Cela fait des années que Vénus fait l’objet d’un grand débat chez les planétologues. Le paysage de cette planète infernale est dominé par plus d’un million de volcans, dont 1500 de très grande taille, et les chercheurs savent pertinemment que la « jumelle infernale » de notre Terre a été le théâtre d’une activité volcanique spectaculaire il y a quelques millions d’années à peine.
De nombreux spécialistes considèrent donc qu’on devrait trouver des signes d’éruptions relativement récentes. Cette hypothèse est soutenue par plusieurs éléments assez convaincants. Par exemple, la surface de Vénus est relativement jeune géologiquement parlant. Généralement, il s’agit d’un signe très fort en faveur d’une activité géologique soutenue.
Mais tout le problème, c’est de réussir à le prouver. Et malgré quelques travaux prometteurs dans ce sens, comme cette étude diligentée par l’ESA en 2010, personne n’a réussi à apporter la preuve indiscutable d’une activité géologique récente. Mais cet état de fait pourrait désormais être remis en question ; une équipe de chercheurs a trouvé ce qu’elle considère comme une preuve irréfutable.
L’héritage de Magellan
Ces travaux ont été pilotés par le professeur Robert Herrick à l’Institut de Géophysique de l’Université d’Alaska à Fairbanks. Avec son équipe, il s’est penché sur le travail de la célèbre sonde Magellan, lancée en 1989. Ils se sont concentrés sur deux images prises en 1991 à environ huit mois d’intervalle.
Ce sont des clichés qui ont déjà été observés sous tous les angles par les chercheurs de l’époque. Mais grâce aux progrès des techniques analytiques et à la quantité de données collectées entre temps, l’équipe d’Herrick a pu observer un changement important au niveau de Maat Mons, l’un des plus gros édifices volcaniques de la planète.
Ils ont remarqué qu’une cheminée avait considérablement grandi entre les deux clichés ; en huit mois, sa surface est passée de 2 km² à 4 km². Sa forme a aussi été altérée. Alors qu’elle était relativement circulaire sur la première image, elle s’était affaissée huit mois plus tard.
Et selon Herrick, il n’y a qu’une seule interprétation possible : cela signifie qu’un volcan est entré en éruption sur Venus en plein milieu de la mission, au nez et à la barbe de la sonde Magellan !
Est-ce vraiment un volcan actif ?
Cette découverte a généré une excitation considérable dans l’équipe ; auraient-ils enfin mis la main sur la preuve indiscutable tant attendue ? Avant de tirer des conclusions hâtives, ils ont souhaité prendre toutes leurs précautions. Ils ont donc fait appel à Scott Hensley, un spécialiste de Vénus qui travaille sur les prochaines campagnes d’exploration de la NASA.
Ce dernier a été chargé de vérifier que l’équipe avait bien interprété les données à sa disposition. En effet, le changement observé aurait aussi pu être une sorte de mirage provoqué par une simple différence d’éclairement ou d’angle de vue entre les deux images.
Pour en avoir le cœur net, Hensley s’est également penché sur les données de Magellan. Il s’en est servi pour simuler des centaines d’observations de cheminées volcaniques dans différentes conditions d’éclairement et depuis plusieurs points de l’orbite. Aucune de ces simulations ne ressemblait à la forme allongée de la cheminée de Maat Mons.
Cela suggère très fortement que ce n’était pas un problème de perspective, et qu’un changement physique avait bien eu lieu à la surface de Venus. À ce jour, il s’agit sans aucun doute des travaux les plus probants sur cette question.
Certes, il reste une petite possibilité que l’effondrement de la cheminée soit lié à un séisme plutôt qu’à une éruption. Mais pour les chercheurs, cela reviendrait plus ou moins au même, car les activités sismiques et volcaniques sont intimement liées.
Vénus bientôt au centre des priorités
Il n’y a donc presque plus aucun doute par rapport à l’activité géologique de Vénus : tout indique que la jumelle infernale de notre Planète Bleue est bien vivante, géologiquement parlant.
Et cette confirmation va sans doute avoir des conséquences assez concrètes. Lors de ces travaux, Herrick et son équipe ont passé environ 1,5 % de Vénus au peigne fin. Or, près de 40 % de sa surface a été photographiée au moins deux fois par Magellan ! Cela signifie que les chercheurs pourront probablement retrouver la trace de nombreux autres événements de ce genre. Il ne reste plus qu’à retourner fouiller la montagne de données rapportées par la vénérable sonde il y a trois décennies.
Le dernier élément qui rend cette découverte enthousiasmante, c’est son timing. En effet, à l’horizon 2030, la NASA va changer de cycle ; elle se détournera de sa priorité actuelle, à savoir Mars, pour se concentrer sur l’étude de Venus. Plusieurs missions très ambitieuses comme Veritas, et DaVinci ou EnVision vont partir explorer cette diva particulièrement hostile et peu photogénique. Et ce processus va sans doute conduire à des révélations spectaculaires. Car aujourd’hui, c’est encore le vieux Magellan qui fait office de référence dans ce domaine, trois décennies après sa retraite.
Il faudra donc se montrer patients, mais le jeu en vaut la chandelle ; d’ici quelques années, nous allons probablement redécouvrir cette planète parmi les plus fascinantes du système solaire.
Le texte de l’étude est disponible ici.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
J’ai toujours imaginé qu’il y avait de la vie là bas tout comme sur Mars
Si c’est le cas, je suis très heureuse que l’on se focalise enfin sur cette qui m’a toujours intriguée.