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James Webb : nouvelle observation historique d’une exoplanète

Ces travaux montrent une nouvelle fois à quel point le Webb révolutionne l’astronomie, et pourraient conduire à de grandes révélations sur les corps célestes fascinants de TRAPPIST-1.

Le James Webb Space Telescope a récemment braqué son objectif sur une des planètes de TRAPPIST-1, le fameux « système solaire 2.0 » qui intrigue tant les spécialistes. L’observation a permis de conclure que le corps céleste en question était dépourvu d’atmosphère. Une relative déception pour certains chercheurs et amoureux de l’espace. Mais pas d’inquiétude : ce coin fascinant du cosmos est encore loin d’avoir livré tous ses secrets.

Pour resituer un peu le contexte, TRAPPIST-1 est techniquement le nom de l’astre qui structure ce système. C’est une toute petite étoile qui appartient à la catégorie des naines rouges. Pour référence, elle est à peine plus grande que Jupiter, qui est elle-même dix fois plus petite que notre Soleil. Son autre particularité, c’est sa température ; par rapport à notre Soleil, TRAPPIST-1 est exceptionnellement froide (toutes proportions gardées, bien entendu).

Une famille de planètes fascinantes

Mais ce n’est pas à cause de l’étoile en elle-même que ce système intéresse tant les astronomes. C’est surtout à cause des sept planètes qui occupent son orbite. Pour commencer, elles présentent toutes des tailles et des masses à peu près comparables à celles de la Terre.

De plus, trois à quatre d’entre elles sont situées dans la zone habitable de TRAPPIST-1. Ce terme désigne la région où la température est théoriquement compatible avec la présence d’eau liquide. Avec tout ce que cela implique pour les recherches sur l’habitabilité et l’apparition de la vie.

une comparaison de la taille des planètes du système TRAPPIST-1 avec la Terre
Une comparaison de la taille des planètes du système TRAPPIST-1 avec la Terre. © ESO / M. Kornmesser

Et la cerise sur le gâteau, c’est que l’étoile est située à environ 40 années-lumière de la Terre. C’est une distance très importante dans l’absolu, mais qui reste assez raisonnable pour procéder à des observations concluantes. Grâce à cette combinaison de facteurs, les planètes de TRAPPIST-1 sont des objets d’étude de premier choix pour les planétologues et les astrobiologistes.

« TRAPPIST-1 est un superbe laboratoire », explique Elsa Ducrot, postdoctorante au CEA et co-autrice de ces travaux. « Ce sont les meilleures cibles à notre disposition pour étudier l’atmosphère des planètes telluriques », précise-t-elle.

Le James Webb à la rescousse

Depuis que ces exoplanètes ont été mises en évidence en 2017, des tas de chercheurs se sont penchés dessus. Nombre d’entre eux tentent donc de déterminer si l’une d’entre elles pourrait éventuellement héberger de la vie. En décembre 2022, ils ont reçu un soutien de poids qui pourrait faire avancer considérablement ces travaux : le James Webb, nouveau roi des télescopes spatiaux, s’est joint à l’aventure. Et une équipe vient tout juste de publier son premier papier sur cette campagne d’observation qui s’annonce fascinante.

L’objectif principal des chercheurs, c’était de déterminer la température de TRAPPIST-1b, le corps céleste le plus proche de l’étoile. C’est une donnée fondamentale, car les spécialistes peuvent en déduire des tas d’autres informations utiles.

Le problème, c’est que pour y parvenir, il faut mesurer la quantité de rayonnement infrarouge émise par l’objet. Or, les planètes telluriques de ce genre en émettent une quantité ridiculement faible. Les instruments classiques sont loin d’atteindre la sensibilité nécessaire dans cette gamme de fréquences pour capturer un tel signal. Et même le MIRI, l’un des nouveaux instruments ultra-sophistiqués dont dispose le Webb, en est incapable.

© NASA

Pour s’en approcher, il faut utiliser une technique baptisée Spectroscopie de l’éclipse secondaire. L’idée, c’est d’attendre que la planète et son étoile soient précisément alignées avec l’objectif du télescope. Un peu comme le Soleil, la Lune et la Terre lors d’une éclipse solaire, d’où le nom de la technique.

En théorie, cela permet d’isoler la luminosité de la planète en elle-même grâce à quelques tours de passe-passe mathématiques. Mais pour y arriver, il faut avoir accès à un instrument ultrasensible, capable de repérer des variations de l’ordre de 0,1 % !

La première détection de lumière depuis une exoplanète

C’est largement un hors de portée pour la grande majorité des capteurs. En revanche, c’est un jeu d’enfant pour celui du MIRI. Malgré l’incident de septembre 2022 (voir notre article), l’instrument continue de faire des merveilles. Grâce à cette caméra ultraperformante qui observe dans l’infrarouge moyen, les auteurs ont pu déterminer que la température de la face éclairée de TRAPPIST-1b avoisinait les 230 °C.

Le fait de parvenir à ce résultat est déjà un grand succès. Selon l’ESA, c’est la « toute première détection d’une forme de lumière, quelle qu’elle soit, émise par une exoplanète » de cette catégorie. Cela montre une nouvelle fois à quel point les performances exceptionnelles du télescope changent la donne pour les astronomes.

« Ces observations ont vraiment tiré parti des performances du Webb dans l’infrarouge moyen », explique Thomas Greene, astrophysicien au prestigieux Ames Research Center de la NASA. « Aucun autre télescope n’avait la sensibilité nécessaire pour mesurer un signal aussi ténu dans l’infrarouge moyen », se réjouit-il.

C’est une excellente nouvelle pour les astronomes. Car à travers cette observation, le Webb a ajouté une nouvelle corde à son arc. Ces travaux montrent que le télescope pourra jouer un rôle déterminant dans la chasse et l’étude des exoplanètes les plus intéressantes du cosmos.

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© NASA

L’autre point important, c’est le corollaire de cette observation. En effet, lorsqu’elle est présente, une atmosphère a pour effet de redistribuer la chaleur à l’échelle de la planète. Dans ce cas de figure, on s’attend donc à trouver un écart de température assez restreint entre la face éclairée et la face sombre de la planète. Mais ce n’est pas le cas sur TRAPPIST-1b.

D’après l’équipe, cette température est trop élevée pour être compatible avec la présence d’une atmosphère. « Les résultats sont presque parfaitement cohérents avec un corps noir constitué de roche, sans atmosphère pour faire circuler la chaleur », explique Emma Ducrot.

Le début d’une grande campagne d’observation

Jusqu’à présent, la présence ou l’absence d’atmosphère n’a jamais pu être confirmée. Et si ces travaux sont de loin les plus concluants à ce jour, il va encore falloir patienter un petit peu avant de crier victoire.

Maintenant qu’ils savent que le Webb est capable de réaliser ces observations, les chercheurs vont tenter d’enregistrer les variations de température pendant une orbite complète de TRAPPIST-1b. Ils pourront ainsi confirmer définitivement si la planète est effectivement dépourvue d’atmosphère… ou s’ils devront se mettre à chercher un autre facteur mystérieux qui pourrait expliquer cette mesure.

Quoi qu’il en soit, ce résultat préliminaire suggère que la planète n’a virtuellement aucune chance d’héberger une forme de vie telle qu’on la connaît. Mais à terme, les chercheurs vont aussi braquer le Webb sur le reste de la famille TRAPPIST-1. On peut donc s’attendre à des progrès importants dans l’étude de ce système fascinant à bien des égards.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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