Décidément, 2023 ne commence pas bien pour l’aérospatiale nipponne. Après l’échec du lancement de la nouvelle fusée H3 de la JAXA, l’agence voulait se consoler avec le départ de la mission lunaire Hakuto-R, pilotée par l’entreprise japonaise ispace ; les célébrations sont malheureusement tombées à l’eau en même temps que le véhicule sur la Lune.
L’alunisseur, qui devait se poser hier sur notre satellite, avait pour objectif de devenir à la fois le premier appareil privé, et le premier véhicule japonais à y parvenir. La firme a malheureusement perdu le contact avec son engin au terme de la mission, ce qui suggère fortement que l’engin s’est écrasé au terme de la descente.
Le premier alunisseur privé de l’Histoire
L’histoire de cette mission a commencé en 2013, il y a dix ans déjà, avec le Lunar X Prize. Il s’agit d’un concours organisé par Google qui offrait 20 millions de dollars à la première entreprise privée qui réussirait à faire atterrir un engin sur notre satellite. ispace faisait partie des candidats les plus prometteurs ; en revanche, la deadline était un peu trop serrée. Le Lunar X Prize est arrivé à échéance en 2018, sans aucun vainqueur.
Mais il en fallait plus pour décourager les ingénieurs japonais. Après une collecte de fonds, ils ont continué leur grand projet qui est enfin arrivé à maturité en décembre 2022, avec la fin de la construction d’Hakuto-R. Ni une ni deux, ils ont réservé de la place à bord d’un Falcon 9 de SpaceX dans l’espoir de déployer le premier alunisseur privé au monde.
Le véhicule s’est inséré dans l’orbite lunaire le 20 mars dernier, à une centaine de kilomètres au-dessus de la surface jonchée de cratères. Il y est resté un peu plus d’un mois. ispace n’a pas donné de détails sur les raisons de ce délai ; c’était probablement l’occasion de réaliser un dernier état des lieux de l’alunisseur avant son grand saut de l’ange.
Un silence radio qui ne laisse que peu d’espoir
Il était initialement censé se poser à proximité du cratère Atlas, sur la face visible de la Lune. Mais tout à la fin de la phase finale le flux de données a été soudainement interrompu. Les équipes au sol d’ispace n’ont pas reçu le moindre signal retour qui leur indiquerait un crash ou, au contraire, un alunissage en douceur. Une petite demi-heure après l’heure d’alunissage prévue, les responsables ont donc annoncé la mort dans l’âme qu’ils s’attendaient au pire.
« À l’heure actuelle, nous n’avons pas réussi à confirmer que Hakuto-R a réussi à se poser avec succès, » explique Takeshi Hakamada, fondateur et Président d’ispace cité par SpaceNews. « Nous avons perdu le contact, donc nous partons du principe qu’il n’a pas pu se poser avec succès ».
Quelques heures plus tard, après plusieurs nouvelles tentatives infructueuses, le ton était devenu encore moins optimiste. « Nous avons déterminé qu’il y avait une forte probabilité que l’alunissage se soit finalement écrasé à la surface de la Lune », regrette la firme dans un communiqué repéré par SpaceNews.
Pour l’instant, les ingénieurs n’ont pas encore dévoilé de détails sur le ou les dysfonctionnements rencontrés. Et pour cause : ils n’ont pas encore réussi à la déterminer. L’équipe est en train de passer les données de télémétrie au peigne fin pour trouver ce qui a fait défaut, et a promis de donner rapidement de nouvelles informations à ce sujet.
S’il s’avère que les craintes des ingénieurs sont fondées et que la sonde a effectivement connu une fin brutale à la surface de la Lune, il s’agira d’un véritable crève-cœur pour Hakamada et ses troupes.
Deux robots rejoignent le cimetière lunaire
Même s’ils gardent la tête haute, les ingénieurs ont tout de même de quoi être déçus. En effet, du matériel précieux a été perdu. Hakuto-R embarquait notamment une paire de petits robots qu’il devait déployer à la surface.
Pour commencer, il y avait Sora-Q, un robot très intéressant, car unique en son genre. Il a en en effet été conçu par la JAXA, Mitsubishi, Sony… et le fabricant de jouets Takara Tomy ! Ce dernier a construit un mécanisme de déformation qui permet au robot de se transformer rapidement en une petite boule d’aluminium de 8 cm. La JAXA espérait tester ce format unique en son genre qui aurait à la fois permis au robot de se déplacer, et à l’électronique embarquée de rester à l’abri en cas de pépin.
Le second, c’était Rashid, un petit rover opéré par les Émirats arabes unis. En termes d’instruments, il s’agissait d’un engin assez rudimentaire, sans commune mesure avec les bijoux de technologie comme Perseverance. Mais il était tout de même très important en termes symboliques et historiques pour deux raisons.
Rashid aurait dû devenir le premier engin issu du monde arabe à se poser sur la Lune. Ce n’est pas négligeable, sachant que de nombreux pays du Golfe, à commencer par l’Arabie saoudite et les Émirats, investissent en ce moment des milliards dans des tas de technologies futuristes pour construire un nouveau techno-pole mondial et s’émanciper des énergies fossiles.
L’autre point intéressant, c’est qu’il embarquait un système d’exploitation dopé à l’IA conçu par une entreprise canadienne. S’il était arrivé à destination, il serait donc devenu le premier engin lunaire à mettre la puissance du machine learning au service de sa mission lunaire.
Un second véhicule prévu pour 2024
Néanmoins, cette équipe de taille assez modeste se dit tout de même très fière d’avoir réussi à arriver jusque là avec des moyens finalement assez limités. « Nous sommes très fiers », a expliqué Hakamada dans une visioconférence citée par Space.com. « Nous avons déjà accompli beaucoup de choses pendant cette mission ». Même son de cloche du côté de l’agence spatiale japonaise (JAXA). « Je suis fier des défis que s’est imposé ispace et des efforts de toute l’équipe », a déclaré son président Hiroshi Yamakawa.
En outre, cet échec ne sonne heureusement pas le glas d’ispace. La firme travaille en ce moment sur un nouvel alunisseur. Il devrait partir en 2024 avec à son bord plusieurs engins commerciaux et un petit rover qui collectera de la poussière lunaire pour le compte de la NASA. Il ne reste plus qu’à toucher du bois pour qu’il arrive à destination.
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