Certes, Axiom Space ne construit pas de lanceurs comme SpaceX et consorts. Mais elle fait tout de même partie de ces entreprises qui incarnent parfaitement les enjeux du New Space. Elle est impliquée dans plusieurs projets fascinants. Par exemple, elle joue un rôle déterminant dans la conception des combinaisons spatiales qui équiperont les astronautes d’Artemis III. Elle ambitionne aussi de proposer la toute première station spatiale 100 % privée au monde.
Mais Axiom conduit aussi des travaux de recherche fondamentale, dont certains très importants. Elle va notamment être l’un des acteurs principaux d’une étude pas comme les autres. En compagnie d’une équipe de cliniciens de Cedars-Sinai, elle va étudier la production de cellules souches directement à bord de la Station spatiale internationale.
Il s’agira du premier volet d’une série de missions financées par la NASA. L’objectif sera d’étudier l’impact de la microgravité sur la croissance et la différenciation des cellules souches. Plus précisément, il s’agira de cellules souches pluripotentes induites, ou IPSC. Ce sont des cellules matures normales qui ont été prélevées chez un individu, reprogrammées pour revenir au stade de la pluripotence. Cela signifie qu’elles sont à nouveau capables de se différencier en n’importe quel type de cellule (neurone, cœur, foie…), comme c’était le cas au début de son cycle de vie.
En intégrant certaines substances comme des facteurs de croissance, on peut forcer une culture d’IPSC à se différencier à nouveau. Il s’agit donc d’une ressource exceptionnellement puissante et polyvalente. Les IPSC affichent un potentiel colossal, à la fois en recherche fondamentale et en médecine régénérative.
Libérer les cellules-souches de la gravité
Un des enjeux principaux pour développer de nouvelles thérapies basées sur les IPSC, c’est la production. Le problème, c’est que même si le processus de production imaginé par le Prix Nobel Shinya Yamanaka fonctionne à merveille, il est aussi très délicat. Produire des cellules souches en masse avec un haut niveau de qualité reste très difficile.
« Nous voulons les produire en masse, par milliards, pour pouvoir les utiliser dans de nombreux cas de figure différents », indique Arun Sharma, l’un des auteurs de l’étude. « Nous avons progressé à ce niveau ces dernières années, mais il y a encore certaines limites. La microgravité pourrait permettre d’en contourner certaines », explique -t-il.
L’une de ces limites est particulièrement difficile à contourner, et pour cause : il s’agit de la gravité elle-même. Elle exerce une pression constante qui rend la croissance des IPSC plus difficile. Les équipes d’Axiom veulent donc étudier le processus en microgravité afin de voir comment se comportent les cellules une fois libérées de cette étreinte.
Le premier objectif sera de vérifier si les cellules souches sont capables de se différencier dans ces conditions. En effet, la gravité fait aussi partie de l’immense collection de signaux qui peuvent déclencher le processus. Il sera donc important de déterminer si cette force est entièrement indispensable à la différenciation ou pas.
Une fois cette éventualité vérifiée, les chercheurs se pencheront sur les modalités de cette croissance. Ils vont comparer une culture jumelle qui restera sur Terre à celle qui sera envoyée à bord de l’ISS. L’objectif de cette expérience croisée sera de déterminer exactement l’impact de la microgravité sur la croissance et la différenciation. « Nous voulons tester si elles vont pousser plus vite, comparer le nombre de changements génétiques, et vérifier si elles pourraient rester dans un état pluripotent », explique Clive Svendsen, co-responsable scientifique de la mission.
Le futur de la médecine régénérative
Si ces expériences s’avèrent concluantes, il s’agira d’une excellente nouvelle à plusieurs niveaux. Pour commencer, s’il s’avère que le processus fonctionne bien en microgravité, on pourrait envisager de construire de véritables usines orbitales à cellules souches pour alimenter la médecine régénérative terrestre.
Mais le cas échéant, il serait évidemment très contraignant de cultiver toutes ces cellules dans l’espace. Le vrai enjeu sera surtout de trouver un moyen de répliquer le processus sur Terre. Avec un peu de chance, ces expériences jumelées permettront de repérer une protéine ou un gène bien spécifique que les bio-ingénieurs pourraient utiliser pour augmenter massivement notre capacité à produire des IPSC — avec une petite révolution médicale à la clé.
C’est plus anecdotique pour l’instant, mais de nombreux spécialistes considèrent aussi que ces IPSC pourraient jouer un rôle déterminant dans le futur de la conquête spatiale. Grâce à leur flexibilité, elles pourraient permettre aux futurs colons qui partiront s’installer sur la Lune ou sur Mars de développer une grande variété de traitements sur mesure directement sur place, et à partir d’un seul et unique matériau de base. C’est évidemment un avantage considérable dans ce contexte où la marge de manœuvre et les ressources seront sévèrement limitées.
Nous en sommes encore loin pour le moment. Mais il sera tout de même très intéressant de suivre les conclusions de cette expérience unique en son genre. Nous vous donnons donc rendez-vous à la publication des résultats, qui arriveront vraisemblablement quelques mois après le lancement du 21 mai prochain.
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