Quelques jours avant la France, qui devrait dévoiler les détails de sa nouvelle loi numérique dans le courant du mois de mai, le Royaume-Uni finalise déjà l’application de sa Online Safety Bill, un texte de loi dédié au numérique destiné à mieux encadrer les plateformes numériques sur le territoire britannique. Principalement axée sur la protection de la vie privée et sur la gestion des données personnelles, la loi devrait entrer en application dans le courant de l’année prochaine. Reste qu’elle provoque toujours de vifs débats au sein du gouvernement.
Online Safety Bill : c’est quoi exactement ?
Dans les grandes lignes, le nouveau texte de loi numérique rédigé par le Royaume-Uni ressemble beaucoup au DSA (Digital Service Act) européen, auquel le pays n’est plus soumis depuis qu’il a quitté l’Union européenne en 2020. Il prévoit de lourdes amendes pour les géants du web en cas de manquements à leurs obligations, et impose notamment une plus grande transparence dans l’utilisation des algorithmes, l’obligation pour les réseaux sociaux de modérer efficacement leurs contenus, une stricte limitation de l’utilisation des données personnelles, et l’interdiction d’exposer des mineurs à des contenus publicitaires ciblés ou à de la pornographie.
Présenté en mai 2021, l’Online Safety Bill prévoit donc d’encadrer les arnaques et la publicité mensongère à la manière du projet de loi influenceurs qui a récemment fait parler de lui, tout en protégeant les plus jeunes, et en offrant aux internautes un plus grand contrôle sur leurs données. Comme en France et aux États-Unis, un système de vérification de l’âge des mineurs devrait également être mis en place dès l’année prochaine.
Renforcer la sécurité… en supprimant les messageries chiffrées ?
Dès sa présentation il y a deux ans, le texte de loi britannique n’avait pas fait l’unanimité, et pour cause. En prônant une sécurité renforcée et une meilleure gestion des données, le gouvernement entend aussi faire interdire le chiffrement de certaines plateformes de messageries en ligne, comme WhatsApp ou Signal. Jusqu’à présent, ce chiffrement était la garantie d’un échange sécurisé entre deux interlocuteurs. Personne, pas même les entreprises concernées n’avaient accès au contenu des messages envoyés et reçus.
En supprimant le chiffrement de bout en bout des messages, le gouvernement britannique veut être en mesure d’accéder à leur contenu en cas de besoin — notamment dans le cadre d’une enquête par exemple. Une pente glissante estiment les défenseurs de la vie privée, qui craignent un accès liberticide aux données.
Même WhatsApp s’est positionné contre l’application de la Online Safety Bill. Dans une lettre ouverte diffusée ce 17 avril 2023, la filiale de Meta a indiqué : “Les auteurs de la loi déclarent être satisfaits de l’importance du chiffrement et du respect de la vie privée, tout en affirmant qu’il est possible de surveiller les smartphones de tout le monde sans mettre à mal le chiffrement de bout en bout. La vérité, c’est que c’est tout simplement impossible”. Chez Signal, la position est similaire, au point de menacer l’existence même de la plateforme, alerte sa présidente Meredith Whittaker. Même son de cloche chez la fondation Wikimedia, qui dénonce les dangers liés à la généralisation de la vérification de l’âge.
Même le gouvernement émet des réserves
Dans un rapport publié le 18 janvier 2023, le gouvernement britannique n’a pas exclu des “changements prévisibles” dans le texte final. La Chambre des communes anglaise avait déjà opéré quelques modifications de la loi, mais cette prise de conscience collective au sujet du traitement des données pourrait encore changer la donne. Reste qu’il s’agira vraisemblablement de concessions, la loi devrait dans ses grandes lignes rester la même.
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