrire une assurance civile auprès d’un assureur agréé, afin de garantir “les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle“.

En plus d’être une grande première en Europe, ce texte visant à encadrer les pratiques commerciales des créateurs et créatrices de contenu fait figure d’exception. Il a en effet été adopté à l’unanimité par les sénateurs et sénatrices de tous bords politiques confondus ce jeudi 1er juin 2023. Il pourrait être appliqué dès le mois de juin, soit dans seulement quelques semaines. En cas de manquement à leurs obligations, les influenceurs risqueront jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Ils pourront aussi être interdits d’exercer, de manière provisoire ou définitive en cas de récidive.

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