Dans la nuit du 22 au 23 mars, les amoureux de l’espace ont vécu un grand moment avec le baptême de l’air de Terran 1, la toute première fusée presque entièrement imprimée en 3D (voir notre article). Certes, le bijou de technologie de Relativity Space a échoué à atteindre l’orbite. Mais l’entreprise a quand même validé ses objectifs prioritaires et récolté des tas d’informations précieuses. Et elle va bientôt s’en servir pour passer à la vitesse supérieure.
La priorité absolue des troupes de Tim Ellis, c’était de confirmer que le véhicule était capable de survivre au Max-Q, le point de l’ascension où les contraintes mécaniques sont les plus importantes. C’était tout sauf une garantie, car jusqu’à présent, personne n’avait encore fait décoller un fuselage imprimé en 3D. Il existait donc un risque non négligeable que la structure ne résiste pas. Un scénario catastrophe qui aurait pu invalider tout le concept révolutionnaire de la firme.
Heureusement, ce vol leur a permis de confirmer la viabilité de cette approche. Une défaillance du moteur a empêché la fusée de se positionner en orbite, mais elle a passé le cap du Max-Q sans le moindre problème. Forts de ce constat, les ingénieurs ont choisi de ne plus perdre de temps. Ils considèrent que le temps de l’expérimentation est révolu ; il est désormais l’heure de mettre démonstrateur technologique à la retraite et de préparer le tapis rouge pour son successeur Terran-R.
Un mastodonte taillé pour les opérations commerciales
Comme la première du nom, il s’agira d’une fusée presque entièrement imprimée en 3D. Seule une poignée composants sera produite grâce à un processus d’usinage traditionnel. La première différence, c’est la taille. Du haut de ses 25 mètres de haut, Terran-1 était théoriquement capable d’emporter 1250 kg de charge utile en orbite terrestre basse. Le nouveau modèle, en revanche, culminera à 80 mètres d’altitude pour une charge utile de 33,5 tonnes.
Il s’agit donc d’un sacré mastodonte. À titre de comparaison, même le Falcon 9 de SpaceX, référence actuelle de cette catégorie, ne peut emporter « que » 23 tonnes de matériel vers cette même destination. Le message est donc clair. Terran-R n’est plus une preuve de concept ; Relativity met désormais le cap sur les opérations commerciales.
« Terran-1, c’était un peu notre concept car. Terran-R, en revanche, c’est un produit destiné au marché de masse, conçu pour répondre à une demande importante », explique le PDG Tim Ellis.
Et sa firme entend bien jouer des coudes pour s’installer directement à la table des cadors grâce à plusieurs arguments très sérieux. Car si la firme a misé sur l’impression 3D, ce n’est pas simplement pour le plaisir de se compliquer la vie ; Terran-R va exploiter au maximum les avantages de cette approche pour dégager un avantage compétitif.
L’impression 3D au service de la rentabilité
Le premier intérêt, c’est la flexibilité exceptionnelle offerte par cette technique. Elle permet à la firme de modifier ses véhicules à une vitesse record. Théoriquement, il suffirait de quelques clics dans un logiciel de CAO pour corriger un problème de conception, optimiser un composant ou adapter le lanceur à une charge utile particulière.
Cela a déjà permis d’accélérer considérablement le développement de Terran-1, et ça deviendra encore plus intéressant avec les opérations commerciales de Terran-R. Relativity pourra proposer ses services à de nombreux profils de clients différents. « C’est un véhicule entièrement focalisé sur les attentes des clients », insiste Ellis.
Et surtout, elle sera en mesure d’effectuer des modifications entre deux lancements, ce qui permettra au lanceur de rester à la pointe de la technologie en permanence. Cela concerne notamment la récupération et la réutilisation des lanceurs.
Toute l’industrie est en train de se conformer à ce standard imposé par SpaceX. Les engins qui ne sont pas capables de revenir sur Terre, au moins partiellement, risquent de devenir obsolètes très rapidement. Une situation qui peut facilement conduire à une vraie catastrophe industrielle, connaissant le coût de développement des lanceurs.
L’Agence spatiale européenne en a encore fait les frais ces dernières années avec sa fusée Ariane 6 (voir notre article). Relativity, en revanche, a réussi à prendre le train en marche ; le premier étage de Terran-R sera entièrement réutilisable.
La version actuelle du matériau utilisé pour le fuselage — un alliage à base d’aluminium spécialement conçu par une équipe de chercheurs en science des matériaux — pourra encaisser jusqu’à 20 mises en orbites consécutives. Ce nouveau modèle a aussi été conçu pour rentrer dans l’atmosphère avec un angle d’attaque particulièrement agressif, ce qui réduit la quantité de carburant nécessaire au retour.
Cela signifie que Relativity pourra vendre les lancements de Terran-R à un prix assez raisonnable. Un avantage déterminant en dans l’aérospatiale moderne, où de plus en plus de firmes innovantes se livrent une compétition féroce.
Relativity n’a pas encore annoncé de deadline. Mais une fois arrivé sur le marché, tout indique que Terran-R deviendra immédiatement un concurrent très sérieux dans la catégorie des lanceurs lourds. Il sera donc très intéressant de suivre l’évolution de cette nouvelle mouture et son impact sur l’industrie. Si l’engin est aussi performant que prévu, il pourrait bien devenir le moteur d’un nouveau changement de paradigme majeur dans l’aérospatiale, quelques années après la révolution imposée par SpaceX avec ses lanceurs réutilisables.
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