En décembre 2022, la sonde InSight a rendu l’âme, asphyxiée par l’impitoyable poussière martienne après quatre années à ausculter les entrailles de la Planète rouge. Elle a laissé derrière elle un héritage scientifique colossal grâce à son sismographe ultra-performant — le tout premier instrument de genre à avoir été installé sur notre voisine cramoisie. Ces informations ont directement conduit à plusieurs découvertes de premier plan.
Certes, InSight n’est désormais plus qu’un tas de ferraille inerte. Mais les chercheurs continuent de puiser dans cette montagne de données. Et tout récemment, un groupe a réussi à en extraire ce qui est probablement sa contribution la plus importante à ce jour : pour la toute première fois, ils ont pu identifier et exploiter des ondes sismiques qui ont directement traversé le cœur de Mars.
Une fenêtre sur l’intérieur des planètes
Les ondes sismiques qui se déplacent sous la surface suite à un phénomène violent, comme la rupture d’une grosse masse de roche, sont des ressources exceptionnellement importantes pour les géologues.
Elles ne se propagent pas de façon uniforme dans tous les milieux. Comme un rayon laser qui change de trajectoire lorsqu’il passe de l’air à un autre milieu comme le verre ou l’eau, elles sont sujettes à un phénomène de réfraction. Cela a une conséquence très importante. En étudiant le temps de trajet de certaines ondes, les chercheurs peuvent déterminer quel genre de structures géologiques elles ont traversé.
En d’autres termes, elles permettent d’étudier de vastes portions de la structure interne d’une planète. Le tout sans avoir à creuser le moindre trou. Cette technique est utilisée très fréquemment par différents types de géologues. Elle est indispensable en recherche fondamentale, pour la recherche de ressources, ou encore la prévention de catastrophes naturelles.
Cette technique a joué un rôle déterminant dans l’étude de la Terre. Par exemple, en 1906, elle a permis au géologue anglais Richard Oldham de découvrir le cœur externe liquide de la planète. Trente ans plus tard, la sismologue Inge Lehman a fait de même pour identifier son cœur interne solide.
Un cœur entièrement liquide et chargé en éléments légers
Des décennies plus tard, une équipe internationale de chercheurs pilotée par l’Université du Maryland a répliqué cet exploit sur Mars. Dans une publication parue le 24 avril, ils ont livré les premières analyses du mystérieux cœur de la planète voisine. Une observation capitale qui va permettre de mieux comprendre l’histoire de Mars et du système solaire dans son ensemble.
Pour obtenir ces résultats, les chercheurs ont épluché les données d’InSight pour suivre la trace de deux événements sismiques. Le premier provenait d’un marsquake — l’équivalent martien d’un tremblement de Terre. Le second a été attribué à l’impact d’une grosse météorite.
Les deux signaux étaient très éloignés l’un de l’autre. Ils ont donc parcouru une distance considérable dans les profondeurs. Cela a permis aux chercheurs de recouper les données, puis de les croiser avec d’autres mesures géophysiques pour dresser le tout premier portrait du cœur de la planète, bien caché sous plus de 1000 kilomètres de roche.
Premièrement, ils ont déterminé que ce dernier était entièrement liquide, contrairement à celui de la Terre qui comporte aussi une partie solide au centre. Une confirmation saisissante pour les chercheurs.
En effet, la structure du cœur de la Terre est directement à l’origine du champ magnétique qui nous protège du rayonnement cosmique. On peut considérer que l’architecture actuelle du cœur de notre planète est indispensable à la vie telle qu’on la connaît. En étudiant les différents processus géologiques qui ont abouti à cette différence, les chercheurs pourraient donc trouver des informations très intéressantes sur le passé de Mars, ses origines, et peut-être même en tirer des hypothèses sur la présence d’une forme de vie à un moment de son histoire.
Ils ont aussi pu en déduire des détails sur la composition de cette poche de métal en fusion. L’équipe a trouvé que ce cœur était particulièrement chargé en éléments légers, notamment en soufre et en oxygène. Ils représentent environ 20 % du cœur, soit à peu près le double de celui de la Terre. Là encore, c’est une différence importante qui aidera les chercheurs à reconstituer l’histoire géologique de Mars.
Les modèles des chercheurs fonctionnent à merveille
Le dernier point, et peut-être le plus important, c’est que ces découvertes sont cohérentes avec de nombreux modèles théoriques qui décrivent les profondeurs de Mars. C’est une très bonne nouvelle pour les géophysiciens de la NASA et des autres agences. Cela signifie qu’ils pourront continuer de se baser dessus pour étudier d’autres planètes. On pense notamment à Vénus. Tout récemment, une autre équipe de chercheurs a confirmé définitivement que la planète n’est pas géologiquement morte (voir notre article).
Accessoirement, cela montre une nouvelle fois qu’InSight a fait un travail formidable lors de sa mission de quatre ans. Et grâce à toutes les données qu’elle a rapportées, elle va encore contribuer encore à la recherche scientifique pendant un certain temps.
« La mission d’InSight a pris fin en décembre 2022, mais nous sommes toujours en train d’analyser les données », s’enthousiasme Vedran Lekic, géophysicien et co-auteur principal de l’étude. « Elle va continuer d’influencer notre compréhension de la formation et de l’évolution de Mars, et même des autres planètes pendant des années. »
Le texte de l’étude est disponible ici.
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