Depuis des années déjà, les microbiologistes estiment que le réchauffement climatique pourrait permettre à de dangereux micro-organismes pathogènes de proliférer un peu partout sur la planète. Dans une étude repérée par le Parisien, une équipe de chercheurs américains a livré un exemple très concret et pas franchement rassurant ; ils s’inquiètent de la montée en puissance de la bactérie Vibrio vulnificus.
Cette cousine de Vibrio cholerae, la bactérie à l’origine du choléra, vit habituellement dans des estuaires ou des étangs saumâtres. L’une de ses particularités, c’est qu’elle n’a aucun problème avec le réchauffement des océans que l’on constate depuis des années. Bien au contraire, elle se sent même particulièrement à l’aise lorsque la température dépasse les 20 °C. Elle pourrait donc proliférer à une vitesse inquiétante à moyen terme.
Pour le vérifier, l’équipe d’Elizabeth Archer, microbiologiste à l’université anglaise d’East Anglia, a tenté de simuler l’évolution de la population de V. vulnificus sur les prochaines années. Pour y parvenir, les chercheurs ont notamment eu recours au machine learning.
A la conquête de l’Atlantique
Ils ont commencé par entraîner un modèle IA spécialement développé pour l’occasion. Son objectif : identifier des liens entre les données océanographiques et climatiques. À partir de là, ils ont rassemblé des données épidémiologiques déjà récoltées par plusieurs institutions américaines. Cela leur a permis de modéliser la propagation de la bactérie dans différents scénarios climatiques.
En passant ces résultats en revue, les chercheurs sont arrivés à une conclusion relativement tranchée. Ils ont suggéré que la population de V. vulnificus allait probablement augmenter très rapidement. Dans leur publication, ils estiment que la bactérie sera probablement présente dans tout l’est des États-Unis à moyen terme. Patrick Monfort, un expert de cette souche interviewé par le Parisien, estime que ce constat vaut aussi dans nos contrées. « Ce risque existe également sur les côtes atlantiques européennes, et donc en France », explique-t-il.
C’est loin d’être le seul micro-organisme concerné par cette dynamique. Mais si les chercheurs prêtent une attention toute particulière à Vibrio vulnificus, c’est parce que cette souche pourrait poser un gros problème de santé publique. En effet, lorsqu’elle réussit à se frayer un chemin dans l’organisme d’un humain, les conséquences peuvent être très graves.
Une bactérie « mangeuse de chair »
Lorsqu’elle est présente dans un fruit de mer mal cuisiné, elle provoque des symptômes typiques d’une intoxication alimentaire très violente. Mais les vrais problèmes surviennent surtout lorsque de l’eau de mer contaminée s’infiltre par une plaie ouverte. La bactérie peut alors provoquer une violente inflammation des tissus.
La plupart du temps, le pronostic vital n’est pas engagé. Mais dans certains cas, et en particulier chez les personnes les plus fragiles, le risque augmente en flèche. L’infection peut évoluer en nécrose, c’est-à-dire que les tissus avoisinants se mettent à dépérir rapidement, laissant une marque noirâtre et purulente. Pour cette raison, cette bactérie est parfois surnommée « mangeuse de chair », même s’il s’agit d’un regrettable abus de langage.
Les cas les plus graves nécessitent donc d’amputer le membre infecté. Car dans le cas contraire, l’infection peut atteindre la circulation sanguine et se généraliser ; on parle alors de type septicémie, et on passe dans une situation d’urgence médicale absolue.
Un exemple isolé d’un risque global
Il conviendra donc de garder un œil sur l’évolution de la bactérie ces prochaines années. Mais il serait aussi très imprudent de se concentrer uniquement sur cette souche. Car Vibrio vulnificus est loin d’être le seul micro-organisme qui va trouver un nouveau terrain de jeu dans la Terre réchauffée du futur. Que ce soit dans les océans ou sur la terre ferme, des tas de petites bêtes potentiellement pathogènes pourront se trouver un nouvel El Dorado. Avec tout ce que cela implique pour la santé publique mondiale.
Il faudra donc rester vigilants, et croiser les doigts pour que les autorités de santé assument leurs responsabilités. Il deviendra de plus en plus important de trouver des moyens de protéger la population… et aussi de réagir à l’apparition hypothétique d’une nouvelle pandémie, pour ne pas répéter les erreurs commises pendant le fiasco épidémiologique du Covid-19.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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