En octobre 2017, l’affaire Weinstein a bouleversé le monde du petit et du grand écran. Les témoignages de nombreuses actrices américaines ont libéré la parole de milliers de femmes ayant subi des agressions sexuelles, notamment sur les plateaux de tournages. Après avoir détourné les yeux pendant de nombreuses années, l’industrie culturelle a dû s’emparer du problème et trouver des solutions. Le mouvement #Metoo a ainsi fait naître une nouvelle profession, celle de coordinateur ou coordinatrice d’intimité. Retour sur ce métier qui va enfin faire l’objet d’une formation en Angleterre.
Assurer la sécurité et le bien-être des acteurs et actrices
Il n’est pas rare de voir au cinéma ou à la télévision des scènes de nudité ou de sexualité entre plusieurs personnages. L’exercice n’est cependant pas anodin et mérite ainsi d’être pris avec tout le sérieux nécessaire. C’est là qu’intervient un coordinateur ou une coordinatrice d’intimité. Le plus souvent, il s’agit d’une personne formée aux thématiques environnant la sexualité et surtout le consentement. Son rôle est assez simple. Il repose sur le dialogue et permet de fixer les limites de chacun.
Dans un entretien avec le magazine Neon, Amanda Blumenthal (Euphoria) expliquait que sa mission était d’analyser toutes les scènes susceptibles de provoquer de l’inconfort chez les acteurs et actrices pour discuter avec eux des limites qu’ils souhaitent fixer. Concrètement, il s’agit souvent de définir les zones du corps qui peuvent être touchées ou montrées à l’écran. Les séquences sont décortiquées pour s’assurer que chacun des participants est en accord avec la feuille de route.
Ensuite, le coordinateur d’intimité informe le réalisateur des changements qu’il faudra opérer pour respecter les demandes des performeurs. Ceux-ci peuvent entraîner la création de prothèses pour favoriser le réalisme de la scène par exemple. Sur le tournage, une fois que le plan de route a été établi dans les moindres détails, le coordinateur d’intimité s’assure du respect des différentes règles établies par les acteurs et le réalisateur.
Pourquoi est-ce important ?
Si ce métier est très récent, il n’en est pas moins crucial pour l’industrie. En 2013, les actrices Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux avaient dénoncé les agissements du réalisateur Abdellatif Kechiche sur le tournage de La Vie d’Adèle. Elles évoquaient des conditions de travail “horribles”, parlant notamment d’une scène d’amour entre leurs deux personnages dont le tournage a duré plus dix jours.
De son côté, la série Euphoria a invité une coordinatrice d’intimité dès ses débuts et cette décision a été louée à de nombreuses reprises par les membres du casting. Jacob Elordi, qui incarne Nate dans la série HBO, expliquait à Elle Australia : “Dans la première saison, j’ai eu un peu de mal avec ça car je pensais que ça tuerai la spontanéité d’une scène et que ce serait peu pratique. Mais avoir travaillé avec elle, sur cette seconde saison a été un véritable cadeau.“
Même son de cloche sur le tournage de Sex Education, qui comme son nom l’indique ne lésine pas sur les scènes de nudité. Ita O’Brien, qui a également travaillé sur Normal People et I May Destroy You, expliquait à The Hollywood Reporter qu’il est important d’imaginer une séquence sexuelle comme un scène de combat ou de danse. “Il n’y avait pas cette idée de libérer du temps pour répéter un contenu intime. La production, s’il y a affrontement ou une danse, va trouver du temps pour le chorégraphe, du temps pour répéter. C’est le changement que nous demandons à l’industrie.“
Les bénéfices sont ainsi doubles, ils permettent aux acteurs et aux actrices d’être plus à l’aise et peuvent aussi les inviter à donner leur opinion sur le déroulement des choses. Le dialogue bénéficie aussi bien aux différents membres de l’équipe qu’au film ou la série qui peut gagner en réalisme. Certains éprouvent néanmoins quelques difficultés, comme c’est le cas de l’actrice Toni Collette qui révélait il y a quelques jours s’être sentie “plus anxieuse” en la présence de coordinateurs d’intimités.
Enfin une formation
Preuve s’il en fallait une que le métier est en train de gagner en importance, une première formation va voir le jour. Ita O’Brien, pionnière sur le secteur, a fondé la première école consacrée à ce métier et les thématiques qui en découlent. Baptisée “Intimité sur le tournage”, cette formation sera dispensée par la Mountview Academy of Theatre Arts de Londres.
Pendant deux ans, les étudiants et étudiantes apprendront les rudiments du métier. “Pour garantir que nous développons une profession qui peut fièrement grandir et gagner en excellence, nous devons être en mesure de former des personnes talentueuses qui pourront naviguer à la fois dans le voyage physique et émotionnel que chaque acteur va entreprendre, et peuvent livrer de manière responsable et en toute sécurité le contenu intime tel qu’envisagé par le réalisateur, la narration et chaque personnage.”
C’est en septembre prochain que la formation sera lancée en partenariat avec l’université de East Anglia en Grande-Bretagne. Une première mondiale qui témoigne des bouleversements que connaît l’industrie cinématographique. À noter que si ces métiers trouvent leur source sur le petit écran, ils s’invitent désormais au cinéma. La création d’une telle formation pourra ainsi favoriser le recours à des coordinateurs dès que le besoin s’en fait ressentir.
Quelques séries ayant recourt à des coordinateurs d’intimité
- Sex Education
- Euphoria
- Watchmen
- Outlander
- I May Destroy You
- Carnival Row
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