Une fusée Ariane 5 vient de décoller du spatioport Europe de Kourou, en Guyane française, pour lancer la mission JUICE de l’agence spatiale européenne. La sonde commence désormais un voyage qui va la mener vers Jupiter pour étudier ses trois satellites gelés, Ganymède, Callisto et Europe. Toutes les trois sont suspectées d’héberger de grandes quantités d’eau liquide, et sont donc des destinations particulièrement intéressantes dans le cadre des travaux sur la recherche de vie extraterrestre.
Il va cependant falloir faire preuve de patience, car l’engin n’est pas près d’arriver sur place. Avant d’atteindre la matriarche du système solaire, elle va s’offrir une immense tour de manège cosmique qui va durer plus de huit ans.
Pendant cette période, elle va réaliser plusieurs manœuvres d’assistance gravitationnelle consécutives aux abords du Soleil, de la Terre, de la Lune et de Vénus. Ce trajet alambiqué, qui a exigé une précision exceptionnelle sur le timing du lancement (voir notre article), lui permettra d’arriver dans le voisinage de Jupiter en économisant énormément de carburant.
Une fois sur place, JUICE s’installera confortablement sur une orbite à bonne distance de la géante gazeuse, afin de rester en dehors de la zone de radiations extrêmes qui l’entoure. Au fil des rotations, elle va croiser plusieurs fois les trois fameux satellites qui ont motivé cette expédition.
Un trio de mystérieuses lunes gelées
La première, c’est Europe. Il s’agit d’une lune mystérieuse sur laquelle les agences spatiales n’ont que très peu d’informations. La sonde Juno est le dernier engin à l’avoir visitée en octobre 2022, et cela faisait plus de vingt ans qu’elle n’avait pas été observée d’aussi près. Les spécialistes considèrent qu’elle présente une activité interne très particulière avec une activité cryovolcanique soutenue, et des mouvements de grands blocs de glace qui rappellent la tectonique des plaques terrestre (voir notre article).
JUICE s’attardera aussi sur Callisto, qui pourrait héberger un immense océan d’eau salée. Mais l’objectif principal de la mission, c’est le troisième membre de ce trio frigide, Ganymède. C’est l’un des objets les plus intéressants du système solaire, et les astronomes salivent déjà à l’idée de pouvoir percer certains de ses secrets.
Pour commencer, c’est la seule lune du système solaire qui possède son propre champ magnétique, et cette particularité en fait déjà un objet d’étude de premier plan. En effet, sur Terre, ce sont les mouvements de convection dans le cœur ferreux de la planète qui génèrent ce champ magnétique. Cela suggère que Ganymède pourrait être géologiquement active, ce qui implique la production de chaleur — l’un des trois éléments hypothétiquement nécessaires à la vie telle qu’on la connaît.
Et cela tombe bien, parce que Ganymède répond aussi à au moins un des deux autres critères : l’eau. En effet, on sait qu’elle abrite un vaste océan souterrain salé. Il sera donc très intéressant d’en estimer le volume et la composition chimique pour vérifier la présence ou l’absence de composés organiques.
En théorie, JUICE devrait s’insérer directement dans l’orbite de Ganymède en 2034. Si elle a parfaitement négocié ses manœuvres d’assistance gravitationnelle et économisé suffisamment de carburant, l’ESA va tenter d’abaisser l’orbite pour lui offrir un poste d’observation encore plus avantageux d’où elle pourra collecter des données très précises.
Une nouvelle mission rondement menée pour Ariane 5
Au-delà de cette superbe aventure scientifique, ce lancement est aussi un nouveau succès pour Arianespace. Ariane 5, l’inébranlable fer de lance de l’aérospatiale européenne, continue de se montrer incroyablement performante et fiable, malgré les contraintes techniques énormes de ce lancement (voir ci-dessous). Entre le lancement du James Webb en décembre 2021 et celui de JUICE aujourd’hui, elle est en train de s’offrir une fin de carrière de haute volée.
En effet, ce 116e lancement était aussi l’avant-dernier. La fusée tirera sa révérence après le lancement du satellite militaire français Syracuse 4B en juin prochain. La fin d’une ère. Ariane pourra toutefois partir la tête haute après deux décennies de fiabilité exemplaire.
Avant de pouvoir se pencher sur les données rapportées par JUICE, il faudra donc croiser les doigts pour que la nouvelle Ariane 6 fasse au moins aussi bien que son illustre aînée. Cette dernière aura la lourde tâche d’assurer l’intérim avant l’arrivée de la première fusée réutilisable européenne – et c’est un autre feuilleton qu’il conviendra de suivre avec une attention toute particulière, car la route s’annonce cahoteuse (voir notre article).
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