Le 20 avril dernier, l’immense Starship a enfin décollé de la Starbase de Boca Chica, mettant fin à une attente insoutenable. Certes, l’appareil a finalement dû être détruit après une perte de contrôle, l’empêchant ainsi de réaliser le vol suborbital prévu autour de la Terre. Mais les troupes de SpaceX ont insisté sur le fait qu’ils considéraient tout de même ce vol comme un succès ; l’objectif était avant tout de voir si le Starship et son booster Super Heavy parviendraient à décoller, et ils estimaient que le reste ne serait que du bonus.
On aurait donc pu s’attendre à ce qu’un nouveau test, cette fois avec pour objectif d’atteindre l’orbite, survienne assez rapidement. Mais il va finalement devoir patienter plusieurs mois au strict minimum. Car si l’entreprise peut être fière d’avoir fait décoller son mastodonte, les ingénieurs vont quand même avoir du pain sur la planche d’ici là.
Le premier point très important concerne les moteurs-fusées Raptor V2. Ces moteurs methalox de nouvelle génération ont déjà causé bien des tracas à SpaceX. Leur développement a été particulièrement chaotique, avec de nombreux retards et déconvenues techniques qui ont mis l’entreprise dans une situation très inconfortable. Elon Musk en est même venu à parler de “désastre” et de “faillite“.
Les moteurs Raptor V2 toujours aussi capricieux
Il se montrait plus optimiste ces derniers temps. Mais le jour du grand départ, le Raptor a encore fait des siennes : six des 33 moteurs du booster Super Heavy ont dysfonctionné, comme on l’observe sur plusieurs photos en contre-plongée.
Ça avait déjà été le cas lors d’un test de mise à feu statique récent (voir notre article). Mais cette fois, avec des milliers de tonnes de métal suspendues dans les airs, cela a eu des conséquences considérables. En effet, les moteurs sont positionnés de façon à ce que tout l’appareil de propulsion développe une poussée uniforme et stable. Ces six défaillances ont donc conduit à un déséquilibre significatif que les autres moteurs ont été forcés de compenser.
SpaceX n’a pas indiqué si cela a contribué à la perte de contrôle, puis à la cabriole du Starship qui a forcé les opérateurs à lancer le protocole d’autodestruction. Mais quoi qu’il en soit, le constat est clair : les Raptor V2 ne sont toujours pas parfaitement au point.
C’est d’autant plus important que lors de ce premier vol, la séparation entre le Starship et son booster n’a pas pu être menée jusqu’à son terme. Le Starship n’a donc pas encore eu l’occasion de voler en solo en conditions réelles. Or, ce dernier est équipé des mêmes moteurs Raptor, mais seulement en 6 exemplaires. Le booster avait assez de marge pour compenser ces défaillances, mais ça aurait été nettement plus difficile avec le Starship en lui-même, avec tout ce que cela implique pour le reste de la mission.
Pour que le Starship puisse arriver au stade opérationnel, il faudra impérativement que ces moteurs-fusées fonctionnent avec une fiabilité exemplaire. Autrement, les ingénieurs pourront difficilement être confiants au moment de négocier la séparation et la mise à feu du 2e étage, une étape déjà très délicate en temps normal. Ce point devrait déjà occuper l’entreprise un certain temps.
Le booster Super Heavy a maltraité le pas de tir
L’autre point extrêmement problématique ne concerne pas le lanceur en lui-même, mais l’infrastructure de lancement. Nous savions déjà que SpaceX devrait réaliser des aménagements considérables pour assouvir son ambition de faire décoller plusieurs Starships par jour. C’est devenu encore beaucoup plus évident jeudi dernier.
En effet, les troupes de SpaceX semblent avoir sous-estimé l’impact de ce déluge de flammes. La puissance phénoménale du lanceur a tout simplement pulvérisé le béton renforcé du pas de tir, laissant un grand cratère et des tas de débris.
Plusieurs infrastructures voisines ont aussi accusé le coup. Sur Twitter, des images de conteneurs enfoncés par l’onde de choc ont circulé. Autant dire qu’il va falloir en tirer les leçons qui s’imposent : SpaceX va devoir repenser l’architecture du pas de tir pour qu’il puisse encaisser les coups de boutoir du Super Heavy. Cela passera très certainement par la construction d’une série de carneaux et de déflecteurs de flammes.
Ce sont d’immenses tranchées qui servent à canaliser les jets de gaz incandescents des moteurs, ainsi que les éventuels débris. Il faudra aussi probablement améliorer le système de déluge qui permet à la fois d’amortir l’onde de choc et le bruit insoutenable de la déflagration. Là encore, cela implique de gros travaux.
Des déconvenues à relativiser
Les arguments des observateurs les plus cyniques qui ont vécu ce test comme un échec ne sont donc pas entièrement irrecevables, loin de là. Mais au bout du compte, il s’agit tout de même d’un succès incontestable. Personne n’a jamais prétendu que le fait d’amener un tel engin à maturité serait une balade de santé, bien au contraire. Et il serait injuste de ne pas saluer ce tour de force comme il se doit.
Comme le dit un célèbre dicton anglophone, Space is hard (l’espace, c’est difficile). Et c’est encore plus vrai lorsqu’on essaie de repousser toutes les limites de l’ingénierie aérospatiale comme SpaceX le fait en ce moment. Tous les observateurs, à commencer par Elon Musk lui-même, avaient déjà prévenu le public qu’il devrait mesurer ses attentes par rapport à ce premier vol. Arriver à ses fins du premier coup avec autant de technologie expérimentale à la pointe de l’innovation aurait été un exploit quasiment miraculeux.
Si vous faites partie des optimistes, ne laissez donc pas ces déconvenues vous priver de votre enthousiasme. Les ingénieurs vont pouvoir tirer des tas d’enseignements précieux de cette première tentative, et les prochaines seront certainement de plus en plus convaincantes. Quoi qu’il arrive, il n’y a absolument aucune chance qu’Elon Musk saborde le projet en cours de route. Le Starship reste donc sur la bonne voie, c’est une certitude. Pour ce qui est des délais, en revanche… c’est une autre histoire.
À terme, SpaceX devra repenser entièrement sa logistique pour préparer la montée en échelle prévue. Mais avant d’en arriver là, il conviendra de suivre les progrès de l’entreprise pour voir quand elle parviendra enfin à dompter ces fameux Raptors et à construire un pas de tir susceptible d’encaisser leur puissance infernale. Rendez-vous d’ici quelques semaines pour les premiers éléments de réponse.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
ce n’était pas une perte de contrôle mais bien au contraire intentionnel. Les journaux (y compris vous) ont repris cette rumeur sans vérifier. Le magazine science et avenir a confirmé le contraire.
Starship a fini par avouer qu’Ils ont voulu tester l’explosion et la resistance. Apparemment ils ont obtenu ce qu’ils voulaient
Bonjour @Tristan boreale,
Il s’agissait sans le moindre doute d’une perte de contrôle. Ce qui était intentionnel, c’était l’initiation du protocole d’autodestruction qui a suivi cette perte de contrôle, comme cela a d’ailleurs été confirmé… directement par SpaceX et sans la moindre ambiguïté.
https://www.spacex.com/launches/mission/?missionId=starship-flight-test
C’était effectivement une occasion de tester le système, mais vous imaginez bien que SpaceX n’aurait en aucun cas choisi de détruire son prototype hors de prix délibérément, avant même de savoir s’il aurait pu atteindre la l’altitude attendue – ça n’aurait aucun sens, ni économiquement, ni technologiquement.
Le test de résistance auquel vous faites allusion concerne le passage du Max-Q.
Donc non, pas de rumeur non vérifiée !
Bien cordialement et en vous remerciant de votre lecture,
“Les moteurs Raptor V2 toujours aussi capricieux…”
Évidemment, lorsque des morceaux de ciment sont projetés à très grande vitesse sur des moteurs, on peut s’attendre à ce que certains de ceux-ci cessent de fonctionner.
On pourrait tenter la même chose, dans les mêmes conditions, avec n’importe quel moteur de n’importe quelle fusée, et on aurait un résultat semblable.
Pourquoi parlez vous d’atteindre l’orbite du premier coup ?
Il n’a jamais été question, sauf dans la presse qui n’y comprend pas grand chose, “d’atteindre l’orbite”.
La différence entre un tir orbital et un tir suborbital n’est PAS une question d’altitude, mais de vitesse.
Un tir orbital doit au moins atteindre 7.5km/s, ce qui n’a JAMAIS été envisagé pour ce premier test.
Ce qui était envisagé, c’est que le SH vienne se crasher dans l’océan pas loin de Boca Chica, et que le starship aille se crasher a coté d’Hawaï sans JAMAIS avoir atteint la célérité orbitale, et loin s’en faut.
Évidemment, avec une fusée qui n’a même pas été capable d’opérer la séparation des étages et un pas de tir totalement ruiné, l’échec est total.
Absolute fail.
Et elle ne revolera pas en 2023… si elle revole un jour.
Objets dans l’espace sont durs .
Ozeanwasserschutz fördern könnend Ungenauigkeiten
après le “F1″(von Braun) d’une fiabilité suffisante .