Cela fait déjà quelques années que le Starlink d’Elon Musk a le vent en poupe. Et plus le temps passe, plus l’énorme potentiel commercial de la constellation de satellites web devient concret. Naturellement, le concept a aussi séduit Jeff Bezos, jamais bien loin lorsqu’il s’agit d’investir dans une niche technologique prometteuse. Avant de céder la direction d’Amazon, il avait lui aussi annoncé le développement de Kuiper, sa propre constellation de satellites web.
Jusqu’à présent, le programme a plutôt fait du surplace (voir notre article). Mais d’après SpaceNews, la firme aurait considérablement accéléré ces derniers mois. Elle veut désormais proposer ses services à partir de 2024. Ses porte-paroles promettent même des engins plus performants que ceux de leur grand rival.
Trois terminaux pour trois profils de clients
Dans un premier temps, la firme va proposer des terminaux de 28 cm² pour un poids de 2,3 kg. Cette version proposera un débit de 400 Mbps. Le coût de production annoncé est inférieur à 400 $.
En plus de cette offre standard, Amazon proposera aussi deux formules alternatives. On trouvera d’abord un tout petit terminal de la taille d’une liseuse Kindle qui pèsera moins de 500 g. Elle ne proposera qu’un débit de 100 Mbps, mais le tarif devrait être nettement plus abordable.
De l’autre côté du spectre, la firme prépare aussi un modèle haut de gamme. Le récepteur sera nettement plus encombrant (48 x 76 cm), mais il permettra aux clients d’atteindre un débit descendant de 1000 Mbps. En revanche, il ne devrait pas être disponible au grand public. Il sera réservé aux entreprises et aux institutions gouvernementales, du moins dans un premier temps.
92 lancements déjà réservés
Avant la mise en service, il va déjà falloir mettre la constellation en orbite. Comme on pouvait s’y attendre, Amazon a déjà signé plusieurs contrats avec Blue Origin dans cette optique. Mais ce n’est pas l’autre entreprise de Jeff Bezos qui se chargera de lancer les premiers Kuiper.
A la place, la firme a fait appel à United Launch Alliance. C’est un autre titan de l’aérospatiale américaine qui entretient déjà des rapports privilégiés avec la famille Amazon. L’entreprise fait notamment partie de la fameuse National Team, un ensemble de firmes américaines qui travaillent avec Blue Origin sur des projets d’exploration spatiale ambitieux.
Ensemble, les deux entreprises espèrent faire d’une pierre deux coups. Les deux premiers prototypes de Kuiper seront en effet chargés à bord de Vulcan Centaur, la fusée de nouvelle génération sur laquelle ULA travaille depuis plusieurs années. Pour l’instant, le lancement inaugural est prévu en mai prochain.
À partir de là, Amazon compte produire 3 à 5 satellites par jour. Elle fera alors appel à plusieurs autres opérateurs de lancement. Elle a déjà réservé plus de 90 lancements avec Blue Origin, ULA, et le géant européen Arianespace. L’objectif sera de mettre un total de 3236 appareils en orbite d’ici 2026.
Si tout se déroule comme prévu, la vitesse du déploiement sera donc supérieure à celle de la constellation Starlink. À titre de comparaison, SpaceX a déployé un peu plus de 3500 satellites depuis le lancement du programme en 2019.
Moins de satellites, mais une puce magique pour compenser
En revanche, le nombre total d’engins sera très différent. À terme, Elon Musk compte déployer au moins 12 000 Starlinks, soit presque quatre fois plus qu’Amazon prévoit actuellement. Pour rivaliser, chaque maille du réseau devra donc être très performante. Pour y parvenir, Amazon mise sur une puce propriétaire baptisée Prometheus.
Les responsables du projet semblent très fiers de ce composant, si l’on se fie aux propos rapportés par SpaceNews. “Prometheus est une puce formidable”, explique David Limp, vice-président de la branche Kuiper chez Amazon. “Nous avons une puissance comparable à celle du modem de votre smartphone 5G, et aussi un système de backhaul aussi puissant que les meilleurs systèmes actuels… le tout combiné dans ce tout petit circuit imprimé”, se réjouit-il.
SpaceX et Amazon sauront-ils cohabiter paisiblement ?
En l’état, il y a deux entreprises qui dominent outrageusement ce secteur : SpaceX, évidemment, mais aussi les Anglais de chez OneWeb. Et il sera très intéressant de voir comment Kuiper va s’intégrer à ce nouveau marché florissant.
Car si SpaceX entretient une rivalité saine et relativement amicale avec la firme britannique, on ne peut pas en dire autant de Blue Origin — et c’est même un sacré euphémisme. Il est de notoriété publique que Musk et Bezos ne s’apprécient guère à titre personnel. Et pour ne rien arranger, leurs entreprises sont des concurrentes directes à plusieurs niveaux.
Cette situation a déjà généré des frictions considérables. On peut notamment citer la fameuse « affaire HLS ». Pour rappel, en 2021, la NASA a lancé un appel d’offres pour la conception du véhicule qui permettra aux astronautes d’Artemis 3 de se poser sur la Lune. Blue Origin et SpaceX se sont livré une concurrence féroce pour obtenir ce contrat immensément prestigieux. Et cette joute administrative a fini en véritable guerre judiciaire qui semble avoir laissé un goût amer à Elon Musk, même s’il est finalement sorti gagnant de cette histoire.
Connaissant les moyens dont dispose Amazon, il est fort probable qu’elle s’impose rapidement comme un acteur majeur de cette industrie. Il sera donc très intéressant d’observer comment se passera la cohabitation avec SpaceX. Rendez-vous au printemps 2024 pour les premiers éléments de réponse.
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